Porter plusieurs casquettes
Dominique Tardif
2014-03-12 14:15:00
La petite histoire veut que j’aie grandi dans une maison où ma mère était très volubile. Le seul moment où le silence primait vraiment était quand elle écoutant l’émission de Perry Mason!, dit-il en riant. C’est justement de là que j’ai pris ma première inspiration pour le droit : si une profession pouvait faire taire ma mère, je pouvais moi-même m’y diriger pour avoir un jour la chance de pouvoir dire quelque chose!!! , ajoute-t-il.
Plus sérieusement - et en dehors de Perry Mason -, j’ai, alors que j’étais au Cégep, assisté à une conférence d’Ian Sinclair, alors président de Canadien Pacific. C’est un peu ironique, considérant le domaine dans lequel je travaille aujourd’hui! Une chose m’avait frappé pendant son discours : il affirmait que ce qui lui avait permis de devenir président était sa formation en droit. En effet, la formation en droit et la pratique permettaient d’acquérir deux choses essentielles selon lui, à savoir la capacité d’analyse et de synthèse, d’une part, et l’aptitude à communiquer clairement et sans ambages son opinion et sa vision des choses, d’autre part. Son discours m’a certainement donné envie de devenir avocat en entreprise.
2. Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?
Ma plus grande réalisation professionnelle a été de voir évoluer vers des postes de haute direction des gens que j’ai identifiés ou embauchés, à qui je me suis associé ou qui ont travaillé sous ma supervision. Quand on embauche quelqu’un, on ne sait pas toujours ce que l’avenir nous réserve; il y a une part de ‘jeu de chance’ dans tout cela. J’ai cependant, pour ma part, eu l’occasion de travailler avec des gens qui ont atteint de grands sommets dans le monde des affaires.
Mon plus grand défi, quant à lui, a été de m’assurer de côtoyer, tout au long de ma carrière, ces gens qui développent une ambition personnelle et qui ‘se lèvent le matin avec une volonté de faire des choses’. Je trouve ces gens inspirants et stimulants; ce sont par ailleurs souvent des individus qui sont curieux intellectuellement et qui ont un haut niveau d’énergie. Il s’agit d’un défi puisque la plupart des gens cherchent à devenir meilleur dans ce qu’ils font, sans pour autant rêver de gravir les sommets ou de devenir président de leur organisation. L’ambition, ai-je réalisé, tu nais ou non avec cela; ça ne s’achète tout simplement pas!
3. Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?
J’éliminerais la facturation à l’heure, qui est une incongruité du monde professionnel surtout limitée, d’ailleurs, aux avocats. On facture à l’acte en médecine, en ingénierie, en comptabilité et en conseil stratégique mais, pour une raison quelconque, ce n’est toujours pas le cas en droit. Il n’est conséquemment pas possible pour quelqu’un qui retient les services d’un avocat de savoir combien il en coûtera exactement.
À mon avis, cette façon de procéder n’est pas à l’avantage de notre profession. En effet, il y aurait davantage de travail confié aux avocats si les gens avaient une idée du prix des services qu’ils se procuraient. Ma propre expérience du monde des affaires me fait conclure que la certitude amène toujours plus d’opportunités que l’inverse. Face à l’incertain, l’humain hésite et trouve d’autres façons de parvenir à ses fins. Transposé à la réalité d’un chef de contentieux, cela signifie que moins de travail est envoyé aux avocats externes. Pourquoi? Parce que l’incertitude peut parfois créer plus de problèmes à l’interne qu’une capacité de prévoir, de budgéter et de gérer ses dépenses.
4. La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?
Je ne crois pas que les choses aient vraiment changé. De par leur personnalité, les avocats sont des «cibles faciles»: ils tendent à démontrer une certaine confiance, ont le mot facile, un langage clair mais aussi parfois un peu étroit, ce qui peut être identifié à tort comme de l’arrogance. Comme les médecins écrivent les prescriptions à leur manière, les avocats gagnent leur vie avec les mots; ils ne sont donc pas toujours faciles à comprendre pour les gens qui sont étrangers au milieu.
Même s’ils prêtent donc facilement flanc à la critique, ils se sont peu à peu fait rattraper par les gens du monde des affaires et de la politique. Les avocats se retrouvent aujourd’hui dans une situation où ils ne sont ni plus ni moins critiqués qu’ils ne l’étaient avant, mais où ils ne sont plus aussi seuls à l’être.
5. Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière et souhaitant devenir un avocat d‘affaires à la tête d’un département des affaires juridiques, comme vous?
D’abord, il faut de l’ambition. Une fois cela en poche, il faut prendre les moyens de compléter et ‘d’arrondir’ sa formation et son expertise en acceptant des responsabilités autres que celles strictement liées au domaine juridique.
Pour ma part, après avoir travaillé cinq ans comme avocat chez IBM, j’ai été muté au service des ventes & du marketing de l’entreprise, puis ai successivement travaillé comme informaticien, directeur de comptes, représentant et directeur de produits…jusqu’à ce qu’on me nomme vice-président des affaires juridiques d’une filiale. Pour gravir les échelons, il fallait «avoir porté le sac». J’ai ainsi fait, en l’espace de deux ans, des choses que d’autres font pendant bien plus longtemps; cela m’a malgré tout permis de mieux comprendre la réalité d’affaires de l’entreprise. Comme représentant, ton salaire devient lié à ta commission et à tes ventes; en marketing, ta stratégie repose sur tes idées, etc...
