Le défi de Smart & Biggar
Natacha Mignon
2010-02-24 14:39:00
François Guay : Au niveau national, les statistiques officielles montrent qu’il y a eu une baisse record du nombre de dépôt de marques et brevets en 2009, atteignant 20-25 % de moins que les années précédentes. Cela me fait rire les bureaux qui disent qu’ils n’ont pas été affectés par cette baisse, quand on sait que les dépôts de marques et de brevets sont le ''bread & butter'' des cabinets de propriété intellectuelle.
Heureusement, cette crise, c’est du passé, n’est-ce pas ?
Je suis heureux d’entendre le gouvernement fédéral le dire. Mais moi, je n’en suis pas sûr. Je travaille avec les plus grosses entreprises au monde et je constate qu’elles sont encore très serrées dans leurs budgets. A mon avis, ça va prendre encore une autre année avant qu’on s’en sorte.
Quelles ont été les répercussions sur votre cabinet ?
Notre bureau représente 350 des 500 plus grandes entreprises de la planète, se classe parmi les 10 plus gros cabinets de propriété intellectuelle au monde et est le plus gros au Canada, avec comme principaux concurrents Ogilvy Renault et Robic au Québec, et Gowlings et Berreskin Parr au niveau national.
Et bien malgré cela, nous avons été affectés au plan national. Sûrement moins que d’autres, car on représente des sociétés comme Microsoft et Nike qui maintiennent un portefeuille de brevets et de marques même en temps de crise, mais 2009 n’a pas été une grande année.
Le litige en revanche s’est très bien comporté comme toujours en période de récession, où chacun veut défendre son lopin de terre. A Montréal, grâce au litige, on a fait une année record. Je pense à deux affaires notamment, qui nous ont beaucoup occupés. Nous sommes intervenus au soutien de la compagnie Nike dans le dossier des patins de Hockey et nous avons représenté Imperial Tobacco dans le dossier Marlboro, un litige portant sur des marques de commerce. Ce n’est pas une surprise.
Comment votre cabinet a-t-il fait face à la baisse d’activité ?
Chaque période de crise force à retourner à la base. Je suis un grand amateur de l’histoire de Porsche. Sachez que c’est en période de crise que la marque a fabriqué ses meilleures voitures.
Ramenées à l’échelle d’un bureau d’avocat, les périodes de récession sont le moment de se rapprocher de ses clients. Là, je ne veux pas dire de l’appeler plus souvent, mais de réfléchir avec lui sur des stratégies qui peuvent lui faire gagner des parts de marché. Comme par exemple, lui proposer de déposer une nouvelle ligne de brevet qui lui apporterait un avantage concurrentiel.
Quelle est la stratégie pour 2010 ?
Pour répondre, il faut comprendre que nous sommes un bureau qui a 120 d’histoire, avec une clientèle très établie. On n’a pas besoin d’aller chercher 50 nouveaux clients par an. Si on peut avoir un ou deux nouveaux clients, parmi les grosses entreprises consommatrices de propriété intellectuelle, on est content. Comme on ne court pas 50 lièvres chaque année, on peut définir les bons clients.
Le plus gros actif du bureau c’est en réalité sa culture. On représente certains clients depuis 75 ou 100 ans, pour certains d’entre eux, on les a suivis sur plus de 30 000 dossiers. Alors, la stratégie du cabinet est constante, c’est qu’ils restent avec nous pour toujours. Pour cela, il faut être attentif à leur donner toujours le meilleur conseil, comme celui de régler une cause, même si cela fait perdre des honoraires considérables au cabinet.
Votre cabinet prévoit-il de grossir ?
Cette année, on prendra deux stagiaires. Mais notre stratégie ne se mesure pas en termes de croissance du nombre d’avocats. On veut être le meilleur bureau de propriété intellectuelle à Montréal. Nous sommes vingt aujourd’hui, si demain, pour y parvenir, il faut être quarante nous serons quarante.
Est-ce un enjeu de recruter pour votre cabinet ?
Nous cherchons des avocats avec une double compétence, scientifique notamment. Ils sont donc rares. Le recrutement est parfois également compliqué car les jeunes avocats craignent de se spécialiser dès leur début de pratique et nous, nous sommes ''super hard core''.
Votre cabinet est-il concurrentiel en terme de recrutement ?
Oui, les jeunes avocats sont très bien traités. Nous sommes parmi les bureaux qui payent le mieux et ils doivent faire 1 400 heures par an. D’ailleurs, je joue au Hockey avec de jeunes avocats d’autres bureaux. Quand ils me disent qu’ils facturent 2 200 heures par an, ça fait longtemps que je n’y crois plus.
Quelle sera votre politique de facturation en 2010 ?
On va s’adapter au marché et à l’économie, donc il n’y aura pas d’augmentation majeure.
Mais, en termes de tarifs et de prix, notre cabinet se situe dans la coche du haut. C’est la niche du cabinet. Si un client vient me voir pour un litige avec une limite de budget, on ne va pas le prendre. Nous sommes une entreprise ''top notche''. Moi, je fabrique et je vends des Porsche. Mais, à la fin, la qualité du service vaut le prix et le client le sait.