La 1ère associée directrice de Woods!
Céline Gobert
2019-03-21 15:00:00
La leader, qui pratique dans le domaine du litige commercial et corporatif, succède ainsi à Me Richard Vachon qui exerçait ces fonctions depuis 2015.
Elle est notamment membre du comité exécutif de l’Institut des administrateurs de sociétés, du conseil d’administration du Trust Banque Nationale et présidente du conseil d’administration du Théâtre du Nouveau Monde (TNM).
Droit-inc a voulu en savoir plus sur sa vision pour Woods.
Droit-inc : Prendre la tête de l’une des plus importantes boutiques de litige, d'arbitrage et d'insolvabilité au Canada, ça fait quoi?
Me Caroline Biron : Je suis très enthousiaste et très honorée de la confiance que l’on me porte. Ma nomination s’inscrit dans la continuité de ce que Richard Vachon a entrepris. Il a été le premier associé directeur après James Woods le fondateur du cabinet.
Son mandat était d’assurer la transition et la pérennité du cabinet. Il a fait preuve de beaucoup de doigté et de dévouement pour consolider le positionnement du cabinet au Canada en matière d’arbitrage et de litige.
Le fait que vous soyez une femme, c’est un signal fort de la part de Woods?
Oui, c’est clairement un signal fort de la part de Woods d’avoir choisi une femme. C’est un enjeu au sein de la profession et pas seulement au Québec mais dans toute l’Amérique du Nord. Mais au-delà de cet enjeu «femme», Woods voulait quelqu’un qui était engagé dans la gestion du cabinet et qui avait le souci de s’attarder sur les questions liées aux femmes mais aussi aux générations X et Y.
Quelle est votre vision de ces enjeux-là?
Il faut comprendre les enjeux des jeunes. On se rend compte que leurs aspirations ressemblent à celles traditionnellement attribuées aux femmes : avoir un environnement de travail qui tienne compte à la fois de leurs aspirations et de leur équilibre avec leur vie personnelle. C’est mon défi de développer un tel environnement!
Garder ces enjeux en tête, ça change quoi en termes de leadership selon vous?
Il faut vraiment être à l’écoute, réaliser qu’on est en 2019. Il faut une vision plus avant-gardiste, tournée vers 2020 et pas ancrée dans le passé. Aujourd’hui, les jeunes avocats veulent plus d’autonomie, plus de feedback, ils veulent se sentir appréciés. J’ai beaucoup d’admiration pour eux.
C’est la course aux stages en ce moment et je suis renversée par la qualité des candidatures que l’on reçoit. Les jeunes ont déjà des parcours assez impressionnants. Ils ont une idée précise de ce qu’ils veulent, et ne veulent pas.
Comment décririez-vous votre style de leadership?
Je suis vraiment quelqu’un d’équipe. Depuis 14 ans que je suis chez Woods, je suis un mentor auprès des jeunes, et je me fais une fierté de voir que la plupart d’entre eux sont devenus associés au sein du cabinet. J’ai pris le temps de les coacher, des les faire valoir auprès des clients, auprès de la magistrature.
Pourquoi c’est important?
Ça sert deux objectifs. D’abord, ça sert leur propre croissance et ensuite, cela permet de gagner la confiance des clients. Vous savez, en litige, on travaille sur de gros dossiers stratégiques pour les clients qui nécessitent des équipes. Et j’ai toujours mis les jeunes de l’avant, partager avec eux le travail, voire leur laisser prendre la place quand je sens qu’ils sont capables.
Quels conseils aimeriez-vous donner aux futurs juristes qui nous lisent?
Le conseil que je leur donnerais est de toujours se dépasser. Quand on choisit le métier d’avocat de litige, il faut qu’à la base il y ait une curiosité intellectuelle et un désir de répondre aux besoins des clients. Il ne faut pas oublier pourquoi on fait ce qu’on fait, et éviter les automatismes. Une carrière, c’est long et fait de défis, il faut y trouver son compte, aimer son environnement de travail, ses collègues.
