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Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens : à quoi faut-il s’attendre?

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Ghislain Côté, Maxime De Passillé Goulet Et Katherine Gervai

2023-01-24 11:15:00

La Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens (la « Loi ») a été sanctionnée le 23 juin 2022 et est entrée en vigueur le 1er janvier 2023.
Ghislain Côté, Maxime de Passillé Goulet et Katherine Gervais, les auteurs de cet article. Source: Therrien Couture Joli-Coeur
Ghislain Côté, Maxime de Passillé Goulet et Katherine Gervais, les auteurs de cet article. Source: Therrien Couture Joli-Coeur
Avant-propos :

La Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens (la « Loi »)a été sanctionnée le 23 juin 2022 et est entrée en vigueur le 1er janvier 2023. Le Règlement sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens (le « Règlement »), entré en vigueur au même moment que la Loi, a pour sa part été adopté au cours du mois de décembre 2022 en vertu de l’article 8 de la Loi, après consultation de la ministre des Finances.

En effet, les nouvelles mesures donnent suite à la Loi no 1 d'exécution du budget de 2022 déposée au Parlement le 7 avril de la même année. La Loi et le Règlement seront abrogés après deux ans, sous réserve d’une prolongation de cette durée.

Les acheteurs, les vendeurs, les gens d’affaires du domaine immobilier, les courtiers et autres professionnels du milieu devront se familiariser avec la Loi et le Règlement, l’environnement juridique en immobilier résidentiel étant grandement affecté par cette nouvelle loi.

Contexte :

C’est lors du Budget 2022 que le gouvernement fédéral a fait part de son intention d’interdire l’achat d’immeubles résidentiels au Canada par des non-Canadiens, et ce, pour une période temporaire de deux ans. Principalement, la nouvelle interdiction s’insère dans une orientation stratégique du gouvernement fédéral relativement à la lettre de mandat du ministre du Logement et de la Diversité et de l’Inclusion de décembre 2021.

La Loi constitue sans aucun doute une réponse à court terme du gouvernement fédéral aux préoccupations des Canadiens en matière d’abordabilité du logement, souhaitant via celle-ci assurer l’accessibilité du marché de l’habitation au plus grand nombre de Canadiens.

De son côté, le Règlement a pour objectif de clarifier la Loi et d’introduire d’autres définitions, des exceptions particulières ainsi que des éléments d’application de la Loi, le tout étant nécessaire afin de permettre la mise en œuvre de son application ainsi que son interprétation.

Le Règlement tout comme la Loi ont fait l’objet de consultations auprès des Canadiens, notamment via une vaste consultation dirigée par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), où plusieurs questions furent soumises par la population relativement aux nouvelles mesures. C’est d’ailleurs à la suite de ces consultations que le gouvernement fédéral a adopté le Règlement en question.

Application de la Loi

La Loi s’applique aux non-Canadiens et uniquement aux immeubles résidentiels, tel que la Loi et le Règlement définissent ces termes. En vertu de la Loi, un immeuble résidentiel signifie un immeuble ou bien réel, autre qu’un immeuble ou bien réel visé par règlement, situé au Canada et qui constitue, notamment, une maison individuelle (ou maison unifamiliale) ou un bâtiment similaire comprenant au plus trois locaux d’habitation (ou triplex), une partie d’un bâtiment qui constitue une maison jumelée ou en rangée, ou encore un logement en copropriété, communément appelé un condo.

Par ailleurs, le Règlement précise qu’un immeuble résidentiel s’entend également d’un terrain vacant ne comportant pas de logement habitable, étant zoné pour usage résidentiel ou mixte et étant situé dans une agglomération de recensement ou dans une région métropolitaine de recensement.

À ce propos, une région métropolitaine de recensement (RMR) ou une agglomération de recensement (AR) est formée d'une ou de plusieurs municipalités adjacentes situées autour d'un centre de population (aussi appelé le noyau), tel que ces expressions sont définies par Statistique Canada. Selon les données actuelles, une RMR doit avoir une population totale d'au moins 100 000 habitants, alors qu’une AR doit compter au moins 10 000 habitants.

D’ailleurs, le recensement de 2021 a établi à environ 84 % la population vivant présentement dans une RMR ou une AR, cela représentant plus de 31 millions de personnes. Parmi les dix plus grandes régions métropolitaines de recensement du Canada se retrouvent notamment, Montréal, Québec, Toronto et Vancouver.

