Entrevues

Et si vous deveniez fonctionnaire?

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éric Martel

2018-12-12 14:10:00

Le sous-ministre associé du ministère de la Justice veut que les juristes considèrent la voie publique avant de rêver aux grands cabinets.
Me Yan Paquette, souhaite que le travail de son équipe soit mieux connu et surtout mieux compris par la communauté juridique.
Me Yan Paquette, souhaite que le travail de son équipe soit mieux connu et surtout mieux compris par la communauté juridique.
L’archétype du fonctionnaire, c’est l’employé qui baigne dans une routine, travaillant dans un cadre peu stimulant et dans lequel les défis se font rares.

Me Yan Paquette, sous-ministre associé du ministère de la Justice, souhaite que ce cliché soit enrayé de la direction générale des affaires juridiques, législatives et de l'accès à la justice, où il dirige plus de 450 juristes.

« C’est tellement différent de cette vision! On imagine des journées prévisibles, où l’on sait ce qui va se passer du matin au soir. La réalité, c’est qu’il y en a pour tous les goûts. »

Rencontré au bureau du contentieux du Palais de justice de Montréal par Droit-Inc, le sous-ministre associé souhaite que le travail de son équipe soit mieux connu et surtout mieux compris par la communauté juridique.

En embauche continue pour combler des départs à la retraite, il veut que les juristes considèrent son ministère avant de rêver aux grands cabinets.

Pourquoi résister aux gros salaires que promettent les géants du monde du droit pour rejoindre le gouvernement?

« Il y a des attraits importants lorsqu’on travaille ici, dit-il. Les avantages sont intéressants. Les gens peuvent regarder le salaire, il n’est pas inintéressant. Moi, quand j’étais en pratique privée, je n’avais pas de fonds de pension, ni les avantages sociaux que j’ai ici. »

Des avantages différents, mais des défis tout autant intéressants attendent les juristes qui choisiront la voie publique, estime le sous-ministre associé .

« Pour quelqu’un qui est motivé, le défi sera de savoir s’arrêter parce qu’on a une tonne de défis ici, à tous les niveaux. »

Portefeuille d’expertises

Le sous-ministre associé rappelle que son ministère, c’est 20 divisions d’affaires juridiques et 25 000 mandats par année.

Passant de la rédaction législative de lois importantes, à la défense de ces lois devant les tribunaux, jusqu’à la participation à des commissions d’envergure, les mandats y sont variés.

« Les plus grands dossiers, on les fait. Nous sommes impliqués dans des actions collectives, des recours, des transactions commerciales… notre contentieux englobe une tonne d’expertises! »

Éducation, santé, famille, environnement, transport, culture, finance, affaires municipales…

Tous ces départements travaillent conjointement dans cet environnement où les expertises s’allient.

« On a besoin de tous les profils. Ce qui est génial, c’est qu’on a la capacité de plaire à une grande diversité de candidats. Quelqu’un qui préfère avoir un horaire de 35 heures par semaine pourra le faire ici, et dans ce 35 heures-là, rien n’indique qu’il n’aura pas des dossiers intéressants. »

De pitbull à chef d’orchestre

Me Yan Paquette croit que les étudiants en droit ne connaissent pas du tout les activités de son contentieux. D’ailleurs, si on lui avait lorsqu’il était à l’université qu’il travaillerait un jour au gouvernement, l’aurait-il cru lui-même?

« Pas du tout! Vraiment, pas du tout! En sachant que ça existe, les gens pourront mieux choisir le chemin qu’ils veulent prendre. »

À sa sortie de l’Université de Montréal en 1999, Me Paquette entame sa carrière chez McCarthy Tétrault. Près de six ans après y être entré, il passe à l’Autorité des marchés financiers, où il reste également six ans.

Il retourne ensuite dans le domaine privé, chez Langlois.

« Quand je me suis joint à un bureau de pratique privé, ça m’a aspiré, ça m’a étonné. Je n’aurais pas pensé que ça m’amènerait où je suis. »

Pourtant, moins de trois ans plus tard, le futur sous-ministre associé rejoignait le ministère de la Justice.

