Pilote de haut vol
Emeline Magnier
2015-09-10 15:00:00
Celui qui s’est bâti une solide réputation en litige commercial et entre actionnaires plaidera notamment à la Cour suprême au mois de décembre.
Il a répondu aux questions de Droit-inc.
Droit-inc : Qu'est ce qui vous a attiré vers la profession d'avocat ?
Me Hubert Camirand : Très jeune, c'était clair dans mon esprit que je voulais devenir avocat. Je ne suis pas né dans une famille de juristes mais de comptables. Mon père était associé principal de ce qui est aujourd'hui Ernst&Young et mon frère est devenu VP de la Banque Scotia. Je n'étais pas attiré par la défense de la veuve et l'orphelin mais par le volet juridique des affaires : les relations entre deux entrepreneurs, les contrats, les relations de travail. J'ai toujours lu beaucoup, j'adore apprendre et ce côté de ma personnalité se reflète aujourd'hui sur ma pratique. Il faut bien connaître le client, son activité et son industrie. Souvent, il ne nous dit pas ce qui pour nous est important.
Parlez-nous de l'évolution de votre pratique…
Après le baccalauréat je suis parti trois mois à Londres pour parfaire mon anglais et ensuite j'ai commencé à exercer. Je me suis orienté vers le droit commercial et transactionnel, notamment en placement, valeurs mobilières et rédaction de contrats. Ce que j'aimais particulièrement, c'est la rédaction de conventions entre actionnaires : il faut s'intéresser à qui ils sont, leurs investissements. Je suis toujours fier de pouvoir contribuer au succès d'une entreprise. Beaucoup de mes premiers clients sont toujours là 30 ans plus tard.
Par la suite, ma pratique s'est dirigée vers le litige commercial et corporatif, et notamment vers le litige entre actionnaires, domaine dans lequel j'ai acquis une certaine réputation. Je représente des clients de l'industrie de la construction, manufacture, assurances, et des bureaux comptables me réfèrent aussi de la clientèle.
Qu'est-ce-que vous aimez dans le litige ?
Ce que je préfère, c'est comprendre et régler. Je suis aussi fier des dossiers que j'ai réglé que de ceux pour lesquels j'ai obtenu un jugement qui a fait jurisprudence. Je suis très orienté vers la solution. Il faut d'abord savoir si on est capable de s'entendre avant d'aller devant le juge. Je crois beaucoup aux mécanismes du Nouveau Code de procédure civile. En droit, tu peux gagner, mais au fond, tu peux finir par perdre. Souvent, le meilleur des résultats ne donne pas 100% satisfaction. Notre demande est accueillie ou rejetée, le juge ne peut pas inventer une solution. Avec les modes de règlements des différends, il y a plus de latitude et on peut être inventif.
Vous intervenez dans le cadre de litiges complexes. Quelles sont les particularités de ce genre de dossiers ?
Il est important de s'assurer que toutes les facettes du dossier ont été analysées et que tous les angles ont été vérifiés. Quand nous faisons des rencontres de travail d'équipe, je donne des instructions de recherche dans ce sens. L'analyse de la jurisprudence, on le fait dès le départ et pas un mois avant le procès. Je travaille aussi beaucoup sur ce que va faire la partie adverse. Je me fais l'avocat du diable, quand je rencontre mes clients, je les contre-interroge.
J'analyse les arguments que le confrère adverse va donner, je ne veux pas de surprise et cela permet de nuancer le dossier. Il faut connaître ses faiblesses et regarder les détails. Il y a toujours une solution, mais il faut la trouver et ce n'est peut-être pas celle à laquelle on pensait au départ. Le droit est une science, je ne crois pas aux effets de toge. On fait valoir son point, il y a un fardeau de preuve à rencontrer et on doit faire comprendre au juge son argumentation.
Quelle est la clef d'un procès réussi ?
Le contre-interrogatoire est fondamental. Une très bonne connaissance du dossier est nécessaire, incluant les pièces de la partie adverse. Ça ne s'improvise pas, il faut le préparer et avoir une stratégie, savoir où on veut aller et ce qu'on veut que le témoin dise. Nous devons déconstruire toutes les pierres du mur que l'autre partie a construit. Il faut être invitant à recevoir la réponse et ne pas être agressif.
Quel regard portez-vous sur l'évolution du litige ?
Je suis assez critique, beaucoup de choses ont changé, notamment les coûts et les délais. Les clients sont très frustrés quand il s'agit d'obtenir une solution qui vient du système judiciaire et pour laquelle ils devront attendre minimum deux ans. C'est là qu'il faut être imaginatif et trouver une solution alternative.
Au début de ma carrière, c'était plus simple, le décorum était aussi perçu comme plus important. Si les témoins ne disaient pas la vérité, on le sentait tout de suite, il y avait plus de réticence au mensonge. Aujourd'hui, même si le juge se rend compte qu'une personne n'a pas dit la vérité, il n'y a pas d'accusation pour outrage et on observe une certaine désinvolture.