Elle copie 40 signatures et écope d’une lourde radiation
éric Martel
2019-08-14 13:15:00
« Le comportement de l’intimée traduit un profond manque de professionnalisme et porte ombrage à l’ensemble des notaires », peut-on lire dans le jugement du Conseil de discipline de la Chambre des notaires du Québec, présidé par Me Daniel Y. Lord.
L’ancienne de l’Université de Montréal a également tardé à dresser certains rapports de conciliation mensuels. On dénonce qu’elle a accepté des actes de vente sans avoir préalablement reçu et consigné tous les fonds nécessaires à leur exécution en plus d’avoir fait défaut de combler sans délai le débit de certains comptes.
Puis, elle a omis de s’assurer de la suffisance des fonds reçus pour couvrir des déboursés liés à une transaction, en plus de ne pas retenir en fidéicommis certaines sommes jusqu’à la publication d’un acte de vente.
Le Conseil de discipline estime que l’ex-notaire « ne semble pas encore comprendre clairement ni mesurer l’étendue et l’importance du respect des règles et processus qui encadrent le travail d’un notaire pour garantir le caractère authentique des actes qu’il confectionne ni vraiment prendre la mesure de leurs conséquences ».
À la suite de sa radiation, l’ex-notaire verra sa pratique limitée pour une période supplémentaire de cinq ans à compter de sa réinscription au tableau de l’ordre. Durant cette période, sa pratique sera restreinte à donner des avis ou des consultation juridiques. De plus, elle devra travailler pour le compte d’autrui.
D’ailleurs, depuis le 25 juillet dernier, une limitation volontaire est inscrite à son profil de l’Ordre professionnel des notaires du Québec.
L’ex-notaire, qui pratiquait à son compte, est représentée par Me Giuseppe Battista de BTIC avocats.
Pour sa part, le plaignant et syndic adjoint Benoit Caron était au côté de Me Yannick Chartrand, avocat principal de la Chambre des notaires du Québec dans ce dossier.
Dans le déni
Dès 2016, des soupçons pèsent à l’égard de Joelle Manekeng Tawali, si bien qu’une enquête est lancée par Me Geneviève Collins, syndique adjointe à la Chambre des notaires du Québec.
Deux ans plus tard, à la suite d’inspections professionnelles et d’interventions, la notaire est rencontrée par Me Collins et Me Chantal Racine, une autre syndic adjointe. Lors de la discussion, Mme Manekeng Tawali est confrontée relativement aux signatures copiées.
« Bien que surprise », la notaire « reste calme », et laisse sous-entendre que ces plagiats sont « peut-être le fait d’un employé », explique-t-on dans le jugement.
À ce moment, «l’intimée ne semble pas comprendre que les actes en question perdent leur caractère authentique en raison de ces signatures imitées », ajoute-t-on.
Ce n’est que neuf jours plus tard que la suspecte déclare ses méfaits, s’avouant « libérée d’avoir été découverte. »
Mea culpa
Dans son témoignage, l’intimée a également déclaré qu’elle avait « beaucoup de difficultés à gérer son greffe. »
« J’ai du mal avec les technicalités et le formalisme du travail de notaire », consent-elle.
Bien qu’elle ait été membre de l’Ordre professionnel des notaires depuis 2012, ce n’est qu’en 2015 que Mme Manekeng Tawali a débuté sa pratique. Elle n’avait qu’un an d’expérience au moment de ses méfaits.
L’intimée admet qu’elle aurait dû demander de l’aide et lancer sa pratique dans un contexte où elle aurait bénéficié du soutien et de l’encadrement d’un notaire plus expérimenté.
Malgré le fait que le conseil ait considéré son peu d’expérience, ainsi que son absence d’antécédent disciplinaire, il « demeure sceptique sur son degré de compréhension de l’ampleur et des conséquences prévisibles de ses gestes. »
Il considère que ce cas était « loin de la simple désorganisation d’une pratique professionnelle solo. »
« L’intimée a contrevenu à ce qui est au cœur de la pratique du droit notarial : la rigueur, le respect des normes et des délais, le formalisme des actes qui leur donne le caractère authentique sont l’abécédaire de la pratique du droit notarial », estime-t-on.
Contactée par Droit-inc, Joelle Manekeng Tawali a préféré ne pas commenter l’affaire.