« Ce sont les défis qui m’ont attiré, un sens de l’État et un désir d’y participer, explique-t-il. J’ai l’impression que quand je me lève le matin, je ne défends pas des intérêts particuliers, mais le bien commun. Le sentiment de vouloir faire la différence m’anime chaque jour. »

Plusieurs personnes doivent tout de même trouver étrange que celui qui était comparé à un pitbull, en raison de son attitude en tant que plaideur, se trouve à la tête d’une aussi grande équipe.

« J’y allais à fond. Je me disais que tous les coups étaient permis… mais en réalité, la fin ne justifie pas les moyens, raconte-t-il. Je voyais ça avec un aspect romantique, c’était comme duel dans lequel le meilleur gagne. »

Petit à petit, le plaideur passionné a réalisé qu’ils croiserait à nouveau ses adversaires dans d’autres contextes, et qu’il était primordial pour lui de mieux canaliser sa passion afin de travailler dans le respect.

Aujourd’hui, il serait plus juste de le qualifier de chef d’orchestre.

« Je suis plus rassembleur. Je veux que mes juristes se développent au maximum, leur donner les conseils les plus adaptés. On est comme un grand orchestre : il faut créer de la musique et non de la cacophonie.»

Virage technologique

Le ministère de la Justice mène présentement un projet de transformation de la justice. L’objectif est de rendre celle-ci plus accessible, innovante et efficiente.

Ce sont 500 millions de dollars qui ont été partagés entre le ministère de la Justice, le Directeur des poursuites criminelles et pénales et le ministère de la Sécurité publique, qui ont comme objectif un virage technologique complété en 2022.

Un défi de taille considérant la vétusté des équipements actuels dans les palais de justice au Québec, dans lesquels une majeure partie de la communication s’effectue par fax.

« Pour avoir des outils technologiques, il faut avoir des infrastructures technologiques adaptées. À type d’exemple, si votre ordinateur a 15 ans et que vous essayez de mettre en place de nouvelles technologies dessus, ça ne fonctionnera pas. »

Parmi les changements visés, il y a le plumitif, qui date déjà de 1975. « Quelqu’un qui n’a jamais consulté le plumitif risque de ne pas comprendre ses informations », dit-il.

Le sous-ministre associé explique que celui-ci ne sera pas nécessairement modernisé, mais qu’une nouvelle technologie sera créée, qui sera plus accessible et compréhensible pour le citoyen.

Changer le droit

En plus de procéder à des changements technologiques majeurs, le ministère de la Justice veut intégrer des pratiques innovantes à son quotidien.

« On veut évaluer comment seuls les dossiers qui méritent d’être traités par notre système de justice le soient. »

La surjudiciarisation des dossiers concernant la toxicomanie et de santé mentale est notamment visée.

« Le droit doit évoluer. Il n’a pas peut-être pas évolué aussi vite qu’on l’aurait aimé. Avec ce qui c’est passé avec les délais en matière criminelle et pénale, avec certains arrêts de procédure, on doit maintenant faire les choses autrement. »

Et s’il n’en tient qu’à Me Paquette, la direction générale des affaires juridiques, législatives et de l'accès à la justice a un grand rôle à jouer dans ces changements.

« On participe à l’élaboration des lois. Nous aussi, on peut mettre en oeuvre les mesures alternatives. C’est sûr que maintenant, on doit faire la justice autrement ! »
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9 commentaires
  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 5 ans
    Anonyme
    Je suis professionnelle dans la fonction publique. J'ai réussi mes concours et je suis déclarée apte sur la liste des avocat(e)s. J'envoie ma candidature à tous les postes en promotion et pourtant depuis 1 an je ne suis même pas appelée en entrevue. Tout est une question de contact ce que je n'ai pas. Je crois aux mandats stimulants et enrichissants d'être une juriste de la fonction publique, mais on privilège les étudiants plutôt que ceux qui y sont déjà. Me Paquette devrait peut-être avoir une vision plus grande pour s'assurer d'une relève intéressée.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 5 ans
      Anonyme
      J’abonne dans le même sens.

