La Presse

À votre santé!

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Rene Lewandowski

2010-03-19 10:15:00

En 25 ans, l'avocat Jean-Pierre Ménard est devenu la terreur des médecins et un messie pour des milliers de victimes du système de santé. Mais son cabinet est aussi un business florissant...
Eurêka! Quand Jean-Pierre Ménard a obtenu son barreau, en 1980, il s'apprêtait à devenir comme tous ses collègues universitaires: un avocat généraliste. C'est d'ailleurs ce qu'il a fait pendant quelques années, c'était la mode à l'époque de toucher un peu à tout. Jusqu'à ce qu'un beau jour, il ait une idée qui allait complètement chambouler sa carrière et la vie de milliers de Québécois.

Dans le modeste cabinet où il pratiquait, il avait eu l'occasion de défendre quelques patients victimes d'erreurs médicales, et s'était rendu compte à quel point ceux-ci étaient désavantagés, en termes de moyens, vis-à-vis des médecins qu'ils poursuivaient, eux qui bénéficiaient d'un fonds sans fin grâce à leurs assureurs. C'est là que le jeune avocat s'est dit: «Mais, il y a plein de gens mal servis par le milieu juridique, comment peut-on les aider?»

En 1985, il a donc fondé, avec sa conjointe Denise Martin, Ménard, Martin avocats, cabinet spécialisé en droit de la santé, exclusivement dédié à la défense des victimes d'erreurs médicales. Il fallait du culot pour se lancer dans pareille aventure, tellement le déséquilibre à l'époque entre les victimes et les médecins était grand. Mais Jean-Pierre Ménard y croyait.

Un quart de siècle plus tard, on peut dire pari réussi! Car Ménard Martin est devenu une véritable PME en droit de la santé. Dix-sept avocats y pratiquent à temps plein, tous des pros détenteurs d'une maîtrise (ou sur la pointe de l'obtenir) en droit de la santé, qui déposent chaque année entre 150 et 200 poursuites en responsabilité médicale. Un quasi-monopole en fait, puisqu'aujourd'hui, la moitié de toutes les poursuites contre les médecins déposées au Québec transitent par ce cabinet.

«Jamais je n'aurais pensé que notre cabinet aurait autant d'impact sur le système de santé», dit Jean-Pierre Ménard, 56 ans, alors qu'il reçoit La Presse dans ses bureaux de Montréal. Il ne se gène d'ailleurs pas pour dire ce qu'il pense. Cette semaine, il a fait une sortie publique pour dénoncer, encore une fois, les problèmes dans les urgences: son cabinet représentait les familles de quatre patients ayant perdu la vie après avoir trop attendu aux urgences.

Il est vrai que l'action de cet avocat et de son équipe a joué un rôle important dans le rééquilibrage des forces. Alors qu'au début des années 80, à peine 30% des patients victimes d'erreurs médicales étaient indemnisées, plus de la moitié (55%) le sont aujourd'hui. Un taux de succès qui grimpe à près de 80% pour les patients clients de Ménard Martin.

Objectif: réduire les coûts

Le modèle de ce cabinet est construit autour d'un concept simple: la réduction des coûts. On veut permettre à toutes les victimes du système de santé d'obtenir justice, c'est-à-dire réparation. C'est pourquoi on a éliminé tout ce qui est superflu pour se concentrer sur l'essentiel. Le cabinet est situé rue Hochelaga, coin Viau, en plein coeur d'Hochelaga-Maisonneuve, plutôt qu'au centre-ville où les loyers sont inabordables. Ici, pas de planchers de marbre ni d'oeuvres d'art hors de prix accrochées aux murs. Le décor est tout ce qu'il y a de plus simple.

Les tarifs sont accessibles. Me Ménard demande 250$ l'heure. S'il pratiquait dans un grand cabinet du centre-ville, il pourrait facilement commander le triple, dit-il. Et puis, il a toutes sortes de formules possibles, selon les moyens des clients; à rétribution mensuelle, à forfait, par une couverture indirecte de l'aide juridique et, bien sûr pour ce genre de causes, une partie à pourcentage des dommages obtenus. Au Québec, dans les causes d'erreurs médicales, les dommages varient de quelques milliers de dollars à trois, voire quatre millions de dollars.

Mais c'est surtout sur le plan du processus judiciaire que le cabinet se démarque. Du début à la fin d'un dossier, tout est contrôlé de manière à réduire les coûts. Voici comment ça marche.

Un dossier commence généralement par un appel d'un patient qui se croit victime d'une erreur médicale. Un avocat de garde répond à tous les appels dans les 24 heures; c'est lui qui, au téléphone, écoute l'histoire du client puis évalue s'il vaut la peine d'aller plus loin. S'il juge que oui, alors on fixe un rendez-vous.

Cette première rencontre coûte 290$. Elle dure près de deux heures. L'avocat pose des questions, explore l'histoire, évalue les chances de succès et si les dommages sont importants, assez en tout cas pour qu'il vaille la peine de poursuivre.

À la suite de cette première évaluation, les avocats confient le dossier à une infirmière - qui travaille à temps plein pour le cabinet. Elle reconstitue l'histoire chronologique des faits. Son rapport est ensuite confié à l'évaluation d'un expert, généralement un médecin, pigé dans une banque d'experts professionnels, et qui acceptera de témoigner si jamais le dossier se rend à l'étape du procès.