Exceptions pour certains types d’immeubles

La Loi et le Règlement prévoient certaines exceptions relativement aux immeubles résidentiels.

D’abord, l’immeuble résidentiel situé dans une région du Canada ne faisant pas partie d’une agglomération de recensement ou d’une région métropolitaine de recensement est exclu de l’application de la Loi.

De plus, une lecture de la Loi permet de conclure que l’interdiction ne vise pas les bâtiments comprenant quatre locaux d’habitation et plus, communément appelés des multi logements de quatre logements ou plus.

Finalement, l’interdiction ne s’applique pas si, aux termes d’une convention d’achat-vente, la personne qui se qualifie comme étant un non-Canadien devient responsable de l’immeuble résidentiel ou en assume la responsabilité avant la date d’entrée en vigueur de la présente Loi. Il sera d’ailleurs intéressant de se pencher sur l’applicabilité de cet article, notamment dans le cas où une promesse d’achat ou un contrat préliminaire a été signé entre les parties avant l’entrée en vigueur de la Loi.

Non-Canadien

Le non-Canadien s’entend d’un individu autre qu’un citoyen canadien, qu’un résident permanent, ou qu’une personne inscrite à titre d’Indien sous le régime de la Loi sur les Indiens. Le non-Canadien s’entend également d’une société constituée autrement que par une loi fédérale ou provinciale (société étrangère) ou d’une société fédérale ou provinciale (société privée non-cotée en bourse) contrôlée par un non-Canadien ou une société étrangère.

Finalement, le non-Canadien s’entend aussi de l’entité visée par Règlement, soit l’entité constituée autrement qu’en vertu des lois du Canada ou d’une province (entité étrangère) ou l’entité fédérale ou provinciale contrôlée par un non-Canadien, une société étrangère ou encore une société fédérale ou provinciale contrôlée par un non-Canadien.

Exceptions pour certaines personnes

Immanquablement, la Loi, tout comme le Règlement, renferment des exceptions relatives à l’interdiction, et ce notamment pour les personnes suivantes :

Résident temporaire étudiant au Canada, s’il satisfait aux conditions cumulatives suivantes :
  • est inscrit à un programme d’études autorisées dans un établissement d’apprentissage désigné, au sens du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés;

  • a produit, pour chacune des cinq années d’imposition précédant l’année de l’achat, toute déclaration de revenus devant être produite en vertu des lois fiscales;

  • a été effectivement présent au Canada pendant au moins 244 jours pendant chacune des cinq années civiles précédant l’année de l’achat;

  • le prix d’achat de l’immeuble résidentiel n’excède pas la somme de 500 000 $; et

  • il n’a acheté qu’un seul immeuble résidentiel.

  • Résident temporaire travaillant au Canada, s’il satisfait aux conditions cumulatives suivantes :
  • est titulaire d’un permis de travail valide ou est autorisé à travailler au Canada;

  • a exercé un travail à temps plein au Canada, pendant une période d’au moins trois ans pendant les quatre années précédant l’année de l’achat;

  • a produit, pour chacune des quatre années d’imposition précédant l’année de l’achat, toute déclaration de revenus devant être produite en vertu des lois fiscales; et

  • il n’a acheté qu’un seul immeuble résidentiel.

  • Autres exceptions

    Des exemptions sont également prévues, selon certaines conditions, pour les personnes réfugiées ou les personnes ayant fait une demande d’asile conformément à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, ou ayant obtenu le statut de résident temporaire selon les lois canadiennes sur l’immigration, de même que pour les membres accrédités de mission étrangère au Canada. De plus, l’interdiction ne s’applique pas dans les cas où elle irait à l’encontre des droits ancestraux reconnus par la constitution.

    Époux ou conjoints de fait

    Le non-Canadien faisant l’achat d’un immeuble résidentiel avec son époux ou conjoint de fait, lorsque ce dernier est citoyen canadien, une personne inscrite à titre d’Indien au sens des lois canadiennes, un résident permanent, un résident temporaire remplissant les conditions établies par Règlement, ou encore une personne protégée en vertu des lois canadiennes sur l’immigration, n’est pas touché par l’interdiction.

