Six mois au Salvador
Camille Dufétel
2023-10-20 15:00:00
L’avocate, qui a rejoint son cabinet en 2019 d’abord comme stagiaire puis comme avocate, œuvre principalement dans le domaine du droit du travail et de la santé et sécurité du travail. Au Salvador, elle a notamment travaillé pour la valorisation des droits des victimes de violence fondée sur le genre.
Depuis son retour à Montréal, elle se dit très heureuse que ses connaissances acquises en droit du travail « aient permis une sensibilisation et un apprentissage en matière de harcèlement au travail auprès de la société civile, menant ainsi à une avancée pour les victimes de violence fondée sur le genre ».
Droit-inc lui a parlé.
Qu’est-ce qui vous a amenée à effectuer un mandat avec Avocats sans frontières?
Mon mandat a commencé en janvier, mais ma relation avec Avocats sans frontières a débuté au baccalauréat. J’ai toujours eu un intérêt pour les relations internationales et l’accès à la justice.
J’ai eu des engagements communautaires qui m’ont amenée à être dans le concret et qui m’ont donné envie de faire ma part pour le droit des personnes vulnérables. J’étais impliquée au sein du CA d’un organisme communautaire durant les premières années de ma pratique, donc c’est toujours resté avec moi.
J’ai fait plusieurs immersions en Amérique latine, où je me suis sentie bien. Je me suis dit que le jour où j’y retournerais, ce serait à mon tour de donner un coup de main avec les outils que j’aurais acquis.
Vous avez donc décidé de partir au Salvador, et fait une pause de Monette Barakett durant six mois. Dans quel contexte?
Je suis partie dans le cadre d’un projet qui vise à donner un accès à la justice aux femmes victimes de violences fondées sur le genre. En fait, aux personnes victimes de ces violences, mais ça touche particulièrement les femmes. Le droit des femmes y est en péril tous les jours, le droit à l’avortement y est criminalisé. Une femme peut être poursuivie si elle tente de mettre fin à une grossesse.
J’ai été impliquée dans le cas Beatriz (note: expliqué dans cet article de Droit-inc) quand j’étais là-bas. J’ai fait de la recherche et j’ai un peu contribué au mémoire rédigé par Avocats sans frontières.
Mais le plus grand travail était de monter et de dispenser des formations sur le harcèlement au travail, particulièrement le harcèlement sexuel dans le contexte d’une convention internationale de l’Organisation internationale du Travail (OIT) qui a été ratifiée par le Salvador l’an dernier et qui est entrée en vigueur dans le pays le 7 juin 2023.
Durant la période où j’étais au Salvador, ça allait entrer en vigueur. J’ai donc monté une formation pour sensibiliser la population civile, les ONG, les associations d’employeurs, les entreprises et nos partenaires d’Avocats sans frontières sur le terrain, à ce qu’est le harcèlement au travail, ce qu’est le harcèlement sexuel.
L’objectif était de démystifier cela ainsi que la convention de l’OIT, et la façon dont celle-ci pourrait s’impliquer dans législation salvadorienne. J’ai donné des exemples avec ce qui existe ici, la CNESST, le système de plaintes…
Mon rôle est d’inciter les entreprises et les organisations à adopter des politiques en la matière parce que c’est obligatoire depuis 2018, et ça l’est en vertu de la convention de l’OIT, même si la législation n’est pas encore adaptée pour s’y conformer. J’ai donné des modèles sur ce que l’on devrait inclure dans une politique sur le harcèlement au travail.
J’ai donné des formations en présentiel, des entrevues à la radio, j’ai aussi participé à un panel portant sur le harcèlement dans les universités (...).
Comment avez-vous vécu cette expérience?
C’est la plus belle expérience de ma vie, j’ai eu la chance d’être mise au défi sur plusieurs plans, que ce soit la maîtrise de l’espagnol ou le fait de se sensibiliser à des enjeux juridiques difficiles… Ici, on prend certains droits pour acquis, mais ce n’est pas le cas dans certains pays. C’est vraiment une sensibilisation personnelle qui est très grande.
Ç'a aussi été la chance de développer des relations interpersonnelles avec des collègues et des amis sur place qui me sont très chers. Et ça m’a permis de me sensibiliser à des enjeux sociaux importants.
Je veux les mettre en lumière auprès de la communauté d’ici et de la communauté internationale. Il y a la question de l’avortement, mais également celui du haut taux de criminalité relié aux gangs de rue et l’influence que cela peut avoir sur les personnes vulnérables, notamment les femmes, dans ces pays.
C’est une expérience qui change la façon d’approcher la vie.
Cela vous a donné envie d’effectuer d’autres mandats pour Avocats sans frontières?
Certainement!
Votre cabinet a été flexible face à votre demande de partir six mois? Certains avocats n’oseraient peut-être pas le demander…
Oui. Déjà, j’avais un lien très fort avec mon cabinet où je travaille depuis trois ans. Je leur ai simplement exprimé tout cela dans une lettre et je pense que si on est sincère et honnête, et que l’on donne la chance à notre employeur de comprendre certains rêves que l’on a, il peut nous appuyer là-dedans.
J’ai reçu un beau support et une belle ouverture dans le cadre de ce mandat.
Vous conseillez à vos pairs de participer à ce type d’expérience? Des conseillers juridiques volontaires sont régulièrement recherchés?
Oui, il y a toujours des vagues de recrutement et des besoins. Je le conseille à toute personne, parce que c’est une expérience personnelle enrichissante.
Pouvez-vous me parler de vos principaux mandats chez Monette Barakett?
Je travaille en droit de la santé et en droit du travail, je conseille et représente des clients dans leur gestion quotidienne de relations de travail, de santé et sécurité au travail. Cela m’amène à faire des représentations devant les tribunaux administratifs.
Je travaille beaucoup dans des dossiers de lésions professionnelles et psychologiques ou encore de harcèlement au travail.
Dans le droit de la santé, en particulier la santé mentale, je peux travailler sur des demandes de gardes en établissements, des autorisations de traitement…
Qu’est-ce qui vous a attirée vers cette branche du droit?
Le droit du travail et le droit de la santé, c’est pour moi un heureux mélange parce que ça touche les droits humains et c’est intrinsèque à notre société. Ça touche de près chaque personne à un moment donné. Et c’est un droit humain qui n’atteint pas le professionnel de manière difficile comme par exemple le droit de la famille…