Il plaque son cabinet pour la course à pied!
Camille Dufétel
2023-03-24 15:00:00
« Le 18 février dernier marquait ma première année à titre d’avocat. Douze mois plus tard, je constate que ce fut une année en montagnes russes », a écrit Me Robertson sur LinkedIn.
« Depuis toujours, j’ai l’habitude de tout faire à vitesse grand V, ajoute celui qui a débuté l’athlétisme en 2014. Cependant, avec du recul, je comprends aujourd’hui que la qualité prime sur la quantité. Face à ce constat, j’ai décidé de m’investir davantage en athlétisme et de relever de nouveaux défis. »
Du haut de ses 24 ans, le Barreau 2022, qui ne regrette en aucun cas d’avoir étudié le droit ni d’être devenu avocat et a apprécié son expérience dans son cabinet, a dû se rendre à l’évidence.
Le métier d’avocat ne peut pas se marier avec une carrière sportive, même avec un employeur compréhensif. Cumuler les deux, c’est l’assurance d’en pâtir sur le plan de la santé mentale, croit-il.
D’autant que pour l’avocat, le sport n’est pas uniquement un loisir. Celui qui a déjà pratiqué le karaté, le soccer et le basketball, s’est finalement concentré sur la course à pied. Il est devenu spécialiste du 1500 mètres.
Il a déjà représenté le Canada à quatre reprises sur la scène internationale. En 2021 et en 2022, il était supporté par le gouvernement fédéral, mais aussi le provincial, puisqu’il avait obtenu un brevet, une subvention financière mensuelle pour lui permettre de se consacrer à sa pratique.
Un déclic
Il a perdu cette allocation cette année, et c’est d’ailleurs l’un des facteurs qui l’a poussé à quitter son cabinet. Pour obtenir ce brevet, il y a des standards spécifiques à atteindre, plus concrètement, des chronos.
L’avocat n’a pas atteint ces standards et sans vouloir mettre le blâme sur son emploi, il pense qu’il en avait beaucoup sur les épaules. Il a ressenti beaucoup de fatigue physique et mentale dans la dernière année.
Il parle d’un cercle malsain pour lui, parce que le fait de cumuler ces deux carrières faisait en sorte qu’il devenait insatisfait de ses performances sportives et du travail qu’il effectuait.
Ce qui a aussi été difficile pour lui est de ne connaître personne vivant la même situation que lui. À l’heure où la conciliation vie personnelle/vie professionnelle est de plus en plus abordée, en particulier dans le milieu juridique, il ne pouvait pas aborder sa problématique, la conciliation vie sportive/vie professionnelle.
Les sportifs qu’il connaît se consacrent à 100 % à leur sport ou sont encore aux études.
Et il y a une grande différence entre le fait d’être aux études et celui d’être sur le marché du travail, a constaté celui qui aimerait beaucoup participer aux Jeux olympiques d’été de Los Angeles en 2028, si ce n’est pas à ceux de Paris en 2024.
Il souhaiterait avant tout retrouver son brevet et exploiter son potentiel à 100 % pour ne pas avoir de regrets.
Pression du métier
Me Robertson a rejoint Patrice Brunet, avocat par un concours de circonstances. Durant la pandémie, alors qu’il recherchait un stage, le père d’un de ses coéquipiers en athlétisme, qui est avocat et qui avait déjà travaillé avec Me Patrice Brunet, les a mis en contact.
À la suite de plusieurs entrevues, il a été pris et a ainsi entamé sa carrière juridique. Dans ce cabinet, il assistait notamment diverses compagnies dans leurs démarches d’immigration. Il précise que Me Patrice Brunet, adepte de sport, était très conciliant avec lui.
« Mais c’est quand même le domaine juridique donc il y a beaucoup de pression, beaucoup d’heures, et il faut que les mandats soient effectués », souligne-t-il. Ce cabinet se situant loin de chez lui, il ajoute qu’il avait une heure de trajet le matin et une autre heure le soir, du temps finalement perdu.
Il espère aujourd’hui trouver un emploi, dans le domaine juridique ou non, avec des horaires plus souples pour avancer dans sa carrière sportive.
Un plan B pour la suite
Pourquoi a-t-il décidé d’étudier le droit et de devenir avocat ?
« C’est une très bonne question et à ce jour, je me le demande encore, répond Me Robertson. Mon plan numéro 1 était de devenir professeur d’éducation physique, mais considérant que je faisais déjà beaucoup de sport, j’avais décidé de m’inscrire dans ce domaine, quitte à changer par la suite. »
Après sa première session, il s’est rendu compte que ce domaine lui plaisait et qu’il rejoignait ses valeurs, lui qui se considère comme une personne très minutieuse. Il aime toujours le droit aujourd’hui.
Son intérêt pour celui-ci s’est aussi développé grâce à certaines séries sur Netflix, dont celle d’Aaron Korsh, Suits, qui se déroule dans un grand cabinet d’avocats et dans laquelle joue notamment Meghan Markle.
Ayant bien conscience qu’une carrière sportive n’a qu’un temps, Me Robertson se tiendra prêt à réintégrer, à l’issue de celle-ci, éventuellement un cabinet en droit du sport, ou une fédération.