D’avocate à mère au foyer
Florence Tison
2020-05-01 15:00:00
« Avec les enfants, c’est bien gagnant », rigole l’avocate de la défense. Mais la situation de Me Michel, elle, n’a pas de quoi faire rire.
Comme beaucoup de ses collègues avocats de la défense en pratique privée, elle se retrouve du jour au lendemain sans revenu. La pandémie de la COVID-19 a forcé la fermeture des tribunaux, et tous ses dossiers sont en suspens. Sans facturation.
« Nous, étrangement, on est service essentiel, mais presque la totalité ne travaille pas parce que tout est reporté sauf les services jugés urgents, expose la travailleure autonome. Je n’ai aucune source de revenu depuis un mois. »
Et la prestation d’aide d’urgence de 2000 $ proposée par le gouvernement fédéral? Me Michel ne sait même pas si elle y a droit. Elle a beau travailler très peu, elle travaille tout de même un peu.
Au téléphone avec les clients, mais bénévolement
La dernière fois que Me Michel est allée au palais, c'était le vendredi 13 mars. Depuis, elle est à temps plein à la maison avec sa petite fille.
Même si l’avocate de la défense pouvait aller au palais de justice, ce serait difficile. Son copain exerce un travail essentiel en aéronautique. La blague de Me Michel ces temps-ci, c’est qu’elle ne peut mettre son enfant de trois ans dans sa poche de toge.
Mais elle ne se plaint pas de rester à la maison. « Honnêtement, je veux qu'il continue à travailler, parce que c'est le seul revenu familial qu'on a », souligne l’avocate.
« C’est sûr que pas avoir d’enfant, j'irais probablement au bureau m'avancer dans des dossiers et tout ça, poursuit Me Michel. J’essaie de le faire un petit peu de la maison, mais c’est très, très difficile. Au début, je me disais que je peux peut-être faire un peu de travail à la fin de la journée pour occuper mon cerveau professionnellement. Mais je suis tellement fatiguée de ma journée avec mon enfant parce qu’on fait plein d’activités, et que j’essaie de me recycler en éducatrice CPE. »
La fin des journées de la criminaliste consiste alors à rassurer (gratuitement) ses clients au téléphone, et de contacter leur famille pour les rassurer eux aussi. En mode confinement, les détenus ne reçoivent plus de visite, et l’utilisation du téléphone leur est difficile, même pour appeler leur avocat.
D’autres clients ont perdu leur emploi et ne peuvent pas payer de frais d’avocats, ou ne veulent pas payer pour des procès reportés. Reportés jusqu'à quand? Personne n’en a aucune idée, et les nouvelles du ministère de la Justice sont rares.
« On est dans l’insécurité totale », déplore la criminaliste.
« On se rend compte par contre qu’on vivait vraiment sur un pilote automatique : on se lève, on se donne beaucoup professionnellement et tout ça. C’est sûr que là, je reviens à mes valeurs avec ma fille. Mais c'est difficile! Moi, j'ai hâte de pouvoir continuer à représenter mes clients et à faire mon dossier, mais nos vies sont totalement bouleversées. »
Des collègues avocats de Me Michel parlent déjà de changer de métier. Pas elle : elle aime trop le sien. Elle espère que des moyens technologiques lui permettront bientôt de reprendre le travail à distance.
Je me concentre là-dessus : que je vais pouvoir recommencer à travailler de cette façon-là le plus rapidement possible. C’est peut-être une utopie, je ne sais pas, mais je me rattache à ça. »
L’avocate allait le lendemain de notre conversation au palais de justice pour la première fois depuis le début de la crise, pour rencontrer par visioconférence un client détenu. Qui sait si la visioconférence ne lui permettra pas un jour de travailler tout court... et le plus tôt sera le mieux.
Anonyme
il y a 4 ans"Et la prestation d’aide d’urgence de 2000 $ proposée par le gouvernement fédéral? Me Michel ne sait même pas si elle y a droit." S'informer pourrait être une bonne première étape.
Mk
il y a 4 ansSa semble souffrant de devoir s'occuper d'enfants à la maison. Je me demande comment les femmes fesaient avant. Pas pour rien que me mère nous envoyais dehors toute la journée! Les jours de pluie hop bus métro et place Versailles. On apprenait la liberté au moins!
Henri
il y a 4 ansLe truc c'est d'avoir un conjoint qui a un vrai travail.