    Évaluation

    En somme, chaque situation est différente et doit être évaluée au cas par cas, au regard du statut de chaque individu. Ni la Loi, ni le Règlement, n’imposent d’exigences de conformité applicables aux professionnels et le gouvernement ne se fiera pas à ces tierces parties aux fins de leur application, la tâche de faire appliquer et respecter la nouvelle législation revenant aux autorités gouvernementales. Rappelons toutefois que les vendeurs ont le libre choix d’accepter ou non de faire affaires avec des non-Canadiens. Dans le doute, il vaut mieux consulter un professionnel.

    Identification du client et diligence raisonnable

    Avec l’entrée en vigueur des nouvelles exigences, les différents acteurs du domaine immobilier (vendeurs, professionnels, courtiers, etc.) sont encouragés à faire preuve de diligence raisonnable lors de la détermination du statut de l’acheteur en vertu de la Loi. Néanmoins, il incombe à un non-Canadien de faire la démonstration de son admissibilité à l’achat d’un immeuble résidentiel en vertu de la Loi.

    Cette démonstration peut se faire par la transmission de certains documents, notamment une lettre d’un établissement d’enseignement, un avis de cotisation de l’Agence du revenu du Canada et plusieurs autres documents permettant de démontrer une présence physique au Canada. Nous recommandons dès lors aux vendeurs d’inclure dans l’acte de vente et/ou la promesse d’achat des représentations et garanties de l’acheteur par lesquelles ce dernier déclare être un résident canadien au sens de la Loi et du Règlement.

    En amont, le gouvernement est d’avis que les coûts spécifiques associés à la démonstration de l’admissibilité doivent être assumés par le non-Canadien et que ces coûts pourraient inclure les frais associés à la récupération ou à la préparation de documents à l’intention d’un professionnel canadien agissant en son nom, entre autres, un courtier immobilier ou un avocat.

    Notion de contrôle et d’achat

    L’« achat » s’entend d’une acquisition, avec ou sans condition, qu’il soit fait de façon directe ou indirecte, comprenant l’intérêt légal ou en « equity » ou encore un droit réel dans un immeuble résidentiel, tel le droit de propriété. La Loi s’applique donc aux achats qui seraient effectués par le biais de partenariats, de fiducies ou d’autres entités qui chercheraient à éviter l’interdiction.

    À titre d’exemple, l’achat ne pourrait être fait par le biais d’un contrat de prête-nom, c’est-à-dire au nom de quelqu’un d’autre. D’ailleurs, rappelons que depuis septembre 2020, les contrats de prête-nom doivent être divulgués à Revenu Québec.

    Évidemment, certaines exceptions s’appliquent, notamment concernant les droits établis des créanciers et l’acquisition suite à un divorce, une séparation ou une succession à la suite d’un décès. Précisons aussi que la location résidentielle n’est pas touchée par l’interdiction.

    Quant à lui, le « contrôle » s’entend, à l’égard d’une société ou d’une entité, de la propriété directe ou indirecte d’actions ou de titres de participation qui représentent 3 % ou plus de la valeur des capitaux qui lui sont propres, ou lui conférant 3 % ou plus des droits de vote, ou encore du contrôle de fait de la société ou de l’entité, directement ou indirectement, par l’intermédiaire de la propriété, d’un accord ou autrement.

    Conséquences en cas de violation de la Loi

    D’emblée, toute violation de la Loi constitue une infraction criminelle. À cet égard, le législateur prévoit l’imposition d’une amende et la possibilité pour les tribunaux de rendre une ordonnance de vente de la propriété en question à ceux et celles reconnus coupables d’avoir enfreint la Loi.

    D’une part, les non-Canadiens qui achètent, directement ou indirectement, des immeubles résidentiels au Canada pour les deux prochaines années, et ce, malgré l’interdiction, sont passibles d’une pénalité maximale de 10 000 $ pour une infraction sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

    Pareillement, toute personne ou entité reconnue coupable, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, d’avoir, sciemment, conseillé, incité, aidé ou encouragé ou tenté de conseiller, d’inciter, d’aider ou d’encourager un non-Canadien à acheter, directement ou indirectement, un immeuble résidentiel sera passible de la même amende. De plus, les dirigeants, administrateurs, cadres ou mandataires de la société ou de l’entité, de même que les cadres supérieurs et les individus autorisés à exercer de telles fonctions pourront être reconnus coupables, à titre de coauteur de l’infraction, et se voir imposer les mêmes pénalités.

