«Dans sa zone de confort, on n’avance pas!»
Dominique Tardif
2019-01-30 14:15:00
J’ai grandi dans une famille où l’on valorisait beaucoup la médecine. J’avais d’ailleurs travaillé dans les hôpitaux comme étudiante, et je réalisais que le milieu m’attirait moins : je me questionnais sur la qualité de vie qui allait de pair avec ces professions, et…j’avais failli tomber dans les ‘pommes’ en aidant un médecin à faire une section de veine, ce qui me laissait conclure que ce n’était peut-être pas ma tasse de thé!
Je suis allée en droit, d’abord et avant tout, pour y obtenir une formation générale, et non parce que j’avais des connaissances qui travaillaient dans le domaine. N’ayant pas encore décidé ce que je ferais dans la vie, mon sens pratique me poussait à faire quelque chose d’utile et qui m’offrirait de bons débouchés. Le droit me semblait par ailleurs être la base des relations sociales, sachant que la loi est souvent le résultat d’un contexte social survenu à un certain moment et ayant conduit au besoin de réglementer une situation. Une fois en droit…je me suis fait prendre à aimer cela! Plus j’avançais, plus j’étais intéressée!
2- Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?
Mon grand défi professionnel a été de choisir le domaine dans lequel je travaillerais. J’avais beaucoup de difficulté à arrêter mon choix sur un secteur de droit en particulier - tout m’intéresse! – et avais donc la crainte de faire de tout, de ne développer aucune expertise.
J’ai d’abord travaillé au sein du contentieux d’une municipalité comme stagiaire. L’expérience m’avait plu, mais je sentais que je voulais faire autre chose.
Ayant le goût de l’aventure et du voyage, je suis allée étudier en droit international. J’ai ensuite trouvé un poste dans petite firme où j’y ai fait du droit commercial international. Le travail m’apportait son lot de défis, mais j’étais toujours à l’étranger, si bien que ça devenait difficile pour ma vie personnelle et sociale aussi bien que pour la gestion de mes autres dossiers en mon absence.
Ce fut donc un choix déchirant pour moi, parce que j’aimais ce que je faisais, que de faire un « pas de côté » pour me joindre à Ultramar : j’allais désormais faire du droit corporatif. Si je me disais alors que je retournerais ensuite en pratique privée, mais dans un autre domaine, un changement au sein du département juridique m’a amenée à faire plus de droit commercial, puis ensuite à passer chez Shell.
3- Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?
Si j’avais une baguette magique, j’améliorerais l’accessibilité à la justice. Un conflit judiciaire est souvent très coûteux : non seulement le dossier implique-t-il des coûts, mais les gens d’affaires qui y passent beaucoup d’énergie ne font pas, pendant ce temps, ce pour quoi ils ont été engagés. L’impact possible sur la réputation et les délais sont aussi évidemment des enjeux, de sorte que des décisions économiques sont parfois prises au détriment des droits.
La situation explique notamment mon grand intérêt pour la prévention et le règlement des différends, qu’il s’agisse de médiation ou d’arbitrage. Dans une société où l’anonymat et le manque de loyauté font en sorte que tout est plus facilement sujet à conflit, la prévention et le règlement des différends sont des démarches qui amènent un réel bénéfice sur le bien-être corporatif que ressentent les clients. Plutôt que de se voir imposer la solution par un tiers, ils y participent et ont le sentiment de garder les rênes et une partie du contrôle sur le résultat.
4- La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?
Il est difficile de dire si les choses sont mieux ou pires qu’avant. Je pense, cela dit, que notaires et juges ont cette aura de neutralité qui favorise évidemment une perception positive. Les avocats, eux, doivent prendre parti, et celui qui perd sa cause est probablement plus sujet à en tirer des conclusions négatives que celui qui la gagne.
