Pas d’immunité pour les fichiers juridiques dans le nuage
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Didier Bert
2025-02-10 10:15:09
La Cour d'appel de Paris valide la suppression de fichiers sensibles stockés par un avocat sur Google Drive… et son signalement aux autorités américaines. Possible ici?
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Un récent jugement par un tribunal français pourrait encourager des avocats à se demander si leur utilisation de services infonuagiques pourrait être soudainement interrompue…
La Cour d'appel de Paris a confirmé que Google avait le droit de suspendre le compte d'un avocat ayant stocké des fichiers pédopornographiques sur Google Drive, dans le cadre d’affaires où il représentait la défense.
Le dossier, qui oppose Me I.B. à Google, soulève des questions juridiques sur la protection des données et les obligations des fournisseurs de services en ligne. Le Barreau de Paris est intervenu dans l’affaire, en soutien de l’avocat.
Le tribunal a jugé que Google a légitimement appliqué la clause résolutoire de son contrat, en raison de la nature de 77 fichiers trouvés sur le compte de Me I.B.
L’avocat utilisait un compte Gmail et Google Drive à des fins personnelles et professionnelles. Il avait stocké dans son Google Drive des fichiers d'images de mineurs à caractère pornographique, provenant de dossiers pénaux dans lesquels il intervenait comme avocat de la défense
Le 6 janvier 2021, Google a désactivé le compte de l’avocat après avoir détecté ces fichiers, considérant qu'il y avait une infraction grave à ses règles.
Google a aussi signalé ces fichiers à l'association américaine National Center for Missing and Exploited Children (NCMEC), dédiée à la lutte contre l'exploitation sexuelle des mineurs. Cette association est susceptible d’avoir transmis ce signalement aux autorités judiciaires américaines.
L’avocat a assigné Google en justice afin d'obtenir la réactivation de son compte, l'accès à ses données, et des dommages-intérêts.
Aucune exception chez Google
La Cour d’appel de Paris a décidé que la désactivation du compte Google Drive était justifiée en raison de la présence de contenu pédopornographique, ce qui constitue une violation des conditions d'utilisation du service. La cour a statué qu'il appartenait à Google, en tant qu'hébergeur, de lutter contre la prolifération de la pornographie enfantine.
Google n'avait pas l'obligation de vérifier la provenance légitime des fichiers avant de désactiver le compte. En souscrivant aux services de Google, l’avocat acceptait les mesures techniques de détection de contenus pédopornographiques de l’entreprise américaine.
La détention d'images de mineurs à caractère pornographique ne peut faire l'objet d'exceptions motivées par des considérations artistiques, éducatives, documentaires ou scientifiques au sens du règlement de Google Drive. La qualité d'avocat ne justifie pas à elle seule la détention de tels contenus, écrivent les juges.
En outre, le tribunal considère que le signalement des fichiers à l'association NCMEC était légitime, conformément à la loi américaine et aux règles de Google. Et l’entreprise n'était pas tenue de contacter l'utilisateur avant de désactiver le compte, car cela aurait pu compromettre une éventuelle enquête.
Cependant, la Cour d’appel de Paris a ordonné à Google de restituer à l’avocat l'intégralité de ses courriels et son carnet d'adresses, considérant que les services Gmail et Google Drive sont indépendants et qu'il n'était pas démontré que le compte Gmail contenait également des fichiers pédopornographiques.
Le tribunal a également constaté que les fichiers pédopornographiques étaient stockés dans le cadre de procédures pénales pour lesquelles il était désigné avocat.
Les juges ont condamné Google à une astreinte de 11 000 euros pour ne pas avoir communiqué une copie du signalement fait auprès de l'association NCMEC dans les délais prescrits. Mais ils ont rejeté la demande de réactivation du compte Google de l’avocat, ainsi que les demandes de dommages et intérêts mutuelles de l’avocat et de Google.
Cerise sur le sundae: l’avocat et le barreau de Paris sont condamnés à payer les frais judiciaires.