Violences sexuelles : Juripop débordé!
Camille Laurin-Desjardins
2020-07-10 11:15:00
Déjà, après l’annonce du projet en décembre, des dizaines de noms s’étaient accumulés sur une liste d’attente. Le jour même du lancement, le 3 juin dernier, Juripop a reçu plus de 200 appels.
Mais depuis le début de la semaine, «ç’a vraiment explosé», relate Me Sabrina Vigneau-Courchesne, directrice de ce projet chez Juripop.
Depuis quelques jours, une nouvelle vague de témoignages de personnes qui disent avoir été victimes d’agressions sexuelles ou de harcèlement déferle sur les réseaux sociaux, notamment dans le milieu de l’improvisation, du web et du tatouage.
«Dans les douze dernières heures, on a reçu une demande toutes les vingt minutes, confiait mercredi Me Vigneau-Courchesne à Droit-inc. D’habitude, il y a une personne à la réception; là, nous sommes cinq.»
«Je pense que ça témoigne de la nécessité d’avoir un service comme celui-là, continue-t-elle. Nous ne sommes pas du tout déçus d’avoir lancé le service le 3 juin.»
L’après #moiaussi
Ce projet est en quelque sorte la suite logique de L’Aparté, un projet qui s’adressait aux travailleurs du milieu de la culture, né dans la foulée de la vague de dénonciations au Québec, en 2017. Cette fois-ci, le service est offert à tous ceux et celles qui auraient vécu, vivent ou auraient été témoins (directs ou indirects) de violence sexuelle, dans tous les milieux, partout au Québec.
La personne qui remplit une demande peut ensuite choisir un(e) avocat(e) parmi les 61 partenaires actuellement disponibles, qui lui fournira de l’information, des conseils juridiques et du soutien juridiques. Jusqu’à présent, 206 personnes ont rempli une demande formelle en ligne pour être jumelé à un avocats.
Ces avocats ont été sélectionnés après avoir fait une entrevue et suivi une formation en ligne de deux jours, qui comprend deux volets. Le premier est purement juridique: on fait un survol à 360 degrés de tous les types de recours qui pourraient être utiles pour les victimes de violence sexuelle. Et le deuxième est davantage axé sur l’aspect traumatique de ce qu’ont vécu ces victimes.
«Au début, on visait une quinzaine d’avocats-partenaires, une trentaine au mieux, raconte Me Vigneau-Courchesne. Et finalement, nous avons été tellement touchés! C’est plus de 90 avocats qui nous ont contactés. Nous sommes en constant recrutement.»
Les avocats reçoivent une rémunération de 100$ l’heure.
«Des avocats comme nous, ça n’existe pas!»
Me Stéphanie Gauvreau est l’une de ces avocates-partenaires. Elle était déjà employée à l’interne chez Juripop, et a une certaine expertise auprès des victimes de violence sexuelle. Même si le service n’est offert que depuis le 3 juin, elle voit déjà une évolution chez certaines personnes qu’elle aide.
«À date, c’est vraiment génial, mentionne-t-elle. La plupart des gens me disent que c’est incroyable qu’on soit là, que des avocats comme nous, ça n’existe pas!»
Elle cite en exemple le cas d’une dame qui a fait beaucoup de chemin, depuis sa première consultation.
«La première fois que je l’ai rencontrée, il n’était pas question qu’elle parle à personne, la confiance était à zéro, même envers moi. Et maintenant, elle voit un psychologue… Vraiment, en un mois et demi, c’est tout un 360. C'est ce qui est vraiment le fun. On est là pour lui faire voir le chemin parcouru, aussi.»
Un des principes chers à Juripop est l’autonomisation. Les avocats-partenaires accueillent donc les participants là où ils sont rendus. Ils ne vont jamais les pousser à dénoncer, ni les décourager de faire une dénonciation publique sur les réseaux sociaux, par exemple.
«C’est un espace sécuritaire pour évaluer ses options», résume Sabrina Vigneau-Courchesne.
«On est là pour que les gens fassent les choses en connaissances de cause», ajoute-t-elle.
Les deux avocates espèrent que cette nouvelle vague de témoignages et de dénonciations aideront à faire tomber le tabou qui entourent les agressions sexuelles.
«Je pense que tout ce qui se passe en ce moment nous dit que ce n’est pas terminé. Même si on en a parlé en 2017, ce n'est pas fini!», conclut Me Vigneau-Courchesne.