Goodfood : bâtir une équipe juridique!
Camille Laurin-desjardins
2021-01-26 15:00:00
Comme c’est un tout nouveau poste pour la jeune compagnie, qui a connu une croissance fulgurante pendant la pandémie, tout est à bâtir pour cette avocate travaillant en entreprise depuis plus de 15 ans.
Droit-inc s’est entretenu avec celle qui a été admise au Barreau en 1998 pour décortiquer les enjeux juridiques de cette entreprise montréalaise et pour revenir sur son parcours.
Droit-inc : Qu’est-ce qui vous a attirée chez Goodfood?
Nadia Jubinville : C’est un long cheminement. C'est une opportunité qui s’est présentée à moi, presqu’un an après le début de la pandémie, et que je ne pouvais pas vraiment refuser.
Premièrement, la COVID a propulsé les changements des habitudes des consommateurs dans les domaines alimentaire et du magasinage en ligne…
Non seulement c'est une industrie en croissance, mais la compagnie comme tel est en croissance accélérée, c'est dans le top 30 du PSX coté en bourse, c’est une équipe jeune et visionnaire, qui a un excellent ''track record'' d'exécution d'une stratégie, avec un modèle d'affaires très innovateur…
Pour moi, c'était l'occasion de me joindre à l'équipe de gestion, et j'apportais un bagage assez varié.
C'était comme bâtir une fonction juridique, dans un contexte de croissance accélérée, ce que j’avais fait dans le passé aussi... C'était une opportunité unique, pour moi.
C'est donc un poste qui vient d'être créé...
Oui! La compagnie est jeune, elle est cotée en bourse depuis 2017. Il n'y avait pas de conseiller juridique auparavant, je suis la première. Je vais aussi siéger sur le conseil d'administration comme secrétaire corporative. Avant, c'était fait à l'externe…
Donc j'ai tout à bâtir. C'est un peu ce que j’ai fait chez Solotech (NDLR : l’entreprise où elle travaillait jusqu’à tout récemment), en fait : partir de zéro, bâtir la fonction légale et toute l'équipe... C'est très stimulant.
Solotech, c'est un leader des technologies audiovisuelles, un fleuron québécois, avec des investisseurs institutionnels, comme Claridge, Investissement Québec, Desjardins... qui était en croissance fulgurante, quand je suis arrivée en 2017; il y avait des plans d’expansion au Canada, aux États-Unis, en Europe, en Asie… J'avais le même mandat : mettre en place la fonction légale. J'arrivais vraiment avec une belle feuille blanche.
J’ai adoré ça. Je dois avoir la fibre entrepreneuriale. Quand je suis partie, en quatre ans, on était déjà six dans mon équipe. Ç'a été une très belle aventure.
Vous comptez embaucher combien de personnes pour bâtir cette équipe?
Il est encore trop tôt pour le dire, je suis dans ma première semaine… J'ai le mandat de regarder d’abord quelles sont les priorités, les pistes d’amélioration et les besoins, selon le plan stratégique de croissance…
On ne se le cache pas, Goodfood est en croissance, donc c'est sûr qu'il va y avoir des embauches, dans les prochains mois.
À quoi ça ressemble, les enjeux juridiques chez Goodfood?
C'est très varié. En fait, le défi, quand tu arrives dans une place comme ça où il n'y a jamais eu de juridique, c'est que tu dois apporter de la rigueur juridique dans tous les domaines – pas juste dans le dossier juridique, mais vraiment dans la stratégie aussi…
Tu dois aussi changer la culture. Tu dois apporter une vision de valeur ajoutée, donc il faut que les clients t'aiment et te voient vraiment comme un partenaire de leur succès – un avocat interne qui est constamment en mode solutions, et non pas un département des «non»!
Oui, c’est un bon défi… Aviez-vous peur d’être perçue comme une rabat-joie?