En occupant des rôles différents, tu apprends aussi à développer ton humilité : contrairement à lorsque tu agis comme avocat, ton opinion sur ces autres rôles n’a plus le même poids, puisqu’elle n’est soudain pas fondée sur la loi. Elle vaut alors celle des autres, qui ne sont pas toujours d’accord avec toi. J’ai beaucoup bénéficié de cet apprentissage à l’époque. En autant qu’on sache gérer sa carrière et qu’on s’assure de pouvoir éventuellement revenir au droit, on peut beaucoup profiter de l’occasion d’être muté au sein d’autres secteurs de l’entreprise.
La capacité à évoluer comme avocat d’affaires repose aussi, à mon avis, en bonne partie sur l’aptitude à synthétiser beaucoup d’information et à la communiquer. Dans tous les postes de gestion que j’ai occupés et dans toutes les entreprises que j’ai gérées, la capacité à consommer de grandes quantités d’informations, à en saisir l’essentiel, à développer une vision et à communiquer de façon à ce que les gens te suivent était essentielle.
En vrac…
• Le dernier bon livre qu’il a lu – A New Earth: Awakening to Your Life’s Purpose (auteur : Eckhart Tolle)
• Il adore: The Sound of Music (réalisateur : Richard Rodgers et Oscar Hammerstein II.
• Il a récemment vu : La grande beauté (réalisateur : Paolo Sorrentino).
• Il est un fan….des Rolling stones, et aime beaucoup, sur une toute autre note, la chanson Edelweiss.
• Son diction préféré – Comme disait son père : « Le succès n’est pas un résultat, c’est un effort ».
• Ses péchés mignons – le chocolat noir et la musique « live ».
• Son restaurant préféré? Il aime, encore plus que les restaurants, faire la cuisine à deux!
• Sa ville préférée – New York, pour l’énergie incroyable que dégage la ville. «On a l’impression qu’on pourrait révolutionner le monde et que tout est possible »
• Le personnage historique qu’il admire le plus (et pourquoi?) – Winston Churchill, parce qu’il a su vivre ses principes et ses valeurs au-delà de la partisanerie, et avait la capacité d’être politicien parlementaire en même temps que stratège militaire et communicateur exceptionnel. Il a pourtant fait tout ce que les conventions disent qu’il ne faut pas faire quand on cherche à réussir…mais l’histoire lui a donné raison, tant par rapport à la guerre qu’à son parti!
• S’il n’était pas avocat, il serait… musicien classique, pour s’inscrire dans le cours de l’histoire ou…une rock star pour tous les avantages que cette vie amène!
En avril 2010, Me Yves Desjardins-Siciliano a été nommé Chef, Services corporatifs et juridiques, Secrétaire corporatif de VIA Rail Canada. Le 1er juin 2013, il s’est vu confier des responsabilités additionnelles, à savoir la gestion des risques, les assurances, le développement immobilier et les projets en immobilisation majeurs.
En sa qualité de Chef, Services corporatifs et juridiques, il est responsable des questions d'ordre juridique de la Société, notamment de tous les litiges liés aux activités de VIA Rail. Il est également responsable des langues officielles, de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels. À titre de Secrétaire corporatif du conseil d’administration, il gère tous les aspects des affaires traitées par le conseil et contribue activement à toutes les questions relatives à la gouvernance d’entreprise.
Me Desjardins-Siciliano est également responsable des Relations avec les médias et les collectivités. À ce titre, il est l'un des joueurs clés de VIA Rail lorsqu'il s'agit de promouvoir la réputation et la marque de l'entreprise et d'engager les Canadiens dans un dialogue portant sur leur service ferroviaire voyageurs national. Il croit fermement à la transparence et à l'ouverture d'esprit, et a introduit une stratégie des médias sociaux innovatrice et accrocheuse.
Son service traite avec les représentants à tous les niveaux du gouvernement. Aussi, il représente la Société auprès du Bureau du Conseil privé, de Transports Canada, du Bureau du vérificateur général, du Bureau de la sécurité des transports, de l'Office des transports du Canada et d'autres ministères.
Avocat d'expérience et cadre chevronné, Me Desjardins-Siciliano a occupé plusieurs postes dans les domaines des services juridiques, des relations gouvernementales et réglementaires, du développement commercial et d'affaires, des communications marketing et des finances, et ce, tant au sein d'entreprises privées que d'entreprises cotées en bourse évoluant dans les industries de la technologie de l'information, des télécommunications, du marketing et du divertissement. Il a également été le chef de cabinet du ministre fédéral du Travail et du ministre d'État (Transports) de 1989 à 1991.
Diplômé de l'Université de Montréal et de l'Université McGill, Me Desjardins-Siciliano est membre du Barreau du Québec et a été président de l'Association du Barreau canadien, Division Québec. Il est également diplômé de l’Institut des administrateurs de société.