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L’enquête interne, le litige et le privilège

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Gabriel Poirier

2022-07-21 14:15:00

Une avocate explique comment déterminer si les documents d’une enquête interne bénéficient ou non du privilège relatif au litige…
Me Élisabeth Lachance. Source: Site web de Langlois
Me Élisabeth Lachance. Source: Site web de Langlois
Le privilège relatif au litige peut parfois prêter à débat.

C’est que la distinction entre une enquête interne menée dans le cadre des activités d’une entreprise et une autre menée en préparation d’un litige étant parfois sujette à interprétation.

C’est ce qu’explique l’avocate de Langlois, Élisabeth Lachance, dans un article paru le 21 juin dernier qui examine la décision de la Cour supérieure intitulée ''Zurich Insurance Company Ltd. (Canadian Branch) c. A.H. Lundberg Systems Limited''.

Cette décision, rendue le 9 février dernier par le juge Dominique Goulet, a rappelé que le privilège relatif au litige doit être interprété « restrictivement », dans la mesure où il constitue une immunité de divulgation de la preuve et fait obstacle à la divulgation la plus complète de la preuve au stade préliminaire de l’instance », comme l’écrit elle-même Me Lachance.

Rappelons que l’usine de transformation de pâtes et papiers à Thurso, Fortress Speciality Cellulose, a subi une importante explosion le 20 septembre 2017. L’entreprise a intenté, deux ans plus tard, un recours judiciaire contre l’entreprise A.H. Lundberg Systems Limited en alléguant qu’un vice de construction affectant l’un de ses produits était responsable de l’explosion.

L’entreprise Fortress avait ensuite été contrainte de communiquer à la partie adverse des documents préparés dans le cadre de l’une de ses enquêtes internes, le tribunal étant d’avis que celle-ci n’avait pas été menée en prévision du litige, mais plutôt dans une optique de santé et de sécurité au travail.

Finalité et contexte

À Droit-Inc, Me Lachance explique que lorsqu’il est question des conditions d’application du privilège relatif au litige, tout est affaire de « finalité » et de « contexte », selon elle.

« Pour bénéficier du privilège relatif au litige, les documents constitués dans le cadre d’une enquête interne doivent l’avoir été principalement en vue de poursuites (criminelles, civiles, administratives, réglementaires, disciplinaires, ou pénales), qu’elles soient actuelles ou anticipées. C’est donc la finalité du document qui détermine son caractère privilégié et le contexte dans lequel il a été confectionné », fait-elle valoir.

Dans l’exemple évoqué ci-haut, Fortress avait entrepris son enquête interne « immédiatement » après l’incident, soit bien avant d’intenter une poursuite contre A.H. Lundberg Systems.

« Si les documents dont la communication est recherchée ont été rédigés dans le cours normal des affaires – qu’une poursuite ait été intentée ou non - leur contenu pourrait ne pas être protégé par le privilège relatif au litige », insiste la Barreau 2019.

Et quelques exemples ?

L’avocate qui exerce en litige, en droit des assurances et en responsabilité civile et professionnelle évoque deux exemples pour étayer son argumentaire : les décisions ''R. (Canada) c. Groupe SNC-Lavalin inc.'' et ''2732 Québec inc. c. Cie Montréal Trust du Canada'', rendues respectivement par la Cour supérieure et la Cour d’appel.

Dans le premier cas, le juge Alexandre Boucher a conclu que les documents visés étaient protégés par le privilège relatif au litige, car ils avaient été « créés dans le contexte d’une enquête interne menée à la suite du déclenchement d’enquêtes policières reliées à des allégations de corruptions à l’étranger », plaide Me Lachance.

Dans le second cas, même si les documents avaient été produits quelques semaines avant le procès, les juges Paul-Arthur Gendreau, André Brossard et Marie Deschamps ont qualifié de « non privilégiée » une expertise demandée par l’appelante pour connaître la cause d’une fuite d’huile, celle-ci ayant été préparé en fonction de « considérations exclusivement administratives ».

« Aux fins de l’application du privilège relatif au litige, il n’est pas suffisant de démontrer que la documentation dont la communication est recherchée peut s’avérer utile pour la préparation d’un litige. Il importe qu’au moment de leur confection, les documents aient pour objet principal la préparation du litige », conclut Me Lachance dans son article.
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