Garanties prolongées : la Cour suprême refuse d’entendre les détaillants
Jean-Francois Parent
2018-06-01 11:15:00
Ainsi en a décidé le plus haut tribunal du pays, qui a rejeté le 31 mai la permission d’en appeler d’un jugement qui confirmait l’autorisation de la poursuite.
Le problème repose essentiellement sur le fait que malgré que les consommateurs bénéficient d’une garantie légale, applicable au-delà de l’expiration de la garantie du manufacturier, les détaillants, tels Ameublements Tanguay, ont vendu des garanties prolongées sans informer les clients qu’ils bénéficiaient d’une garantie légale.
Les durées de ces garanties prolongées allaient jusqu’à cinq ans dans le cas d’électroménagers. On a fait valoir que la garantie du manufacturier n’étant que d’un an, il fallait donc payer pour avoir une protection supplémentaire.
C’est l’avocat David Bourgoin, de BGA à Québec, qui pilote les autorisations collectives portant sur les garanties prolongées des détaillants.
En Cour suprême, Mes Jean-Philippe Groleau et Nicholas Rodrigo plaidaient pour Brault et Martineau, Marie France Tozzi, de Jeansonne, plaidait pour Meubles Léon, tandis que Daniel O’Brien, du cabinet éponyme, représentait Ameublements Tanguay.
Corbeil Électrique n’était pas représenté.
Pratique « systémique et généralisée »
Treize chaînes de détaillants au total se seraient livrées à des pratiques commerciales interdites, allèguent les requérants. Ainsi, Ameublements Tanguay, Léon, Corbeil, et plusieurs autres auraient « de manière systémique et généralisée », vendue des garanties prolongées « sous de fausses représentations alors que la loi offre déjà de telles garanties au consommateur ».
« En première instance, on a refusé l'autorisation contre plusieurs de ces détaillants, et comme Corbeil est intégré dans la faillite Sears, ils ne font plus partie de l'action collective non plus », précise Me David Bourgoin.
Les consommateurs qui pourraient être inclus dans le recours sont tous ceux ayant « acheté une garantie prolongée à la suite de la représentation à l’effet que si elles n'achetaient pas cette garantie supplémentaire et qu'un bris survenait après l'expiration de la garantie d'un an du manufacturier, elles devraient assumer le coût des réparations ou du remplacement ».
Arrêt Marcotte
Déposé en 2014, le recours a été autorisé en première instance en septembre 2016 par le juge Pierre Nollet, de la Cour supérieure.
Ce dernier écrit que « sur les fausses représentations, le Tribunal conclut que des causes d’action suffisantes ont été démontrées à l’encontre de Tanguay, Meubles Léon, Brault & Martineau, Corbeil et Glentel ».
Le juge Nollet autorisait donc le tribunal à répondre à la question de savoir de fausses représentations ont bel et bien été faites aux consommateurs pour les inciter à acheter une garantie prolongée. Et si oui, s’Il faut les dédommager.
Cette décision a été portée devant la Cour d’appel, qui a confirmé le jugement de première instance autorisant le recours. Au motif d’appel, les demandeurs plaidaient que le requérant signataire de la demande d’action collective ne pouvait « être autorisé comme représentant des membres puisqu'il n'a de lien de droit avec aucune des Intimées », parce que ce dernier n’avait pas souscrit la garantie auprès du détaillant, mais plutôt auprès d’un sous-traitant.
Comme les détaillants vendent des produits différents et proposent des expériences différentes à leurs clients, ces derniers plaidaient en appel que le représentant d’une action contre l’un ne pouvait pas représenter un autre groupe de demandeurs.
Ce à quoi la Cour d’appel répond que « l’article 575 C.p.c. ne requiert pas une expérience identique entre celle vécue par le représentant et celles vécues par les membres. Ce n’est pas non plus ce qu’exige l’arrêt Marcotte. L’important est que l’expérience du représentant permette d’identifier des questions de droit ou de faits similaires ou connexes et que cette expérience lui permette aussi d’assurer une représentation adéquate du groupe ».
C’est cette dernière décision dont les détaillants interjetaient appel devant la Cour suprême. Cette dernière refusant d’entendre la cause, l’action collective peut maintenant se poursuivre.