Le nouveau Maître de Desjardins
Camille Laurin-Desjardins
2021-01-18 15:00:00
Droit-inc a voulu savoir dans quel état d’esprit il entamait ce nouveau chapitre, en plus de revenir sur ce qui l’avait mené jusque-là.
Vous êtes devenu le 4 janvier le nouveau chef des affaires juridiques chez Desjardins... C'est une belle reconnaissance pour vous, après presque neuf ans là-bas?
Effectivement, ça va faire neuf ans à Pâques... Oui, c'est vraiment une super nouvelle!
Concrètement, qu’est-ce qui change dans vos fonctions?
Auparavant, j'étais directeur principal, projets et financement, j'étais donc un des quatre directeurs principaux des affaires juridiques.
De façon concrète, je deviens le chef des affaires juridiques. Alors je deviens en charge des quatre directions. C'est un rôle qui vient chapeauter l'ensemble des affaires juridiques, la gestion du risque juridique du Mouvement Desjardins.
Qu'est-ce qui vous attend, au cours des prochains mois?
Beaucoup de travail (rires)! Et beaucoup d'adaptation. Je suis chanceux, parce que ça fait quand même plusieurs années que je suis aux affaires juridiques du Mouvement Desjardins, donc c'est une réalité que je connais bien. Je connais bien plusieurs des dossiers.
C'est sûr que c'est très difficile de dire : « voici les prochains grands dossiers qui m'attendent » ... parce que le mouvement Desjardins, avec sa taille, sa réalité d'institution financière réglementée, c'est toujours un peu de l'inconnu, un peu à refaire, de semaine en semaine... Les défis qu'on attendait sont toujours remplacés par des défis qu'on n'attendait pas.
Grosso modo, les prochaines semaines, les prochains mois, ça va vraiment être un focus important sur la transition avec Renaud Coulombe (NDLR : l’ancien chef des affaires juridiques qui a annoncé son départ de l’institution financière)... Et ensuite, de vraiment bien m'approprier mes nouvelles responsabilités pour être dans la meilleure position pour soutenir l'ensemble de l'équipe, et l'ensemble du Mouvement, au niveau de ses fonctions juridiques.
Ça ne doit pas être nécessairement évident, commencer ce nouveau poste dans les circonstances actuelles...
Oui, c'est sûr... Ce qui est difficile, c’est que j'hérite d'une grande équipe – il y a à peu près 150 personnes aux affaires juridiques du Mouvement Desjardins, sur plusieurs sites, dans plusieurs provinces, alors c'est sûr que si on était dans une période disons « normale », mon réflexe, ç'aurait été d'être auprès des équipes qui ne sont pas à Montréal, pour être en meilleur contact avec eux.
Tout ça est transformé par de la vidéoconférence, et c'est pratique, mais je ne pense pas que ça accomplit 100% du contact humain que tu voudrais obtenir.
Ma plus grande frustration, c'est de ne pas pouvoir être en contact direct avec les gens de la même façon que j'aimerais le faire... Mais bon, on s'arrange avec les moyens du bord! Mais il reste que c'est une frustration... J'ai l'impression qu'il y a une partie importante de l'équipe qui est plus loin de moi, à cause de la pandémie.
En ce qui concerne les cabinets externes avec qui Desjardins fait affaire, quel est votre plan? Pensez-vous rebrasser les cartes?
On a d’excellentes relations avec plusieurs cabinets depuis plusieurs années, alors il n’y a aucune intention de changer ça.
C’était moi et l’ancien vice-président qui étions responsables des relations avec les cabinets, donc tous les cabinets avec qui on fait affaire, je les connais très bien. Il n’y aura pas de changement. Il n’y a pas de raison de toucher à quelque chose qui n’est pas brisé!
Quels sont ces cabinets?
On en a plusieurs; on fait affaire avec sept ou huit cabinets, pour une foule de services, mais c’est confidentiel. Autant des cabinets nationaux que des cabinets régionaux… On a tout un processus en place.
Avant de rejoindre Desjardins, vous avez passé plus de 15 ans en cabinet... Qu'est-ce qui vous a poussé à faire le saut en entreprise, en 2012?