L'évaluation de l'expert est primordiale. Car il doit déterminer si le médecin visé a effectivement commis une faute, dans le sens où il s'est écarté des règles de l'art. La majorité des fautes consiste en des erreurs de diagnostic, des fautes de suivi, des fautes d'exécution technique. «Un médecin peut se tromper sans nécessairement commettre une faute, explique Jean-Pierre Ménard. Ce qu'il faut déterminer, c'est s'il a suivi ou non les bonnes procédures.»

À ce point, les avocats de Ménard Martin émettent une opinion juridique. S'ils jugent qu'il y a eu faute et qu'ils estiment les dommages importants, alors ils déposent immédiatement une requête introductive d'instance. Les procédures judiciaires ont commencé...
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13 commentaires
  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 14 ans
    Vous avez un problème ...
    - Vous avez un problème ? demande l'avocat,
    - Non, répond le quidam,
    - Mais si, vous avez bien un problème,
    - Euhh ...
    - Vous voyez que vous avez un problème, prenez ma carte et on va régler cela ensemble.

  2. Me
    Me
    Exiger une maîtrise pour plaider de la respo, c'est overkill pas mal...

  3. Anonyme
    Anonyme
    il y a 14 ans
    ll.b uqam
    Me Ménard = ll.b uqam 1978

  4. Anonyme
    Anonyme
    il y a 14 ans
    Re: Me
    >Exiger une maîtrise pour plaider de la respo, c'est overkill pas mal...

    Quand la psychologie a commencé à être saturée, on a exigé la maitrise pour être clinicien, et maintenant on demande le doctorat.

    Si on faisait la même chose avec les avocats, il y aurait moins d'ignares devant les tribunaux, et, éventuellement, assis sur le banc.

  5. Me
    Me
    Moins de 10% parmi nous plaident. Vous jugez qu'il faille davantage de LL.M. pour améliorer la compétence de certains parmi ces quelques 3000 consoeurs eu confrères? Alors pourriez-vous m'indiquer un LL.M. qui soit de nature à avoir quelque rapport, même de loin, avec la pratique devant les tribunaux?

    En toute honnêteté il y a un cancer plus dévastateur dans la profession que l'incompétence: c'est le collectionnage de diplômes. On le remarque de course aux stages en course aux stages. Et non, ça n'augmente pas la qualité des candidats...

  6. Anonyme
    Anonyme
    il y a 14 ans
    Re: Me
    >Alors pourriez-vous m'indiquer un LL.M. qui soit de nature à avoir quelque rapport, même de loin, avec la pratique devant les tribunaux?


    Un LL.M. qui ne se donne pas comme une surprise de boite de cracker-jack. En droit ou dans un domaine complémentaire. Seulement 10% des avocats plaident, mais il y a beaucoup de glands dans le 90% qui reste, et ça serait utile de faire du ménage là aussi. Donc, un LL.M. en guise de filtre, et non pour fournir des connaissances d'utilité immédiate.

  7. Anonyme
    Anonyme
    il y a 14 ans
    Filtres
    > Donc, un LL.M. en guise de filtre, et non pour fournir des connaissances d'utilité immédiate.

    Comme ils font dans les provinces de Common Law: exiger un bac avant de pouvoir être admis en droit. On devrait faire la même chose au Québec. Ç'a en éliminerait plusieurs, y compris des avocates qui participent à Big Brother.

  8. Anonyme
    Anonyme
    il y a 14 ans
    Re: Filtre
    >Comme ils font dans les provinces de Common Law: exiger un bac avant de pouvoir être admis en droit.


    ça me semble une mauvaise politique, car ça rend l'accès à la profession inutilement difficile pour les gens à revenus modestes.

    En exigeant une maitrise, les étudiants pauvres pourraient financer leur maitrise en travaillant en droit après le premier diplome, alors qu'en exiqeant un premier bac on leur ferait laver la vaisselle plus longtemps.


    L'exigence de la maitrise aurait une autre conséquence: au bout du parcours, on aurait des enfants de riches ayant faits leurs études d'un seul coup, et des gens qui auraient pris plus de temps mais qui auraient de l'expérience pratique. ça favoriserait la mobilité vers le haut dans les classes sociales.

  9. Me
    Me
    Ah bon? Vous trouvez que l'incompétence est moins prévalente dans les provinces de c.l. ?

  10. Me
    Me
    >>>>> En exigeant une maitrise, les étudiants pauvres pourraient financer leur maitrise en travaillant en droit après le premier diplome, alors qu'en exiqeant un premier bac on leur ferait laver la vaisselle plus longtemps.


    Je ne comprends absolument pas ce qui inspire en vous autant de confiance pour vous faire croire que les cabinets d'avocats seront disposés à offrir, globalement, plus d'heures et de postes aux étudiants avant leur stage...

  11. Me
    Me
    C'est carrément stupide. Dans le fond, ceux qui souhaitent une maîtrise sont séduits par les étampes dorées et font partie des gens exécrables qui trippent sur le collectionnisme de diplômes.

  12. anonyme
    anonyme
    il y a 14 ans
    anonyme
    je suis d'accord avec Me... ça n'a aucun sens.. la maitrise en santé de USherbrooke sert à expliquer comment fonctionne les rouages du système, peu utile pour un recours en respo. overkill est le bon mot.

  13. Me
    Me
    Je fais remarquer que parmi les avocats qui sont en défense, notamment ceux qui sont habitués avec la ACPM, bien peu ont cette maîtrise ou jugent que cela est nécessaire. Ceci expliquant cela.

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