Coroner : la spécialiste des morts obscures

Theodora Navarro
2016-03-15 15:00:00

Pour être coroner, il est nécessaire d'être avocat, notaire ou médecin. Une opportunité pour celle qui est inscrite au Barreau depuis 1976. « Le seul moment où j'ai fait de la pratique privée, c'est lors de mon stage de troisième année... Dans les faits, je détestais le droit», confie-t-elle. Elle aurait préféré faire sciences politiques, mais ses parents, et un concours de circonstances, l'en dissuadent.
« J'avais déjà commencé la fac de droit lorsqu'ils ont confirmé mon inscription en sciences politiques, sur le coup, j'ai raccroché en disant que ce n'était plus la peine, et ensuite, j'étais catastrophée, j'avais l'impression d'avoir tout gâché! » Ses yeux rient lorsqu'elle se remémore ces instants, où elle était âgée de 17 ans à peine…
Attaché de presse de René Lévesque

Épuisée par le rythme, elle accepte alors avec enthousiasme sa nomination comme juge à la Commission des affaires sociales (l'actuel Tribunal Administratif du Québec) en 1985. Elle y restera douze ans. Douze ans durant lesquels elle travaille main dans la main avec un médecin, ainsi que le prévoit le fonctionnement de la Commission. « C'est là que j'ai appris les bases du système médical et du vocabulaire qui m'ont été nécessaires par la suite », estime Me Rudel-Tessier.
La psychologie en bandoulière

Mais le rôle du coroner, c'est aussi d'agir à titre préventif. « Lorsqu'on a retrouvé mort un élève autiste, enveloppé dans une couverture spéciale qui était souvent utilisée avec les enfants autistes, j'ai aussitôt appelé les entités qui pouvaient être concernées : vendeurs, organismes, etc. On n'avait pas encore les résultats de l'autopsie alors le mot d'ordre était : attention, prenez des précautions, ça peut poser des problèmes... » La santé publique reste au coeur de ses préoccupations.
Un rôle public
Lorsqu'elle est appelée pour un bébé décédé alors que ses parents pratiquaient avec lui le cododo (ndlr: pratique qui consiste à dormir dans son lit avec son bébé), elle prend le micro et s'exprime à la télévision pour toucher le plus grand nombre. « Certains de mes collègues détestent cet aspect public mais c'est parfois indispensable pour faire passer le message. »
Le plus dur reste parfois de garder ses distances psychologiques. « Pleurer en même temps qu'une mère endeuillée au téléphone, ce n'est pas rare pour moi! » Son goût pour la justice est aussi souvent celui qui la menait dans ses enquêtes.
« Comme pour ce bébé... J'avais la conviction que le père l'avait étouffé. J'ai multiplié les tentatives pour faire découvrir la vérité, mais sans succès. » Une ombre au tableau. Mais quel tableau! « C'est un privilège d'être coroner vous savez, si j'ai sauvé une seule vie alors j'aurais déjà fait quelque chose », sourit Me Rudel-Tessier.
Dans ses nouveaux costumes de coroner en chef, elle devrait lancer d'ici quelques mois un plan d'embauche. La relève, préparez-vous!