Hijab : Julius Grey perd contre la juge Marengo
Jean-Francois Parent
2016-10-13 14:15:00
Ce n’est pas parce qu’une magistrate décide d’exclure une justiciable de son tribunal que tous les juges sont ainsi, estime le juge Wilbrod Claude Décarie. C’est l’une des raisons motivant la décision de la Cour supérieure de ne pas donner suite à la demande de jugement déclaratoire déposée par Me Grey.
Le juge Décarie poursuit : « Rien dans la preuve ne permet au Tribunal de conclure que la décision isolée de la juge Marengo est suivie par l’ensemble des juges de la Cour du Québec ».
Rania El-Alloul souhaitait que la Cour édicte que tous peuvent porter des vêtements à caractère religieux dans un tribunal. Rania El-Alloul s’était vue exclue du tribunal par la juge Marengo parce qu’elle refusait de laisser son hijab au vestiaire. Mme El-Alloul s’opposait alors à une décision de la Société d’assurance automobile.
Invoquant le décorum nécessaire au tribunal, Eliana Marengo avait refusé d’entendre Mme El-Alloul tant que celle-ci portait le hijab.
Rania El-Alloul décide donc de demander un jugement déclaratoire.
Le juge Décarie rétorque que « la seule façon d’attaquer une décision judiciaire c’est en formant un appel ou un pourvoi en contrôle judiciaire. Aucun de ces recours n’a été intenté en l’espèce ».
Une décision « malheureuse »
Pour l’essentiel, Rania El-Alloul craint d’être privée de son droit d’être entendue par les tribunaux à la suite du refus de la juge Marengo d’entendre son témoignage si elle persistait à porter le hijab.
« Ces craintes sont purement subjectives », écrit le juge Wilbrod Claude Décarie.
Ce dernier déplore cependant la décision « malheureuse » de la juge Marengo, disant éprouver « beaucoup de sympathie » à l’égard de Rania El-Alloul et déplorant « grandement, encore une fois, la façon dont elle a été traitée ».
Il estime en outre que « la réparation demandée constituerait une ingérence dans la compétence institutionnelle de la Cour du Québec », qui empêcherait les juges de décider de ce qu’ils peuvent accepter ou refuser dans leurs tribunaux.
Il reste que la décision de la juge Marengo découle « d’une mauvaise application de l’article 13 du Règlement », observe Wilbrod Claude Décarie.
Ce dernier constate en outre que la juge Marengo va à l’encontre des principes énoncés dans l’arrêt R. c. N.S., rendu par la Cour suprême, qui « établit clairement qu’une femme peut porter le voile intégral (le niqab) lors de son témoignage si elle est en mesure d’établir que sa volonté de le porter est fondée sur une croyance religieuse sincère et que cela ne porte pas atteinte, d’une façon injustifiée, au droit d’une personne à un procès juste et équitable. À plus forte raison lorsqu’il s’agit d’un hijab qui ne cache pas le visage ».
La décision d’Eliana Marengo lui a valu près d’une quarantaine de plaintes contre elle au Conseil de la magistrature, pour avoir « fait fi de la Charte canadienne des droits et libertés en refusant l'accès à la justice à une citoyenne pour des motifs religieux, d'avoir fait preuve de racisme, d'islamophobie et de xénophobie ».
Dix des 38 plaintes ont été rejetées. Le CMQ n’a toujours pas rendu de décision dans ce dossier.
Eliana Marengo, représentée par Me Raymond Doray de Lavery, s’oppose à la procédure, alléguant qu’une enquête du Conseil porterait atteinte à son indépendance.
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