« C’est moi le petit jeune »
Céline Gobert
2012-10-18 16:30:00
« On peut dire que je suis un produit de Richter », dit-il d’emblée, confiant en outre qu’il s’agit selon lui d’une très bonne école, « le chef de file au Canada en restructuration d’entreprises ».
« J’ai été nommé associé à 34 ans, ce qui est assez jeune, mais les associés m’ont fait confiance, ils ont vu mon potentiel, ils m’ont beaucoup coaché », dit le jeune homme qui a déjà travaillé sur des dossiers comme TQS, les Ailes de la mode, Jet-Go, des dossiers « intéressants et high profile », dit-il.
Tout commence par des études en HEC à Montréal, un stage obligatoire de deux ans en vérification, deux années supplémentaires pour se bâtir une bonne base en comptabilité, et l’obtention de deux licences de syndic (au Québec et en Ontario) émise par le gouvernement fédéral et nécessaire pour agir en tant qu’officier de la Cour.
En 2004, le voilà prêt : il fait l’entrée au département de consultation et redressement d’entreprises, celui qui l’avait toujours séduit.
« Il y avait beaucoup d’action, d’urgences à régler, c’est rapidement devenu une option pour la suite. »
Devenir associé, c’était son objectif depuis longtemps.
« Je voulais faire partie de l’équipe d'associés, mais la première journée lors du premier meeting, je me suis senti comme à l’école, tu connais tous ces gens là mais là tu rentres dans un cercle plus fermé et d’autres pressions arrivent avec cette nomination », confie-t-il.
Des pressions telles que faire rentrer la business, participer à l’administration du bureau, former le staff.
« Comme jeune associé, tu te mets peut-être plus de pression que nécessaire mais la première année tu veux bien performer, leur montrer qu’ils ont fait un bon choix en te nommant. »
Dans l’équipe, ils sont une quarantaine de professionnels et douze associés. Il est le plus jeune.
« Je ne pense pas que j’avais les capacités d’être un entrepreneur, de lancer une business et de prendre des risques financiers, mais j’ai toujours aimé cela, et le partnership reste le plus proche sauf que tu partages le risque avec d’autres, tu as un réseau, une structure, etc »
Ses clients ? Ce sont les banques.
Elles prêtent à des compagnies, la situation des compagnies se détériore, la banque les mandate pour voir ce qui se passe et faire un diagnostic de la situation.
Le dossier, indique-t-il, peut prendre alors différentes avenues : soit restructuration formelle, soit un suivi mensuel.
Son équipe effectue par ailleurs beaucoup de mandats publiques : l’un des derniers en date par exemple concernait la chaîne de magasins Hart stores.
« Cela a duré six mois, on a fermé des magasins, on a eu des mises à pied, on a trouvé un nouveau banquier pour financer les opérations. Cela a été un beau dossier qui s’est soldé par un succès. On a posé le geste qui devait être posé, et la compagnie a survécu ».
Transmettre son savoir
Le plus intéressant, selon lui, c’est le mentorat dont il a bénéficié, et dont il bénéficie toujours.
« J’ai un groupe d’associés un peu plus âgés qui veulent me passer leurs relations d’affaires, leurs contacts et faire une transition donc je suis chanceux, ces gens-là d’expérience ils m’ont « trainé » au niveau où je suis mais ils ont un désir de voir ce qu’ils ont bâti continuer dans le temps. »
Sa « vision de la job », confie-t-il, c’est de développer de nouvelles lignes de produits, de services, développer ses relations, en bâtir de nouvelles, et développer l’équipe en dessous de lui.