Pas du tout. Les gens avaient très hâte d'avoir quelqu'un à l'interne! Et c'est exactement ce que j’ai fait chez Solotech. Quand je suis arrivée là, ça faisait 40 ans que la compagnie existait, et il n'y avait jamais eu d'avocat à l'interne…
Donc, encore une fois, j'ai eu à changer la culture, mais dans un contexte de compagnie privée, alors que là, ça va être dans un contexte de compagnie publique... Deux défis qui se ressemblent, mais dans des industries complètement différentes.
Quelles sont vos priorités?
La première, ça va être évidemment de soutenir la croissance rapide de la compagnie. Et la deuxième, ça va être de mettre en place des structures et des processus, mais d'une façon agile. Parce que là, ça grandit tellement vite, que tout le monde essaie de faire un peu son possible…
Et évidemment, soutenir tout le lancement des nouveaux produits et des nouveaux services –
Il y a beaucoup de nouveautés qui s'en viennent dans la prochaine année pour Goodfood.
Par exemple, quand il y a des partenariats à faire, ça va être de regarder les contrats. Quand il y a des fournisseurs, il faut bien encadrer la relation contractuelle. Vu que c'est une compagnie publique, il faut s'assurer que tout est bien en ordre dans les documents... C'est très varié.
Les enjeux technologiques, aussi : c'est une'' business ''complètement en ligne… Il y a donc beaucoup d'aspects de cybersécurité, d'automatisation…
Il y a aussi beaucoup de documents contractuels pour louer et construire des centres de distribution. On en a présentement sept au Canada, mais il y en aura d’autres à venir dans la prochaine année.
Quand tu arrives comme ça, l'avantage, c'est que le terrain de jeu est assez grand. Il y a beaucoup de choses à faire, tu ne t'ennuies pas!
Vous avez commencé votre carrière comme avocate dans des grands bureaux… Qu’est-ce qui vous a fait migrer vers le travail d’avocate en entreprise - en 2003, à la Banque nationale?
Très bonne question! J’ai commencé ma carrière en droit chez McCarthy Tétrault, en litige, principalement. Après, j'ai bifurqué en corpo et en valeurs mobilières, chez Stikeman Elliott. Et après six ans de pratique privée, je voulais aller chercher un bagage « affaires ». Parce que j’avais déjà l’idée, à ce moment-là, d’aller faire une carrière en droit, mais en contentieux.
Ce que j’aimais beaucoup, c'est la proximité avec la stratégie d'affaires d'une compagnie, et vraiment être là pour son exécution : contribuer à la croissance de la compagnie, mais au quotidien, donc à travers les bons et les moins bons coups, soutenir les enjeux stratégiques ou opérationnels – mais d’un point de vue juridique, toujours.
Je voulais vraiment combiner les deux. Donc finalement, je trouvais qu'en pratique privée, c'était moins propice à ça…
Je suis allée faire mon MBA, entre la pratique privée et les contentieux, justement pour aller chercher ce bagage « affaires ».
Ça m'a menée à la Banque nationale, et finalement, je suis restée là 10 ans, au total. Là-bas, j'avais mis en place aussi une mini-équipe au sein du département juridique, qui était très grand. Parce que j'avais réalisé qu'il y avait beaucoup de contrats qui étaient donnés à l’externe, d'impartition, d'approvisionnement technologique, des partenariats, fusions-acquisitions… J'ai levé ma main et j'ai monté, là aussi, une autre équipe.
Est-ce que ç'a toujours été là, pour vous, ce désir d'aller en entreprise?
Oui. Même avant d’aller en droit, j’hésitais entre administration et droit... Finalement, je me suis dit : je vais aller en droit et je verrai plus tard! J’ai toujours eu ça qui me trottait en tête, de faire plus d'affaires.
Qu'est-ce qu'on vous souhaite pour les prochains mois?
Beaucoup de succès, d’apprendre, de réaliser le plan pour lequel j’ai été embauchée, donc soutenir la croissance, et d’aider à faire grandir ce beau ''success story'' qu'est Goodfood!