Pourquoi est-ce si dur d'innover en droit ?

Delphine Jung
2018-05-04 11:15:00

Pour M. L'Heureux, il faut avant tout se demander quelles sont les ambitions des juristes qui veulent innover. « Voulez-vous vous améliorer dans vos opérations courantes ou voulez-vous occuper une place dans le marché futur ? », questionne-t-il.
Car ce sont de ces questions que dépendront les moyens à mettre en œuvre.
Des freins indéniables

Éric L'Heureux acquiesce. « On donne aux avocats quelques heures, le vendredi, pour réfléchir. Innover demande du recul, ce n'est pas quelque chose qui s'improvise », ajoute-t-il.
Me Shee ajoute trois autres facteurs d'explication : « le monopole du Barreau, l'incapacité d'investir sans avoir peur de ne pas avoir une BMW et le côté très conservateur du milieu juridique. »
Présent dans la salle, le doyen de la Faculté de science politique et de droit de l’UQAM, Hugo Cyr, en est aussi allé de sa théorie. « Un autre facteur de frein est celui lié à la structure des cabinets. Ceux qui ont le poids décisionnel sont des seniors, pas loin de prendre leur retraite, alors pourquoi devraient-ils innover ? Ceux qui sont le plus disposés à innover ne sont pas forcément en position de le faire », dit-il.
Alexandre Shee n'est pas d'accord. « On voit quand même certaines grosses structures qui ont pu évoluer », dit-il.
Pour lui, la capacité d'innover est à l'intérieur de chacun. Tessa Manuello va dans le même sens en expliquant qu'il faudrait que les avocats se demandent ce qui les passionne, car « l'innovation, ça commence avec nous-même ».
Sortir de sa bulle

Tessa Manuello explique aussi qu'il est important de ne pas s'enfermer dans sa bulle, avec ses collègues avocats, que la clé du succès, c'est la diversité. Elle donne son cas comme exemple, en détaillant comment elle a décidé de s'entourer de gens qui avaient des compétences totalement différentes des siennes. Elle encourage d'ailleurs les juristes à participer à des événements comme le hackathon.
Pour elle, l'avocat qui a l'esprit d'innovation doit se démarquer dans une niche liée à ses compétences et sa personnalité.
Rita Baker, consultante principale de Baker Marketing qui a mené le débat conclut : « n'ayez pas peur, trompez-vous et innovez ».