La perception dépend aussi beaucoup des expériences de chacun et de ce qui est médiatisé. Il est par exemple difficile pour certains de bien comprendre la présomption d’innocence en matière criminelle, et dur à accepter qu’en affaires, le ‘plus petit’ a peut-être moins de chances que ‘le plus gros’ vu ses moyens financiers et les ressources à sa portée.
Il est d’autant plus nécessaire, pour nous avocats, de travailler en respectant les règles du jeu, en ayant pour objectif que justice soit rendue. Nous sommes ambassadeurs de la justice, et devons « être prêts à servir ». Les gens qui sont traités avec respect ou qui ont le sentiment d’avoir plus de contrôle sur leur destinée ont plus facilement l’impression que justice a été rendue. L’avocat peut aider son client à cheminer pour lui permettre de choisir, ou à tout le moins de négocier, sa solution.
5- Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière et cherchant à se démarquer?
Il n’y a pas de recette magique, mais, chose certaine, il faut montrer de l’ouverture d’esprit. On a trop souvent un objectif précis en tête, et on est souvent déçu de ne pas l’atteindre assez rapidement. Pourtant, il faut parfois faire des détours pour arriver à nos fins. Faire preuve d’ouverture d’esprit peut nous inciter à tenter notre chance sur quelque chose qui semble à prime abord moins pertinent, mais qui devient une opportunité.
Rappelons-nous : « Qui on connaît est beaucoup plus important que ce que l’on connaît ». Avoir un réseau, c’est important, et je ne pense pas ici seulement à un réseau composé de vice-présidents et de « gens importants ». Dans mon cas, ceux qui m’ont apporté le plus sont ceux qui ont été exigeants envers moi, qui m’ont forcée à me remettre en question et à devenir meilleure. Quand on est toujours dans sa zone de confort à se faire dire qu’on est bon, on n’avance pas. On se pense bon, mais on est vulnérable.
Enfin, je crois que connaître les gens et être à leur écoute est primordial. On parle tellement, et on écoute si peu!
Le dernier bon livre qu’elle a lu : Latitude zéro (auteur : Mike Horne)
Le dernier bon film qu’elle a vu? La vita è bella (réalisateur : Roberto Benigni)
Fan de musique classique, elle ne se lasse pas… des six suites pour violoncelle seul (compositeur : Jean-Sébastien Bach)
Sa citation préférée? Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin.
Son péché mignon : S’asseoir dans le chœur de l’OSM pour entendre un concert et lui permettre de voir le chef d’orchestre qui dirige, surtout quand il s’agit de Kent Nagano!
Son restaurant préféré : La table de son fils!
Le pays qu’elle aimerait visiter : Le Costa Rica, pour ses oiseaux colorés.
Le personnage qu’elle admire le plus et pourquoi : Barack Obama, pour son sens de l’altruisme, son authenticité, son humanisme et le fait qu’il a toujours su demeurer « connecté » avec la réalité.
Si elle n’était pas avocate, elle serait… sans doute musicienne, elle qui joue si bien du violon!
Me Bélanger siège au sein du Comité consultatif de médiation de RDS, étant responsable du soutien à ses pairs en matière de médiation comme mode de résolution de conflits.
Elle siège également à un Comité de travail du International Task Force on Mixed Modes Dispute Resolution dédié au développement du rôle du médiateur comme conseiller de processus pour la résolution de conflits. Il s’agit d’une initiative conjointe du College of Commercial Arbitrators (CCA), International Mediation Institute (IMI) et du Strauss Institute for Dispute Resolution-Pepperdine Law School réunissant 50 praticiens et académiciens de six continents et visant la promotion de l’utilisation mixte des processus de résolution de conflits.
Avant 1987, Me Bélanger a pratiqué en droit commercial international, domaine de ses études à l’Université McGill.
Parallèlement à sa pratique au sein de Shell Canada, elle poursuit présentement ses études de maîtrise au programme de Prévention et Règlement des différends de la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke.