Séance ciné : guerre et paix

Céline Gobert
2012-03-16 17:00:00
Source d’inspiration pour les avocats : bousculer l’ordre établi
Voilà bien dix ans (depuis Mademoiselle) que le cru Lioret se révèle à chaque fois formidablement sobre, et joliment intelligent. Parce qu’il se met à la hauteur d’hommes et de femmes du quotidien, évoque des problématiques sociales et/ou politiques, Lioret a toujours touché au cœur, sans oublier de faire du cinéma.

C’est donc d’autant plus déçu que l’on quitte la salle de Toutes nos envies. Les attentes étaient énormes, le faux pas- lui- impossible à nier. Librement inspiré du roman d’Emmanuel Carrère (D’autres vies que la mienne), Toutes nos envies parle de deux choses : le surendettement, gigantesque problème de société jamais abordé au cinéma, et, la maladie.
Il y a donc Claire, une jeune juge lyonnaise : son combat pour aider la mère d’une copine de classe de sa fille, sa rencontre avec Stéphane (Vincent Lindon), juge d’expérience qui accepte de l’aider, et cette terrible nouvelle qu’elle décide de cacher à son entourage : une tumeur au cerveau, inopérable, vorace, fatale. Rapidement, nous ne sommes plus face à un thriller judiciaire façon Erin Brockovich, mais face à un drame humain.
Qu’est ce qui cloche alors ? Une Marie Gillain franchement lisse, en premier lieu, erreur de casting regrettable surtout lorsque l’on sait à quel point Lioret (avec Sandrine Bonnaire ou Mélanie Laurent par exemple) tire le meilleur de ses actrices. Une superficialité grandissante, en second lieu, avec des personnages-symboles, canonisés, peu fouillés à l’image de Céline l’endettée, réduite à une figure de substitution, et un sourire un peu niais.
Au final, si Toutes nos envies demeure un film correct, bien mené, à la justesse notable, il lui manque cette force mystérieuse qui hissait les précédentes œuvres du cinéaste, bien au-dessus de la masse de films fadasses. Ici, de maladresses (la séquence du rugby) en bons sentiments, Lioret loupe l’essentiel (parler du cancer notamment) et signe un long métrage mineur, qui se contente de survoler ses sujets, comme distrait, ailleurs.
J comme japonais
Source d’inspiration pour les avocates : comprendre l’importance de la solidarité féminine
Toute la presse américaine semble s’être liguée comme le pauvre Zhang Yimou (La Cité Interdite, Hero, Le secret des poignards volants). Bizarre. Avec son acteur américain, Christian Bale, en tête d’affiche, Yimou a pourtant tout mis en œuvre pour leur plaire : héroïsme exacerbé, thématiques fortes (horreurs de la guerre, tragédie amoureuse) et budget conséquent (100 millions de dollars, le plus gros qu’ait jamais connu l’industrie cinématographique chinoise par ailleurs).

Et pourtant, même s’il pèche par des excès regrettables d’américanisation (la love story tirée par les cheveux entre l’américain et la chinoise, incarnée par Ni Ni, était franchement dispensable), The Flowers of war est bien plus honnête, et bien moins chargé visuellement qu’un Mémoire d’une Geisha de Rob Marshall par exemple. Le sujet, faut dire, est poignant.
Yimou revient sur le massacre de Nankin, en 1937, où des centaines de milliers de chinois ont été sauvagement tués, femmes et enfants violés par l’armée japonaise. A l’instar d’Angelina Jolie dans son récent In the land of blood and money, il s’intéresse aux dommages collatéraux de la guerre. Ici, un groupe de jeunes adolescentes et une bande de prostituées, qui ont trouvé refuge dans une église.
La seule erreur du cinéaste chinois est d’avoir succombé aux travers de ce type de productions: l’introduction d’un protagoniste américain pour fédérer les spectateurs du monde entier, et, une surcharge évidente dans l’émotion.
Autrement, pour le reste, le film ose la violence frontale, éclairs sanglants au coeur d'une stylisation constante de l’image (marque de fabrique du réalisateur au passage) et se révèle in fine bouleversant.
Les "fleurs de la guerre", titre-symbole de ces héroïnes courageuses, est également un joli résumé de ce qui se côtoie artistiquement tout du long : brutalité et poésie, ombres et lumières.
Bale, lui, s’en sort encore une fois haut la main, rendant crédible la brusque mutation d’un anti-héros alcoolique et lourdingue en sauveur au grand cœur, et, incarne à l’image ce que le film dit de mieux : en chaque homme, se cache le pire et le meilleur, l’ange et le démon.