La fronde des avocats en pratique privée
Delphine Jung
2020-01-31 14:15:00
« Le mouvement a été initié par les avocats en pratique privée qui acceptent les mandats de l'aide juridique et certaines associations, comme celle des avocats de la défense », explique Kim Dingman, une avocate du district judiciaire de Saint-François.
Elle déplore les tarifs clairement insuffisants : « la tarification de l’aide juridique est basée sur le type de dossier sans tenir compte du nombre d’heures qui y est consacré. On aimerait que ce soit proportionnel au temps passé », dit-elle.
Elle ajoute que le montant octroyé pour la défense d’un individu est fixé à 330 $ pour les accusations portées par voie sommaire et 550 $ pour un acte criminel.
Me Dingman suggère la mise en place de tarifs horaires comme cela se fait dans d'autres provinces.
L'avocat Tiago Murias, de Montréal, soutient lui aussi le mouvement. « La réforme de l'aide juridique est nécessaire. Notamment une réforme qui rémunère la préparation des procès ce qui, à mon avis, est la faille principale du système forfaitaire actuel », dit-il.
Son confrère, Jean-Marc Bénard, arbore lui aussi le rond bleu depuis vendredi dernier. Il évoque un cas dans lequel un avocat a été nommé par la cour pour reprendre le dossier « alors qu'il n'y connaît rien! Je me mets à la place du client et franchement, je trouve ça un peu particulier ».
Lui aussi concède que « dans certains dossiers, on est sous-payé ». Cela fait 31 ans qu'il prend des dossiers de l'aide juridique et il explique que certains sont très complexes. Il souhaiterait que les heures de préparation soit également payées, « surtout s'il y a plusieurs chefs d'accusation ».
Il se souvient par exemple avoir eu un cas dans lequel le client avait plus de 50 chefs d'accusation. S'il avait pris ce dossier, cela lui serait revenu à un travail rémunéré « à 2 $ de l'heure ». « Moi je fais du volume, alors ça va, mais ce sont surtout les avocats qui ont moins de 10 ans de pratique qui ont du mal. Il faut arrêter de croire que les avocats marchent sur l'or », dit-il encore.
Lui n'est pas forcément favorable à un tarif horaire en revanche. « Je pense que la gestion sera plus difficile. Pour le temps de préparation, on pourrait bénéficier d'une majoration de tarif par exemple », argumente-t-il.
Porter ce cercle bleu leur permet ainsi de se faire remarquer. « Nous faisons ça pour faire parler de nous, pour nous faire entendre et ça fonctionne! Les gens nous posent des questions », explique Me Dingman.
« On suit les développements de jour en jour, ça bouge beaucoup en ce moment. Plusieurs associations s'activent et travaillent à un mouvement commun », dit de son côté Me Bénard.
« C'est important de le porter. Pour le moment, le tribunal ne nous demande pas de le retirer. J'espère que ça sert. C'est un mouvement de masse. Il faut vraiment une réforme de l'aide juridique », ajoute Me Stéphanie Côté, une autre avocate criminaliste et qui est aussi la vice-présidente de l'Association des avocats et avocates de province.
Quant à savoir si d'autres actions seront posées, les avocats restent flous. « Il y aura d'autres choses envisageables, mais on ne peut pas encore en parler », indique Me Dingman. Une grève n'est toutefois pas sur la table pour le moment.