Plus que la confiance
Karim Renno
2015-07-22 14:15:00
Dans cette affaire, les Appelantes se pourvoient à l'encontre d'un jugement qui a déclaré abusive, a annulé une clause d'un régime d’options d’achat d’actions, a ordonné à l’Appelante Premier Tech ltée d’émettre 207 619 actions de catégorie « B » à l’Intimé et de financer l’émission de ces 207 619 actions, et a ordonné à l’Appelante Gestion Bernard Bélanger ltée d’acheter ces 207 619 actions pour une somme de 1 926 704 dollars.
Le litige découle principalement du congédiement de l'Intimé. En effet, les Appelantes prennent la position que le texte du régime d'options d'achat d'actions est clair et que l'Intimé ne pouvait se prévaloir de celui-ci après son congédiement, indépendamment de la question de savoir si ce congédiement était justifié ou pas.
Puisque l'Intimé fait valoir en première instance que la clause pertinente du régime en question est abusive et que le comportement des Appelantes est oppressif, ces dernières font également valoir que le congédiement de l'Intimé a été fait pour cause juste et suffisante de sorte que ces questions ne sont pas pertinentes.
Plus spécifiquement, les Appelantes font valoir qu'elles ont perdu confiance en l'Intimé et que - puisqu'il occupait le poste de président de sa compagnie - une telle perte de confiance constituait une cause juste et suffisante de congédiement.
Le juge de première instance rejette ce moyen, tout comme une formation unanime de la Cour d'appel. L'Honorable juge Jean-François Émond, au nom de cette formation, souligne à cet égard que la perte de confiance - à elle seule - ne constitue pas une cause juste et suffisante de congédiement et qu'il faut retrouver un manquement grave et répété pour justifier une telle mesure:
(72) Elle plaide qu’il aurait commis une erreur de droit en examinant le congédiement de Dollo sous l’angle des critères de l’arrêt Costco, lesquels sont applicables à un cadre intermédiaire. Elle ajoute que le juge aurait dû s’inspirer des critères énoncés dans l’arrêt Sirois c. O’Neill qui, selon elle, énoncerait le principe voulant que le congédiement d’un haut dirigeant en raison d’une perte de confiance s’avère justifié.
(73) À mon avis, elle a tort.
(…)
(77) La notion de « motif sérieux » qui se trouve à l’article 2094 C.c.Q. s’applique à tous les salariés, quel que soit leur rang hiérarchique. Le motif sérieux ou la cause juste et suffisante pouvant justifier un congédiement sans délai-congé est un manquement grave et répété du salarié d’assumer ses obligations, lequel est déterminé en tenant compte des circonstances propres à chaque cas.
(78) La perte de confiance ne peut constituer, à elle seule, sans la preuve d’un manquement grave et répété, une « cause juste et suffisante » justifiant un congédiement sans indemnité, au sens de l’article 2094 C.c.Q.
(79) Je conviens que la rupture du lien de confiance envers un haut dirigeant peut être l'occasion de son congédiement. Cela n’a rien de surprenant, d’autant qu’en droit québécois, la résiliation unilatérale d’un contrat de travail à durée indéterminée est admise, même s’il n’existe aucun motif justifiant pareil congédiement. Toutefois, en un tel cas, l’employeur demeure tenu de verser une indemnité tenant lieu du délai-congé.
La question semble donc maintenant réglée.