Bastarache rappelle Charest à l'ordre
La Presse Canadienne
2010-08-26 19:29:00
"Quand il y a des déclarations sur la place publique, de qui que ce soit, il y a un risque d'engendrer une certaine confusion. C'est la raison pour laquelle le commissaire renouvelle aujourd'hui son appel à la retenue des parties", a dit M. Versailles, dans une entrevue accordée à La Presse Canadienne.
Légalement, rien n'empêche les parties de faire part de leurs observations sur les témoignages entendus. Mais le juge Bastarache formule le "souhait pressant" que tous respectent une consigne de discrétion jusqu'au dépôt de son rapport, attendu en octobre.
La mise au point du juge Bastarache est survenue quelques heures après une nouvelle déclaration publique du premier ministre Charest, venu réaffirmer son "droit" de commenter le déroulement des travaux de la commission quand bon lui semble.
"Je me réserve le droit, si je pense que les circonstances l'exigent (d'intervenir)", a dit M. Charest, en point de presse, à l'entrée d'une réunion du caucus de ses députés.
Mardi soir, le premier ministre avait abondamment commenté le témoignage de Marc Bellemare, niant point par point les allégations de son ancien ministre de la Justice.
Pourtant, au lancement des travaux de la commission, le 14 juin, le juge Bastarache avait pris soin d'inviter les parties et les personnes appelées à témoigner à ne pas "discuter la preuve ou la crédibilité des témoins en dehors de la salle d'audience avant le dépôt du rapport".
Fidèle à son habitude, le premier ministre n'a pas voulu commenter le dernier sondage, qui semble indiquer que la population est davantage encline à croire le témoin-vedette de la commission, M. Bellemare, que lui.
Le sondage internet Léger Marketing, réalisé mercredi, indique que 69 pour cent des 1020 répondants jugent que M. Bellemare a dit la vérité, contre seulement 13 pour cent qui pensent la même chose de M. Charest.
Le chef du gouvernement n'a pas voulu non plus s'étendre sur les propos de l'ex-sous-ministre de M. Bellemare, Georges Lalande.
Ce dernier, lors d'un entretien avec l'animateur de radio Benoît Dutrizac, a corroboré les affirmations faites par M. Bellemare quant à l'influence marquée sur la classe politique du collecteur de fonds du parti libéral, Franco Fava.
"M. Lalande aura l'occasion de témoigner sous serment" devant la commission, s'est contenté de dire M. Charest.
Durant son témoignage, M. Bellemare a affirmé sous serment que M. Charest lui avait dit de nommer les candidats à la magistrature désignés par M. Fava.
Réunis en caucus à l'Assemblée nationale, jeudi, les députés libéraux ont par ailleurs fait bloc derrière leur chef, lui réservant une ovation bien sentie.
Le whip du gouvernement, Pierre Moreau, a dit qu'il restait encore une quarantaine de témoins à entendre à la commission et qu'il valait mieux attendre avant de se faire une opinion.
"Se faire un jugement immédiatement, d'une part, c'est prématuré, d'autre part, c'est pas fondé", a mentionné M. Moreau, rappelant que le contre-interrogatoire de M. Bellemare n'avait pas débuté.
"Audi alteram partem", a-t-il ajouté, en reprenant une expression latine chère à l'ex-premier ministre Bernard Landry, pour signifier qu'il fallait écouter ce qu'avait à dire l'autre partie avant de se faire une opinion.
"Il ne fait aucun doute que M. Bellemare est dans l'erreur", a déclaré quant à lui le député d'Argenteuil, David Whissell.
Le ministre du Développement économique, Clément Gignac, a dit lui aussi que la perception des gens pouvait changer avec le temps.
"On a vu la commission Gomery, comment les gens percevaient (le premier ministre) M. Chrétien au début, et à la fin c'était différent", a-t-il soulevé.
Le ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, a soutenu également qu'il fallait "attendre le rapport" de la commission Bastarache, attendu cet automne.
Le caucus libéral était rassemblé afin de préparer la prochaine session parlementaire, qui débute le 21 septembre.