    • De couleur
      De couleur
      il y a 5 ans
      Où sont ces emplois?
      Rest my case. Depuis 2000 que j'applique, que je réussis les concours et qu'au mieux, j'ai réussi à avoir 2 entrevues. On m'envoi es postes sans lien avec le droit. Je suis pourtant une femme, minorité, avec 3 diplômes en droit. Selon les stéréotypes, ces seules caractéristiques m'assureraient un emploi à vie au sein du gouvernement, mais niet. Rien à comprendre.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 5 ans
      C’est possible
      Transmettez vos cv aux directeurs. C’est plus facile de rentrer dans les organismes. Bonne chance c,est possible

  2. Avocate
    Avocate
    il y a 5 ans
    Quels emplois ?
    J'ai travaillé dans la fonction publique comme juriste, sur des postes précaires de remplacement de maternité, de contrat de 6 mois, 1 an...

    Je suis classée sur les listes, j'ai réussis les examens deux fois plutôt qu'une avec d'excellentes notes et je ne reçois jamais d'offre, alors que je suis dans les banques de recrutement. Tout ce qu'on me transmet, c'est des postes de professionnel en interprétation de lois, rédacteur de politique quelconque. Tous des postes qui sont des juristes déguisés qu'on paiera une fraction du salaire.

    La seule façon de rentrer à la fonction publique c'est d'y accéder comme étudiant ou de connaître quelqu'un en place. Ne me faites pas rire avec les embauches continues à cause des départs à la retraite. Ces offres là n'existent pas.

  3. anonyme
    anonyme
    il y a 5 ans
    poste de juriste? vraiment
    il n'y a pas vraiment de poste de juriste au ministère

  4. Avocat privé
    Avocat privé
    il y a 5 ans
    Pas une fausse nouvelle
    À tous ceux qui ont travaillé ou travaillent dans la fonction publique (ci-dessus) et qui croient que les poste de juriste sont une légende, je vous invite à réfléchir à ceci:

    Peut-être que le fait que vous occupiez un endroit sans lien avec le droit depuis plusieurs années vous pénalise. Demandez-vous si un cabinet privé prendrait le risque d'embaucher un avocat qui n'a pas pratiqué depuis aussi longtemps que vous. Et si vous avez travaillé comme "juriste déguisé", croyez-vous vraiment que le ministère de la Justice veut ou doit reconnaître votre expérience? Ou votre manque d'amour ou de convictions pour votre profession? D'ailleurs est-ce qu'un tel travail est légal? Respectez-vous votre code de déontologie et vos règles de pratique?

    Plusieurs de mes confrères sont passés récemment de la pratique privée au ministère de la justice ou au procureur général. Ils ne connaissaient pas leurs nouveaux collègues et n'y avaient pas de contacts. Mais il n'avait pas seulement un titre. Ils avaient surtout une expérience continue et pertinente depuis leur entrée au Barreau ainsi qu'une très grande compétence.

  5. Anonyme
    Anonyme
    il y a 5 ans
    Avocate publique
    J'ai siégé plusieurs fois sur des comités de sélection. Nous devons en effet tenir compte des expériences passées des candidats. Outre les juristes nouvellement assermentés, nous avons toujours des réticences à prendre un juriste qui a cessé de pratiquer pendant quelques années soit en ayant un poste de non juriste au sein de l'état ou parce qu'il exerçait des tâches autres que celles réservées à des juristes.
    Un juriste qui est resté trop longtemps sur la liste 105 a tout simplement fait un choix de carrière, malheureusement, autant le privé que le public aura de la misère à considérer sa candidature. Cela dit, j'encourage les étudiants à passer les examens et les concours... il est vrai nous devons remplacer des gens qui partent à la retraite. Bienvenue à la jeune relève.

  6. Anonyme
    Anonyme
    il y a 5 ans
    De 105 à 115
    En lisant les commentaires précédents, je me sens interpellé, car j'ai été plusieurs années un 105 (alors que j'étais membre du Barreau et sur les listes d'aptitude) avant devenir un 115. Je comprends la frustration de certains, mais je comprends aussi l'employeur de vouloir choisir les personnes qui correspondent aux postes offerts. Cela m'apparaît en adéquation directe avec le propos de ce sous-ministre associé qui souhaite que des avocats compétents et expérimentés choisissent la fonction publique. Ça prend les deux, pas juste le fait d'être au gouvernement ou sur les listes.

    Croyez-moi, c'est possible après plusieurs années d'être choisi; ça prend simplement la bonne expérience et le bon bagage pour le bon poste. On m'a choisi pour mon profil et mon expérience qui avaient un lien avec le poste. Mon cas n'est pas unique en passant.

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