Notre mission est de donner aux clients des résultats, c’est ça qu’ils veulent, que ce soit un jugement gagnant, une opinion honnête ou un examen avantageux. Il ne faut pas avoir peur de leur faire un portrait de la situation et de prendre des décisions en fonction. Notre travail est comme une carte à l’intérieur d’un château de cartes. Sans elle, pas d’équilibre et tout s’effondre.
Vous dites : « Il ne faut pas oublier pourquoi on fait ce qu’on fait ». Vous, pourquoi exercez-vous le métier d’avocate?
Moi c’est vraiment parce que le litige me permet d’élargir mon univers. Je côtoie des CEO, les comités de direction d’entreprises du Québec Inc, mais aussi en lien avec les États-Unis ou l’Europe. Grâce à eux, j’en apprends sur les enjeux de leur industrie respective, c’est extrêmement enrichissant.
Devenir associée directrice d’un cabinet d’avocats, c’est un rêve de petite fille ou vous n’y avez pensé que plus tard?
Non, je dirais que c’est l’étape naturelle de mon développement mais je n’avais pas le rêve de devenir associée directrice d’un cabinet. J’étudiais en affaires au départ, et j’avais un cours complémentaires en droit, c’est comme ça que je m’y suis intéressée. J’ai de la chance d’avoir eu des mentors généreux de leur temps et de leurs conseils. J’étais admiratrice de Louise Arbour, Beverley McLachlin, qui ont des parcours exceptionnels.
Savez-vous pourquoi on vous a choisi, vous?
J’ai toujours cherché à me dépasser, et je m’implique beaucoup en matière de gouvernance, je crois beaucoup à l’implication. Je dirais que c’est peut-être à cause justement de ma progression naturelle dans le cabinet et de la profonde qualité de mon expérience et de ma motivation. Je me suis impliquée dans plusieurs comités : finances, rémunération, diversité, développement professionnel, marketing.
Il y a deux ans, j’ai créé une journée de réunion pour toutes les femmes du cabinet, parajuristes, avocates, associées, dans le but d’échanger, et de bâtir un sentiment d’appartenance. Je suis aussi la présidente de la fondation du TNM. C’est la première fois qu’il s’agit d’une femme, comme chez Woods.
Quelle est votre vision de l’avenir de Woods?
Je vois un avenir extraordinaire devant nous. Mon objectif est qu’à la fin de mon mandat, on ait atteint la parité chez les associés. On l’a atteint chez les sociétaires, mais il y n’y a que 3 femmes sur les 11 associés.
Quelles sont vos autres priorités comme associée directrice?
Un autre de mes objectifs est de continuer à être des leaders sur le marché au Canada, d’autant que le cabinet a beaucoup grossi, de 11 on est passés à 31. Je veux accroître notre présence sur le marché, mieux connaître nos clients. La majorité d’entre eux nous sont référés par les avocats de grands cabinets qui sont en conflit d’intérêt. Il faut que l’on consolide ces relations, leur faire connaître notre équipe.
Comment planifiez-vous être meilleurs que vos compétiteurs?
Je ne dirais pas « être meilleurs » car je pense que l’on est distincts chez Woods. On fait du litige civil, commercial, corporatif, de l’arbitrage et de l’insolvabilité, on est moins dispersés qu’un autre cabinet. En fait, je dirais même qu’on a la meilleure équipe à Montréal!
Alors on regarde comment le marché évolue, nos avocats aiment beaucoup le marché des actions collectives, ils se tiennent au courant sur l’intelligence artificielle, le blockchain. On suit de près les tendances!
Enfin, nous allons embaucher encore, une nouvelle avocate va bientôt se joindre à nous, ainsi que deux stagiaires de la course aux stages. Et on cherche un avocat de 3 à 6 ans d’expérience, on l’a annoncé sur votre plateforme.
Avez-vous conscience qu’en atteignant ce poste, vous allez maintenant être un modèle pour la génération de juristes qui arrivent? Et de femmes notamment.
Oui, et je l’espère! J’espère vraiment que cela va servir d’inspiration pour les femmes. Il y a de plus en plus d’associées directrices dans les cabinets. Et cela va devenir de plus en plus fréquent.