    D’autre part, en cas de condamnation d’un non-Canadien pour contravention à la Loi, les tribunaux de la juridiction supérieure de la province où se trouve l’immeuble résidentiel auquel se rapporte la contravention, pourront, sur demande du ministre responsable, ordonner la vente de la propriété. Bien que l’ordonnance de vente judiciaire soit à la discrétion des tribunaux concernés, elle ne pourra être rendue que si elle satisfait aux conditions suivantes :
  • le non-Canadien est propriétaire de l’immeuble résidentiel au moment où l’ordonnance est rendue;

  • un avis a été donné à toute personne qui pourrait avoir le droit de recevoir le produit de la vente; et

  • la juridiction supérieure de la province est convaincue que l’incidence d’une ordonnance de vente ne serait pas disproportionnée par rapport à la nature et à la gravité de la contravention, aux circonstances entourant la perpétration de la contravention et à la condamnation qui en découle.

Le Règlement prévoit aussi l’ordre de distribution spécifique relativement au produit d’une telle vente. Essentiellement, le non-Canadien ne pourra toucher une somme supérieure équivalente au prix qu’il a payé à l’achat de l’immeuble résidentiel en cause et toute somme résiduelle sera versée au receveur général du Canada.

Finalement, le législateur précise que la vente d’un immeuble résidentiel en contravention de la Loi n’affecte en rien la validité de la vente de cet immeuble. C’est-à-dire que l’acte de vente de l’immeuble en cause demeura valide nonobstant les sanctions imposées à une telle violation.

Conclusion

En définitive, il sera essentiel d’être prudent en matière d’achat-vente d’immeubles résidentiels, et ce, pour les deux prochaines années, sous réserve d’une prolongation de l’application de la Loi. D’ailleurs, il sera intéressant d’assister aux développements de telles mesures en pratique. Des documents d’information et d’orientation en langage simple, y compris une foire aux questions pour le public et les professionnels de l’industrie, seront mis à la disposition du public prochainement, en vue de favoriser la compréhension et le respect de la Loi et du Règlement.

L’article a été publié à l’origine sur le site du cabinet Therrien Couture Joli-Coeur.

À propos des auteurs

Me Ghislain Côté pratique en droit des affaires au sein du cabinet Therrien Couture Joli-Coeur.

Sa pratique se concentre en immobilier ainsi qu’en fusions et acquisitions d’entreprises.

Il a plus de 20 ans d’expérience, principalement dans les domaines des transactions immobilières commerciales, des baux commerciaux, du financement, des fusions, des transferts et acquisitions d’entreprises.

Me Maxime de Passillé Goulet pratique principalement en droit des affaires, plus particulièrement en droit immobilier ainsi qu’en affaires internationales au sein du cabinet Therrien Couture Joli-Coeur.

Au fil de son parcours scolaire, celui-ci a eu l’opportunité de s’impliquer dans plusieurs comités, agissant notamment comme président du Comité de la simulation des Nations Unies à l’Université de Sherbrooke.

Il a également participé au concours de plaidoirie en droit international Charles-Rousseau à Strasbourg.

Me Katherine Gervais est stagiaire en droit au sein du cabinet Therrien Couture Joli-Coeur.

Elle a effectué plusieurs stages, notamment en litige civil, en droit de la construction et en droit criminel.
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2 commentaires
  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a un an
    "à quoi faut-il s'attendre"
    - à ce que la loi ne soit presque pas appliquée;

    - à ce que les étrangers intéressés à acheter des immeubles visés utilisent des prêtes nom;

    - dans le cas d'immeuble neufs, les promoteurs pourraient modifier les plans pour ajouter une 4ième unité d'habitation (un studio dans le sous-sol).

  2. Tom
    Une loi qui exclue beaucoup de personnes
    Je travaille depuis 1 an 1/2 à temps plein au Québec, en payant 30% d'impôts, avec la volonté de m'installer à long terme et donc d'acquérir une résidence principale.

    Aujourd'hui avec cette loi, la priorité est donnée à d'autres personnes, dont certains réfugiés qui n'ont même pas encore travaillé sur le sol canadien. Quelle injustice.

    Avec de telles perspectives, continuer à payer 30% d'impôts, payer un loyer et enrichir des personnes déjà bien installées, cela me donne envie de quitter le Canada.

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