« C’est important car si tu n’as pas d’équipe, tu ne peux pas opérer dans le marché. J’essaie de garder les gars et les filles motivés, de les challenger. En général, on en prend un ou deux sous notre aile puis on passe des longues heures au bureau à écrire des rapports, faire des analyses financières pendant que cette personne est à côté, C’est important de leur donner aussi du feedback positif, de garder la communication ouverte. »
Stéphane De Broux, également père d’une petite fille de trois ans, souhaite transmettre son savoir aux plus jeunes, rendre la pareille. Car c’est le mentorat et le coaching dont il a bénéficié qui explique, entre autres, sa réussite, dit-il.
« Je pense que cela prend de l’ambition, des longues heures, travailler fort. Mais ma réussite je la dois surtout aux individus qui m’ont coaché : des associés comme Yves Vincent, Raymond Massi, et Gilles Robillard, qui ont pris de leur temps personnel pour me montrer la job, pour me pousser, qui ont cru en moi. C’est eux qui ont fait la différence à la fin de la journée.»
Un couple qui ne va pas bien
« Nous sommes la vision globale du dossier, et cela doit être appuyé par des analyses financières solides. Quand tu prends une entreprise en difficulté financière, il y a 46 problèmes, mais tu ne peux pas tous les régler en même temps. C’est comme un couple qui va pas bien. Tu te concentres sur les principaux problèmes puis tu vois après, tu ne peux pas tout régler », plaisante-t-il.
Dans chaque dossier, il va être amené à collaborer avec les avocats.
« Le banquier va nommer un consultant et un avocat, explique-t-il, parce qu’il a besoin de conseils juridiques, parce que la compagnie ne va pas bien, est en défaut des conventions, et ils ont aussi besoin d’un consultant pour l’aspect chiffre. On travaille main dans la main avec les avocats dans la majorité des dossiers. »
Par exemple, pour le dossier Hart stores, il a collaboré avec le bureau McCarthy Tétrault.
« On devait aller à la Cour car on avait demandé la protection du tribunal donc là tous les mois, on devait déposer un rapport de Richter qui est l’officier mandaté à la Cour, il y a beaucoup de légal dans notre travail. »
Le reste du temps, il collabore avec toutes les grandes firmes montréalaises. Il cite Davies et Stikeman.
Action et diversité
Une chose est sûre : Stéphane De Broux aime son travail.
« J’aime l’action, la diversité des mandats, à chaque mandat on recommence à zéro. On fait face à des échéanciers, on cherche des solutions. J’aime aussi la rapidité que l’on a de voir l’impact de notre travail : on fait un rapport et la banque implante certaines de nos recommandations. On est dans l’action ».
Les qualités en restructuration qui sont importantes, selon lui, c’est d’avoir un bon sens des affaires, être capable d’identifier rapidement les enjeux principaux, mette l’accent sur les énergies de tous les intervenants, que ce soient banquiers, avocats, ou consultants vers ces enjeux là.
« Il est important également d’avoir une stratégie et un échéancier bien établis, pour ensuite imposer la rigueur nécessaire pour l’accomplir », dit celui qui peut travailler parfois jusqu’à minuit et demi le soir.
« Mais j’aime la flexibilité de mon travail. Vendredi dernier j’ai eu une journée de congé, on n’a pas un horaire de 9 à 5 en notant que l’on réalise nos objectifs et que les clients sont satisfaits. »
Un gros bateau à bouger
Associé oui, mais pas sans projet. Ce que souhaite le comptable désormais c’est développer sa pratique et avoir un rôle accru dans l’administratif du bureau.
« Avant même d’être nommé associé, je me rendais compte que l’on a une business à gérer, un gros bateau à bouger et je pense que c’est intéressant comme professionnel d’être impliqué dans la gestion administrative du bureau et dans ses orientations stratégiques. »
Pour l’heure, il s’envole pour Toronto pour un mandat qui n’est pas public : une banque, une compagnie 30 à 40 millions de chiffres qui a des difficultés financières.
« On doit préparer les projections financières pour les trois prochains mois, afin de voir leur besoin de liquidité parce que la banque n’a aucune vision sur les résultats anticipés, et il y a des actions qui doivent être posées face à cela ».