La Presse

Des avocats dans la santé privée

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Rene Lewandowski

2011-12-05 10:15:00

Six ans après l'arrêt Chaoulli de la Cour suprême du Canada préparant le terrain à un système de santé parallèle au Québec, un nouveau créneau en droit des affaires commence tranquillement à émerger: le droit de la santé privée.
L'avocat Jacques Lemieux a un sacré sens du timing. Ou alors il a un pif d'enfer. Un samedi matin, en juin 2005, quelques jours seulement après que la Cour suprême eut rendu un jugement ouvrant la porte à la création d'un système parallèle de santé au Québec, il avait déjà rendez-vous avec trois médecins ayant pour projet d'ouvrir une clinique privée de chirurgies d'un jour.

«Je voulais leur expliquer les impacts possibles de l'arrêt Chaoulli et les occasions d'affaires qui en découleraient», raconte l'avocat de 45 ans, associé au cabinet Norton Rose, à Montréal. Pour lui, c'était l'évidence même, la Cour suprême venait de donner un bien bel élan à leur projet.

Il ne s'est pas trompé.

Me Jacques Lemieux s'est engouffré dans ce créneau en pleine croissance aujourd'hui
Me Jacques Lemieux s'est engouffré dans ce créneau en pleine croissance aujourd'hui
En décembre de la même année, le Groupe Opmédic faisait son entrée en Bourse par à un premier appel public à l'épargne (PAPE); six mois plus tard, une clinique de chirurgie privée était ouverte à Laval. Depuis, l'entreprise a ouvert d'autres centres de fertilité et en endoscopie digestive à Laval et à Québec. Hier soir, elle inaugurait une toute nouvelle clinique sur la Rive-Sud.

«Nous ne sommes pas dans le système public ici, ça ne prend pas deux ans pour prendre des décisions!», dit Jacques Lemieux, pour expliquer la croissance rapide de son client.

Un nouveau créneau

Si le jugement de la Cour suprême a ouvert la voie au privé en santé au Québec, elle pourrait bien aussi permettre l'émergence d'un tout nouveau créneau pour les avocats d'affaires. Pour l'instant, au Québec, ils sont une dizaine, tout au plus, comme Me Lemieux, à s'intéresser au secteur de la santé privée. Mais ils pourraient être beaucoup plus nombreux dans les années à venir.

En novembre 2006, au cours du premier sommet sur la privatisation des soins de santé au Québec tenu à Montréal, à peine trois ou quatre avocats d'affaires s'y étaient pointés. En 2008, au deuxième sommet, il y en avait une douzaine.

«C'est un marché de niche, mais qui va prendre de l'ampleur à mesure que le privé occupera plus de place dans le système de santé», dit Jacques Lemieux, qui consacre déjà près de 30% de son temps à cette pratique. Il explique qu'avec le vieillissement de la population et la rareté des ressources médicales dans le système public, une plus grande collaboration entre le privé et les gouvernements est à prévoir. Il fait aussi remarquer que ce genre d'activité requiert de gros capitaux et, donc, des avocats pour s'occuper de financement.

Comme le secteur est relativement nouveau au Québec, et sensible, politiquement parlant, un volet important du travail de l'avocat est de faire ce que Me Lemieux appelle de la vigie législative. Il faut constamment se tenir à jour sur les nouvelles lois en matière de santé, et analyser leurs impacts probables sur les clients, autant positifs que négatifs. Un avocat qui voudrait percer dans le domaine devrait donc se taper toute la législation amassée depuis des années et se garder constamment à la page. Possible, mais pas évident.

«Une barrière à l'entrée, en quelque sorte», dit Jacques Lemieux.

Une pratique diversifiée

Mais à quel genre de mandats juridiques les avocats peuvent-ils s'attendre? Pour le Groupe Opmédic, Jacques Lemieux touche à tout. Avec l'aide d'autres avocats de son bureau, en valeurs mobilières, il a représenté l'entreprise pour son entrée en Bourse. Il fait aussi du travail traditionnel en droit commercial: notices annuelles, circulaires de sollicitation de procuration, valeurs mobilières, etc. Pour l'ouverture de nouvelles cliniques, il y a du boulot en financement et en droit immobilier. Mais Groupe Opmédic n'est pas son unique client.

L'avocat compte aussi des entreprises dans le domaine des soins d'hébergement de longue durée, des fabricants d'équipement médical, des entreprises de consultation. Et des médecins, beaucoup de médecins. Depuis que le Code des professions (2007) leur permet de se constituer en compagnie, les médecins ont davantage besoin de services juridiques: pour créer des sociétés, pour des conventions d'actionnaires, pour du financement, pour des conseils fiscaux... Bref, de vrais hommes d'affaires!

Il y a aussi des spécificités propres au domaine de la santé. Par exemple, il faut concevoir et rédiger des ententes - des contrats - qui lient les entreprises privées aux médecins. Ce sont des contrats de service, essentiellement, qui dictent les règles de pratique médicale et de bonne conduite. Avec des clauses «qualité» et surtout de disponibilité. Car dans ces cliniques, les médecins travaillent surtout en «dehors des heures officielles», c'est-à-dire les soirs et les fins de semaine. Il faut donc des règles qui assurent leur présence.

Autre particularité, il n'y a pas de clauses de non-concurrence dans ce type de partenariat cliniques-médecins. Compréhensible, indique Jacques Lemieux. «Si un médecin décide de quitter la clinique, on ne peut pas empêcher un client de le suivre ailleurs.»
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