La grosse commission
Cynik
2010-11-23 08:30:00
Un petit saut d'humeur partagé tout de même par plus de 200 000 citoyens...
Sauf que ça ne sera pas la première fois qu'on dira « business as usual » et « F*ck the people » (J.-F. Lisée, Le tricheur, 1994).
Tout parti politique confondu, la classe dirigeante sait depuis longtemps que la plèbe ne peut pas penser par elle-même; qu'elle doit ignorer les jérémiades d'un peuple infantile qui ne comprend pas ce que font les grandes personnes et qui s'agite quand des éléments perturbateurs parlent trop fort.
D'habitude, on laisse les marmots qui chialent s'essouffler et passer à autre chose, mais si leur raffut devient insupportable, on leur dit:
« Oui oui, on t'entend – tieeens, on te met Bob l'Éponge à la télé, maintenant regarde ça et laisse les grands travailler » à grand coup de commission d'enquête.
À force de la réclamer, on va l'avoir éventuellement, notre commission d'enquête.
Une de plus...
Sur le processus de nomination des juges, sur l'industrie de la construction, sur la corruption, sur tout ce que vous voulez!
Et ça sera comme une émission pour enfants avec tout déjà calibré d'avance pour ne donner qu'un seul résultat possible en fonction des intérêts de ceux qui la créent et de la « morale » qu'on veut que les gens en retiennent, le tout avec un « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, bonne nuit les amis! » à la fin…
(C’est ce qui est en train de se passer avec la Commission Bastarache…)
Mais au-delà d’une facture salée, une commission d’enquête n’apporte aucune justice aux citoyens (pourrait-elle même ici prétendre être indépendante et impartiale?).
Pour reprendre les propos de Me Robert la Haye dans son entrevue avec Me Amélia Salehabadi : « Même si elles ne mènent pas à des accusations, les conclusions d’une commission d’enquête sont utiles à des propositions de changements législatifs ou structurels. »
Mais… euh… News flash: à quoi ça sert de faire des propositions de changements législatifs ou structurels au gouvernement quand c'est justement le gouvernement lui-même qu'on accuse de mal agir?
SI quelque chose se produit, ça se limitera invariablement au sacrifice planifié de quelques boucs émissaires sur l’autel de l’opinion publique et la création -encore- d'autres structures d'éthique et de surveillance à grands coups de millions qui, touuut comme les commissions d'enquête, n’auront en réalité qu’un pouvoir à portée limitée et truffé de freins techniques ou procéduraux à toute action réellement efficace.
En clair, on va remuer la vase, ramasser deux trois trucs qu'on secoue assez fort pour faire remonter, puis laisser la mare tout aussi fétide qu'elle l'était avant en se donnant l'illusion que tout est propre maintenant.
Ou alors… il reste les élections!
Le pouvoir ultime du peuple au travers des urnes, qui, éclairé par les conclusions des commissions d'enquêtes, fera passer un message au gouvernement qui en résultera!
L'argument est très convaincant… entre deux joints à l'Université…
Tout comme l'est d'ailleurs l'idée que les conclusions d'une commission d'enquête puissent réellement mener à l'arrestation de hauts fonctionnaires, groupes d’intérêts ou membres du gouvernement par le ricochet des preuves dérivées et forcer le déclenchement d'élections...
Depuis 2004, qu'on voit ci et là des sondages d'insatisfaction désastreux contre le gouvernement Charest, mais pourtant, trois mandats plus tard, il est toujours là et a même survécu à une minorité.
Plus de 2 400 000 personnes n’ont pas été voter aux élections provinciales de 2008, soit par irresponsabilité, soit par désabusement… En résultat de cette absence de volonté politique au Québec dépassant le lobbying intéressé, le gouvernement Charest tire sa légitimité de l'approbation de 24% de l'électorat...
La moralité, c'est qu'au Québec, on peut faire chi... 3 personnes sur 4 et rester au pouvoir si on met ce qu'il faut à la télé pour distraire la population et ne pas l’avoir dans les pattes.
Est-ce que vraiment se laver les mains dans les commissions d'enquête permettra de changer les choses dans ce contexte?
Ha! Finalement Jean Charest a peut-être raison… la pétition sur le site de l’Assemblée Nationale est un saut d’humeur infantile de la population…
Pas parce qu’il serait juvénile d’être scandalisé par le trafic d’influence et l’abus de pouvoir…
Mais parce qu’il est irréaliste de penser qu’une commission d’enquête apportera justice sans passer par une véritable prise de conscience et une réelle responsabilisation d’une population soit trop désabusée pour agir, soit trop infantilisé pour faire quoique ce soit sans se faire tenir par la main et se fier naïvement à tout ce qu’on lui dit.
Biologiquement parlant, un sphincter est un muscle dont la fonction est de comprimer le débit d'une voie naturelle pour laisser passer uniquement ce qu'on veut, quand on veut...
Pour un peuple si immature de l’avis de notre premier ministre, c'est peut-être de là que vient l'expression « faire la grosse commission ».
Et c'est peut-être pour ça que personne n'ose mettre ses culottes...
Cyniquement vôtre
Nous avons fait vibrer la corde sensible de Cynik en publiant récemment un de ses commentaires. Il ou elle a ensuite pris contact avec la rédaction de Droit-inc. Touchés par ses écrits, nous lui avons alors offert d’accéder à la gloire anonyme. Top là, Cynik écrira régulièrement sur notre site sous la rubrique : la Chronique de Cynik. Vous voulez savoir qui se cache sous ce pseudo. Voyons donc ! Si vous lisez Droit-inc, vous devez savoir que Ma Chouette restera Ma Chouette.