«N’attendez pas, allez au devant des choses»
Dominique Tardif
2015-08-27 14:15:00
Au cégep, j’ai fait les sciences pures avec pour objectif de m’ouvrir le plus de portes possible. Même si j’avais de la facilité dans le domaine et que je venais d’une famille comptant plusieurs ingénieurs, j’ai pourtant décidé d’appliquer en affaires et en droit.
J’avais développé un réel intérêt pour la politique étrangère : déjà très jeune, j’écoutais les nouvelles pour savoir ce qui se passait à l’étranger. Opter pour un parcours en droit était une façon de me diriger dans cette direction, comme je pensais ensuite poursuivre avec des études supérieures et que je rêvais d’intégrer les organisations internationales et de m’orienter vers la diplomatie.
Après le Barreau, j’ai fait mon stage au Fonds de solidarité FTQ. C’est alors que j’ai touché au capital de risque, en ayant la chance de travailler sur des dossiers du début à la fin. J’ai adoré…et suis donc resté dans ce domaine et en droit des affaires depuis, avec une spécialisation en droit transactionnel et valeurs mobilières.
2. Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière ?
Mon plus grand défi professionnel a jusqu’ici été de faire la transition du rôle d’avocat de pratique privée vers le rôle d’avocat interne. Dans mon cas, tout cela s’est fait dans des circonstances pour le moins particulières. J’avais en effet annoncé ma décision de quitter mon cabinet pour me joindre à un des clients que je desservais, Neptune Technologies & Bioressources Inc.
De retour d’un lunch avec mes collègues, qui voulaient souligner mon départ prochain, j’apprends que j’ai reçu un appel du chef de la direction financière de Neptune dans lequel il me demandait d’appeler la Bourse et de faire arrêter les transactions en raison de l’explosion de l’usine. La chose paraissait tellement invraisemblable qu’on se demandait s’il s’agissait d’une blague qu’on me faisait en tant que nouvelle recrue…! Mais non !
J’ai donc effectivement, après avoir confirmé les choses, appelé la Bourse et offert mon aide à la compagnie. Le lendemain de l’explosion de l’usine, le plus grave accident industriel des 25 dernières années au Québec, l’accident faisait la une de La Presse. Compte tenu des circonstances, j’ai écourté les choses au cabinet et me suis présenté chez Neptune une semaine plus tôt que prévu.
Le défi comportait plusieurs facettes à dimension très humaine : il me fallait non seulement créer ma place au sein de la société et ajuster mon rôle à celui d’un avocat en entreprise, mais aussi accompagner l’entreprise dans sa phase de reconstruction et de relance tout en faisant face à des changements organisationnels profonds. Entre la participation au nouveau plan d’affaires et la gestion des réclamations d’assurances et risques de poursuite, j’ai joint l’équipe de direction et occupé les fonctions de secrétaire du conseil et de ses comités pendant cette importante phase de transition.
3. Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit ?
Il est important de travailler au quotidien avec un cabinet qui accepte de partager le risque avec l’entreprise et qui est capable de gérer certains imprévus. En ce sens, beaucoup de progrès ont été faits : des modes alternatifs de paiement ont été développés, que ce soit à forfait ou encore à commission, notamment.
Cela dit, ce que je changerais d’un coup de baguette magique serait de permettre aux avocats d’exercer n’importe où sur la planète ! Ne serait-il pas intéressant et enrichissant – même si pas nécessairement réaliste, mais puisqu’on parle de baguette magique…! – de pouvoir faire son droit, devenir avocat et avoir la possibilité d’exercer son métier partout dans le monde ?!?
4. La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique ? Et pourquoi, à votre avis ?
Je pratique depuis bientôt dix ans et je n’ai pas vraiment senti de changement sur ce plan. Les intervenants avec qui je pratique au quotidien, qu’il s’agisse notamment de comptables, d’investment bankers ou de gens de la haute direction, me démontrent que le rôle de l’avocat est valorisé. Je sens qu’ils « font une place » à l’avocat dans les dossiers et qu’ils ont une perception positive de la valeur ajoutée qui peut être apportée. Le public fait parfois, il est vrai, preuve d’une certaine méfiance envers la profession, bien que les commentaires soient en général faits à la blague.
5. Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière et voulant réussir comme avocat d’entreprise ?
Je dirais probablement qu’il ne faut pas attendre de trouver un mentor qui nous « tiendra par la main » et nous montrera tous les trucs du métier. J’avais au départ cette fausse perception à l’effet que les avocats seniors avaient pour rôle de tout enseigner aux plus jeunes jusqu’à ce qu’ils deviennent autonomes. Mon conseil, aujourd’hui ? Ne pas attendre et aller au-devant des choses, en trouvant l’information par soi-même.
On m’a un jour dit qu’il y avait deux types de stagiaires : ceux qui attendaient dans le cadre de porte d’un senior pour qu’il se libère et leur explique, et ceux qui faisaient leur propre recherche et n’allaient demander que lorsqu’ils ne pouvaient plus avancer. A mon avis, on réussit en faisant preuve d’initiative, en cherchant les informations, en palliant à nos lacunes et en misant sur nos forces.
En vrac…
• Le dernier bon livre qu’il a lu : Toute l’histoire du monde (auteur : Jean-Claude Barreau). Il relirait par ailleurs volontiers ‘1984’ (auteur : George Orwell).
• Le dernier bon film qu’il a vu : Le dernier Mission impossible : La Nation Rogue (réalisateur : Christopher McQuarrie).
• Son groupe de musique préféré : Tool
• Son diction préféré – Un esprit sain dans un corps sain.
• Son péché mignon – Passer du temps en nature !
• Son restaurant préféré – Béni Hana Cuisine Japonaise (rue Sherbrooke Est).
• Les pays qu’il aimerait mieux connaître – La France et l’Italie.
• Le personnage historique qu’il admire le plus – Gandhi, un bel exemple pour n’importe quel homme politique, qui a libéré un peuple de façon pacifique. En plus, c’était un avocat !
• S’il n’était pas avocat, il serait… guide hors-piste de planche à neige!
Relevant du président et chef de la Direction, il est membre de l’équipe de direction et occupe les fonctions de secrétaire du conseil d’administration et de ses comités. Il conseille les sociétés sur divers dossiers touchant au financement, aux valeurs mobilières, à la régie d’entreprise et aux stratégies d’affaires.
Avant de se joindre à Neptune en 2012, Me Bélanger était associé au sein d’un cabinet-boutique montréalais spécialisé en droit des affaires. Sa pratique portait essentiellement sur les valeurs mobilières et le financement des sociétés.
Me Bélanger est membre du Barreau du Québec depuis 2006. Récemment finaliste à l’édition 2015 des Canadian General Counsel Awards sous la catégorie « Leader de demain », il fut également le plus jeune récipiendaire d’un certificat d’excellence décerné en 2011 pour son engagement exceptionnel envers le Montréal Inc. de demain (anciennement la Fondation du Maire).