Pour des partenariats réussis entre l'IA et les soins de santé
Tuba Yamaç Et Dominique Babin
2021-02-02 11:15:00
Cette augmentation de l'innovation dans les technologies des soins de santé et de l'IA se traduit par une augmentation importante de l’investissement et du nombre de brevets déposés. L'impact potentiel de ces technologies sur notre vie à tous est important, et le rôle de ces technologies dans le développement de nouvelles méthodes de diagnostic, de traitements et de vaccins contre la COVID-19 soulève beaucoup d’espoir.
Qui sont les acteurs dans les technologies de soins de santé/IA?
Parmi les acteurs actuels, on trouve les entreprises traditionnelles du secteur de la santé qui se diversifient vers les solutions de science des données, ainsi que les géants technologiques tels que Google et IBM qui investissent dans les solutions de santé. Pour chaque projet, il est nécessaire de disposer d'une expertise à la fois dans les sciences de l'IA/données et dans la discipline des soins de santé (biologie, biochimie, développement de médicaments, etc.).
Dans la mesure où ce large éventail d'expertise ne peut être trouvé à l’interne, une collaboration externe devient alors nécessaire, souvent entre des entreprises œuvrant dans des secteurs traditionnellement très différents aux langages commerciaux et technologiques distincts. Ces partenariats comportent ainsi leurs propres défis.
Comment les différentes parties peuvent-elles assurer une collaboration harmonieuse? Comment bien structurer, négocier et mettre en œuvre des accords de collaboration pour le développement d'un vaccin?
L'essentiel est que les différents acteurs comprennent les perspectives, les objectifs et les contributions de chacun, et que ceux-ci soient ensuite définis à l'aide d'une terminologie commune. Prenons l'exemple du développement d'un vaccin.
Quelles sont les perspectives de la composante « vaccins »?
Les vaccins comprennent des antigènes qui déclenchent une réponse immunitaire chez le patient lorsque celui-ci est exposé au virus sans le rendre malade. L'antigène peut être n'importe quelle partie du virus ou une version affaiblie de celui-ci.
Un virus typique comprend du matériel génétique (ADN ou ARN) encapsulé par des couches de protéines avec des centaines de milliers de sous-composants.
Lors de la mise au point d'un nouveau vaccin, un sous-composant cible approprié de la protéine du virus doit être identifié parmi toutes les possibilités, et c'est là que l'analyse des données peut contribuer. Le vaccin candidat avec la cible sera ensuite soumis à des essais précliniques et cliniques. L'IA peut également jouer un rôle important dans l'analyse des données cliniques.
Quelles sont les perspectives de la composante « IA »?
L'IA est un terme général qui décrit la programmation de machines pour imiter les tâches humaines. L'IA comprend un certain nombre de sous-ensembles tels que l'apprentissage machine ou « Machine Learning » (« ML »), qui peut construire des modèles (algorithmes) pour des utilisations prédictives.
Les différents sous-ensembles de l'IA ont des dépendances de données, des exigences d'entrée humaine, des temps d'exécution et des possibilités d'interprétation très différents. Le ML lui-même peut être subdivisé en apprentissage supervisé, apprentissage non supervisé et apprentissage de renforcement.
De manière générale, les données de formation sont utilisées pour créer et affiner un modèle. Le modèle est ensuite utilisé sur les données de production pour fournir un apport d’IA. Dans le cas du développement d'un vaccin, le résultat de l'IA est l'antigène qui a les propriétés de réponse immunitaire souhaitées sans effets secondaires.
Terminologie commune
L'accord de collaboration devrait donc identifier ces cinq éléments clés :
- la solution d'analyse des données (processus de formation du modèle et modèle formé)
- les données requises pour la formation du modèle (par exemple, les données cliniques historiques)
- les données de production (par exemple, les données cliniques pour identifier les prévisions)
- le résultat (par exemple, la prédiction)
- l'évolution de l'IA (le modèle « formé »)
- qui fournit la composante?
- qui utilisera la composante?
- comment la composante sera-t-elle utilisée?
- qui possède la composante?
Pour chaque composante, les parties doivent s'entendre sur les éléments suivants :
Considérations spécifiques
La manière dont vous traiterez les éléments clés d'un tel accord de collaboration dépendra en grande partie des spécificités de la méthodologie d'IA, des données et du rôle des partenaires dans la collaboration.
Par exemple, le partenaire technologique utilisera-t-il des méthodes propriétaires de formation à l'IA ou appliquera-t-il des méthodes standards aux données de formation? Qui s'occupera des questions de confidentialité des données?
La méthode d'IA proposée est-elle compatible avec les exigences réglementaires?
L'apprentissage approfondi (deep learning) a un potentiel technologique énorme, mais une faible « explicabilité », c’est à dire qu’il est difficile d’en connaître la « logique interne » et qu’elle est moins transparente. C'est pourquoi les méthodes d'apprentissage machine (ML) peuvent parfois être préférées.
Quelle est la source des données utilisées pour la formation du modèle et des données de production? Qui les possède? Un nettoyage des données est-il nécessaire? À qui appartiendront les données nettoyées? La propriété des données doit être couverte par l'accord lui-même, car les lois canadiennes et américaines sur les droits d'auteur ne peuvent être invoquées pour la protection des données. L'Europe, en revanche, a des droits sui generis sur les bases de données.
L'un des défis de la négociation d'un accord de collaboration dans le domaine de l'IA est la diversité des antécédents des différents acteurs impliqués.
Ces collaborations incluent souvent une grande entreprise pharmaceutique ou d'appareils médicaux et une startup technologique. Tous deux évoluent à des rythmes différents et ont des appétits opposés pour les risques. En étant bien informé et accompagné par des experts chevronnés, il est possible d'éviter les pièges et de tirer pleinement profit des ententes de collaboration dans le domaine de l’IA.
Tuba Yamaç et Dominique Babin sont toutes les deux associées chez BCF, à Montréal. Mme Yamaç est agente de brevets, et Me Babin est avocate. Cet article a été rédigé avec la collaboration d’Andréanne Auger, associée et agente de brevets, Ilya Kalnish, associé, agent de brevets et agent de marques de commerces, ainsi que Julien Lacheré, associé et agent de brevets.