La French Connection de Bell
Rene Lewandowski
2011-12-16 10:15:00
Eh bien voilà! , 40 ans plus tard, la French Connection est de retour! Pas sur la glace, mais dans une version... avocats.
Un trio travaillant pour Bell formé au centre de Me Michel Lalande, et aux postes d'ailiers de Mes Martin Cossette et Geneviève Filion, vient de conduire son équipe à une éclatante victoire durant les négociations qui ont mené la semaine dernière à l'acquisition commune avec Rogers de Maple Leaf Sports and Entertainment (MLSE) pour une somme de 1,06 milliard de dollars. MLSE est propriétaire des Maple Leafs de Toronto, au hockey, ainsi que d'équipes professionnelles de basketball et de soccer.
Pendant plus d'une semaine, ces trois avocats québécois en fusions et acquisitions ont planché quasiment jour et nuit pour finaliser une des transactions les plus délicates de l'histoire. Une affaire qui a nécessité plus de 50 avocats (toutes parties confondues), la grande majorité en provenance de Toronto.
En langage de hockey, on appelle ça se défendre en désavantage numérique!
«Notre plus grand défi a été d'établir un climat de confiance entre tous les intervenants», dit le premier vice-président et chef du service juridique de Bell, Michel Lalande, qui, l'année dernière, avait aussi piloté juridiquement l'acquisition de CTV.
Si l'achat de CTV a été complexe, celui de MLSE a été délicat. Pour Bell, non seulement il fallait négocier avec Teachers', le vendeur, mais aussi, et surtout, avec Rogers, co-acheteur dans cette transaction, mais féroce concurrent le reste du temps. «Pas facile de se faire confiance quand habituellement on cherche à se chiper des clients», dit Michel Lalande.
Un cabinet neutre
Dès le départ, les deux rivaux se sont entendus pour être représentés conjointement - vis-à-vis du vendeur et KSI, l'autre actionnaire de MLSE - par un cabinet d'avocats «neutre», c'est-à-dire par une firme qui, habituellement dans ce genre de transaction, ne représente ni l'un ni l'autre. On a donc opté pour Blakes, un choix judicieux, puisque ce cabinet se classe, bon an, mal an, dans le top mondial des cabinets en fusions et acquisitions. Cela explique aussi pourquoi Blakes, avec plus d'une dizaine avocats sur le dossier, s'est taillé la part du lion sur cette vente.
Ensuite, Bell et Rogers ont chacun choisi leur propre cabinet pour les représenter dans leurs négociations l'un avec l'autre. Bell a opté pour Mccarthy Tétrault (comme lors de la transaction pour CTV); Rogers pour le torontois Torys, ainsi que Davies pour les questions liées au droit de la concurrence.
Pour Bell, la transaction a dû être menée sur plusieurs fronts. Il fallait négocier avec Teachers', avec Rogers, avec KSI... Et comme il fallait faire vite, on a dû négocier simultanément. Plusieurs salles étaient donc occupées, soit dans les bureaux de Blakes, ou de Goodmans - le cabinet de KSI -, à Toronto. Parfois, il pouvait y avoir jusqu'à 30 avocats dans une salle!
En tout, une douzaine de contrats majeurs ont été négociés, rédigés, révisés, conclus...
«Il s'agit d'une des plus intéressantes transactions à laquelle j'ai participé», dit l'ailier droit et chef adjoint du service juridique - fusions et acquisitions, Martin Cossette, 36 ans.
«Une expérience extraordinaire et passionnante», ajoute l'ailier gauche, la conseillère juridique Geneviève Filion, 27 ans.
Rogers et le CH
Avec Rogers, il fallait négocier la convention qui régirait les deux actionnaires de la nouvelle société commune, celle qui détiendra désormais 75% des actions de MLSE. Mais il fallait surtout trouver un mécanisme qui régirait pour le long terme les droits de diffusion des matchs sportifs (hockey, basket-ball, soccer). Car chacun des deux partenaires devrait pouvoir diffuser environ la moitié des meilleures et des moins bonnes parties.
Pour les trois avocats de Bell, il fallait aussi s'assurer que l'entreprise pouvait conserver sa participation dans le Canadien de Montréal, tout en devenant copropriétaire des Maple Leafs. On a donc décidé de faire participer la caisse de retraite de ses employés, une fiducie indépendante. En procédant ainsi, on évitait à Bell d'être un actionnaire de contrôle des Maple Leafs.
«Pour Bell, il n'était pas question de se départir de sa participation dans le CH», dit Michel Lalande, qui avait la responsabilité de bien expliquer aux dirigeants de Bell les règles de la LNH en matière de propriété. Plusieurs options ont été discutées, dit-il, mais celle choisie représentait la meilleure.
Une chose est sûre, les trois avocats québécois ont travaillé comme des dingues sur cette transaction, qui s'est conclue la semaine dernière au petit matin. Mais, pour eux, même si leur employeur est désormais propriétaire des Leafs de Toronto, pas question de prendre pour cette équipe.
«Moi, je serai toujours un fan du Canadien», dit Martin Cossette.