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L’avocat qui prône l’écoute et l’économie de mots

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Dominique Tardif

2018-06-27 15:00:00

Cette semaine, Dominique Tardif, de ZSA, s’entretient avec Me Dominic Paradis, vice-président, affaires juridiques et secrétaire corporatif chez Banque Nationale du Canada...
Me Dominic Paradis
Me Dominic Paradis
1- Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocat plutôt que de choisir un autre métier ou encore une autre profession?

Plus jeune, j’avais une facilité pour les lettres, mais j’aimais aussi les chiffres : j’étais donc un peu déchiré! Quand est venu le temps d’appliquer à l’université, j’ai posé ma candidature en droit et en administration. N’étant pas encore décidé quant à ce que je voulais faire ultimement et sachant que “le droit menait à tout”, je me suis dit que c’était la discipline qui me donnait probablement le plus d’options. Je m’intéressais quand même toujours à la finance et, pendant le baccalauréat, je prenais mes cours optionnels en administration.

Après un stage chez Lavery, j’ai pratiqué en valeurs mobilières chez BCF. Si j’aimais le secteur, je constatais que la pratique du droit en cabinet ne me comblait pas tout à fait. J’ai donc voulu essayer autre chose. C’est à ce moment que j’ai été banquier, en succursale, pour la BNC. Je réalise aujourd’hui que ce fut extrêmement formateur dans mon développement : j’y ai appris à interagir avec les gens, à m’intéresser à l’entrepreneuriat et aux idées, etc. Cela dit, je trouvais que j’avais quitté le droit un peu tôt, et suis donc passé à l’AMF puis ensuite à la Banque dans des fonctions juridiques, mariant ainsi depuis mes deux intérêts, le droit et la finance.


2- Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?

J’ai certainement eu la chance de travailler dans de très beaux et stimulants dossiers, dont celui entourant la crise du papier commercial. Cela dit, mon plus grand défi, c’est en ce moment que je le vis, à savoir dans mon poste de vice-président des affaires juridiques et secrétaire de la BNC.

Nous vivons, en effet, plusieurs transformations sans précédent, et mon rôle est d’accompagner les membres de mon groupe à travers celles-ci. Pensons ici à la transformation numérique ou à la transformation démographique, qui fait en sorte que nous compterons bientôt autant de millenials que de babyboomers. La transformation climatique amène, elle aussi, son lot de changements, comme elle peut, par exemple, impacter la stratégie de la Banque à titre d’entreprise.

La transformation est aussi vécue à l’interne : les choses – et même dans une banque! – sont beaucoup moins hiérarchiques qu’avant. On travaille davantage dans l’informel et on augmente ainsi le pouvoir d’agir des gens. On recherche aussi plus de communication et davantage de complicité. Ceux qui performent le mieux, actuellement, sont généralement ceux qui ont une facilité à influencer et écouter.

La transformation est aussi vécue avec l’ère du “sans papier” et du travail à aires ouvertes, qu’on soit debout ou assis, chez soi ou au bureau. Pour un avocat, la pensée de travailler sans même parfois avoir un crayon à la main, c’est assez nouveau! Les documents sont aujourd’hui sur le cloud, et l’information est donc démocratisée. Pour les gens curieux et ceux qui veulent absorber beaucoup d’information, c’est un contexte extrêmement intéressant; pour d’autres, cela peut parfois être essoufflant.

Tout cela fait en sorte qu’on passe ainsi plus de temps à se demander « comment être » que « comment faire ». En prenant pour acquis que tout le monde est expert dans son domaine, on parle donc plus de comment on se comporte, comment on convainc et comment on écoute. Pour un avocat habitué à réfléchir seul dans son bureau, ça peut être déstabilisant!

Mon défi est donc de trouver la façon d’être un leader qui sait rallier un groupe de 80 personnes vers un but commun dans un contexte de transformation. Le défi réside, en d’autres mots, dans la capacité à amener les autres, qui n’y sont pas encore, jusque-là. C’est d’aider les gens à s’adapter au changement en donnant les bons outils, et sachant que certains (incluant les avocats) ont besoin de plus de temps que d’autres pour arriver à l’objectif. Il faut simplement trouver le bon tempo, le bon rythme et le bon levier.


3- Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?

Si j’avais une baguette magique, je changerais les choses pour davantage de simplicité. J’allégerais le fardeau réglementaire pour mieux accompagner nos lignes d’affaires, l’innovation, etc.

Je ferais aussi en sorte qu’on « puisse dire les choses avec moins de mots ». En droit civil, et par opposition à la common law qui est beaucoup plus lourde sur le plan de la rédaction (et non du fond, entendons-nous bien ici!), nous avons ce talent à résumer des choses et à faire ressortir l’essentiel.