J'ai été chanceux, j'ai travaillé au sein de deux excellents cabinets, soit, à l'époque, Ogilvy Renault (qui est maintenant Norton Rose Fulbright), et Stikeman Elliott. Quand j'ai fait le saut, ça faisait quelque temps que je réfléchissais à la suite de ma carrière.
J'ai adoré mes années en pratique privée, mais il me manquait ce petit côté de conseil stratégique, d'être de l'autre côté de la table, à vivre les choses à l'interne. Mais bon, une fois qu'on a dit ça, il faut avoir la bonne opportunité, il faut tomber dans quelque chose qui répond à ce qu'on recherche…
Renaud, qui était le chef des affaires juridiques du Mouvement depuis quelques années, à ce moment-là, m'a contacté pour savoir si j'étais intéressé à me joindre au Mouvement. Et la réponse, c'était oui... Renaud m'offrait la chance d'aller prendre des responsabilités stratégiques au sein du Mouvement, alors c'était vraiment une offre que je ne pouvais pas refuser.
Vous pratiquiez dans quel domaine de droit?
J'étais un avocat de droit corporatif : fusions, acquisitions et valeurs mobilières.
Quand vous étiez étudiant en droit, est-ce que vous envisagiez de devenir avocat en entreprise?
Pas du tout! Quand j'étais étudiant, je me préparais à une grande carrière de litige (rires)!
Et une fois arrivé en cabinet, je me suis rendu compte que ce n'était pas du tout ce à quoi je m'attendais... Disons que ma vision de l'avocat de litige au cinéma n'était pas tout à fait la réalité (rires)!
Mais dès que j'ai été étudiant et stagiaire chez Ogilvy Renault, c'était clair pour moi que le droit des affaires, c'était vraiment mon X... J'aimais la négociation, j'aimais travailler sur du transactionnel, j'aimais cette espèce de drive que tu as, à amener des dossiers d'acquisition à terme. J'adorais ça. Je me suis rapidement dirigé vers ça.
Et après ça, faire un move vers l’entreprise, c'est venu plus tard. Je pense que tous les avocats en pratique privée, après 10 ou 12 ans, se posent un peu la question : c'est quoi, les 10-15 prochaines années?
Et pour moi, c'était devenu évident dans la réflexion que les choses que je voulais explorer, je ne les aurais pas en cabinet.
C'est-à-dire...?
Un peu comme je le disais plus tôt, je voulais m'embarquer dans une situation où il y avait vraiment une portion de conseil stratégique, de participation stratégique. Je ne voulais pas être un consultant externe qui arrivait pour livrer une expertise... Je voulais vivre les décisions de l'intérieur, y participer, voir les dossiers vraiment de A à Z, tant dans leur conception que dans leur intégration. Je voulais vivre autre chose.
J'aurais pu continuer en cabinet pendant encore longtemps, les dossiers étaient vraiment intéressants, mais il me manquait cette petite fibre-là... Je commençais à avoir l'impression que je recommençais souvent des dossiers similaires, avec le même genre de contribution.
Pensez-vous que cette avenue n'a peut-être pas été suffisamment abordée, pendant votre formation?
Effectivement... D'ailleurs, j'ai donné une conférence à l'École du Barreau, il y a quelques années, sur la réalité d'être un avocat en entreprise.
Je pense que c'est quelque chose qui est moins bien couvert, c'est une réalité qui est moins bien connue... Mais en même temps, c'est quand même une réalité qui est dure à suivre, au point de vue de la formation.
Pour être un bon avocat en entreprise, il faut que tu sois excellent au niveau professionnel... De la même façon que si tu t'en vas travailler en cabinet, il faut que tu aies acquis tes compétences techniques. C'est juste la façon de les déployer qui est un peu différente.
Et ça, autre que de travailler en entreprise, je ne pense pas que tu peux développer ça facilement.
Qu'est-ce qu'on vous souhaite, pour 2021?
On me souhaite une transition couronnée de succès, et des défis à la hauteur de mes attentes!