Je crois aussi que la technologie pourrait encore davantage nous servir de levier pour mieux communiquer ensemble.

Enfin, je ferais en sorte qu’il y ait moins de débats contradictoires et davantage de discussions candides. Il est important de ne pas toujours imposer sa façon de voir les choses. Je crois, en ce sens, qu’on aurait tous avantage à écouter plus, plutôt que de sauter sans réfléchir sur la nécessité de convaincre ou de débattre de son idée.


4- La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?

Je crois que la perception est meilleure que lorsque j’ai débuté. Depuis 2008, l’éthique, l’intégrité et le “bon sens en affaires” sont des traits très recherchés chez les professionnels. Aucune entreprise ne peut s’en passer, et les avocats ont ce profil en grand nombre.

Je crois aussi que les avocats ont un certain talent pour capter l’essentiel, ce qui est un atout non négligeable dans le contexte de la très grande disponibilité de l’information que l’on connaît actuellement.

Conséquence : le talent de l’avocat peut être encore davantage mis à profit qu’avant.

Le fait qu’on aille de moins en moins à la cour et que l’image de l’avocat change en conséquence y est aussi pour quelque chose, diminuant le niveau de cynisme envers la profession. En parallèle, notre influence, notre contribution et notre sentiment d’accomplissement comme avocat interne augmentent.


5- Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière et souhaitant gravir les échelons et être un jour à la tête des affaires juridiques d’une entreprise, comme vous?

Être curieux et vouloir comprendre ce qui m’entoure – tant les gens que les objets et phénomènes – sont deux choses qui m’ont pour ma part bien servi.

Je pense aussi que de questionner les “sages”, à savoir les gens plus expérimentés autour de nous, et qui ont du vécu, est une chose bénéfique. Demandez-leur ce qu’ils auraient aimé savoir plus jeunes, quelles erreurs ils ont commises, quels conseils ils ont à donner. Il est rare que les gens offrent ces informations d’eux-mêmes, mais ils sont très généreux de leur temps lorsqu’on leur pose la question.

À l’ère du numérique, on présume parfois qu’on peut facilement comprendre quelque chose en lisant l’information disponible, alors que la sagesse ne se lit pas toujours. Il est important de garder un équilibre, et d’avoir des contacts et de faire preuve d’écoute.

Être jeune signifie souvent être ambitieux, énergique et penser qu’on peut tout faire, mais prendre un peu de recul nous permet souvent d’avancer plus vite après!

  • Le dernier bon livre qu’il a lu : Principles : Life and Work (auteur : Ray Dalio)

  • Le dernier bon film qu’il a vu : Unbroken-l’histoire de Louis Zamperini (réalisatrice : Angelina Jolie)

  • Il adore... la discographie de Coldplay!

  • Ses citations préférées? « On reconnaît un capitaine dans la tempête. » et « Il faut la pluie pour voir l’arc-en-ciel. »

  • Son péché mignon : la lecture!

  • Son restaurant préféré : Louis IV aurait aimé (St-Bruno)

  • Le pays qu’il aimerait visiter : l’Autriche

  • Le personnage historique qu’il admire le plus et pourquoi : Enerst Shackelton, un grand leader et explorateur dont l’histoire extrême (l’expédition Endurance) nous enseigne d’être résilient.



  • Membre du Barreau du Québec depuis 20 ans, Me Dominic Paradis travaille aux affaires juridiques de la Banque Nationale depuis 2003. En 2014, après avoir assumé différentes responsabilités à titre de cadre au fil des ans, il a été promu au poste de vice-président, affaires juridiques et secrétaire corporatif.

    Avant de se joindre à la Banque, il a été conseiller juridique en matière de fusions et d’acquisitions pour la Commission des valeurs mobilières du Québec (devenue l’Autorité des marchés financiers). Au début de sa carrière, il a travaillé brièvement en droit des valeurs mobilières en cabinet privé, en plus d’avoir été directeur de comptes PME, à la Banque Nationale.

    Bénévolat et activités
  • Membre du conseil d’administration de la fondation Le Phare Enfants et Familles (2017)

  • Membre de l’exécutif de la division Firmes professionnelles de la campagne Centraide (2017)

  • Co-président de la Classique de golf Rêves d’enfants (2016)

  • Président du Club de Ski Bromont (2012-2015)

  • Chargé de cours, Faculté de droit Université de Sherbrooke et de l’Université de Montréal (2005-2014)

  • Enseignement au Barreau du Québec (2008-2010)

  • Secrétaire du Syndicat des copropriétaires-Piedmont, Stoneham (2005-2008)

  • Vice-président du CA du CPE Matin-Soleil, Varennes (2002-2005)




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