«S’améliorer tous les jours»
Dominique Tardif
2016-01-20 14:15:00
Avant de faire mon choix, j’étais très passionné par les sciences et le dessin. J’ai néanmoins choisi d’aller en droit : je connaissais bien le milieu et je « baignais » dans cet environnement depuis longtemps. Non seulement avais-je vu mon père qui était avocat plaider, mais mes deux sœurs et un de mes beaux-frères étaient aussi avocats. Je connaissais aussi plusieurs associés et amis de mon père qui avaient aussi choisi cette profession.
La discipline m’intéressait donc et, comme j’étais encore incertain de ce que je voulais faire et que le domaine était familier pour moi, j’y ai vu une bonne formation qui ne serait jamais perdue si, plus tard, je changeais d’idée.
J’ai eu la piqûre en faisant le programme national de droit à McGill. Moi qui venais de Québec, je me retrouvais en immersion anglaise, en résidence pendant mes deux premières années. J’ai adoré la formation! L’idée d’aller en sciences m’a donc quittée! Cela dit le fait que je fasse dans ma pratique de la responsabilité pharmaceutique est un aspect qui m’en rapproche, notamment pour l’expertise que cela requiert et la complexité des questions.
2. Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?
Il s’agit sans aucun doute, et de loin, du dossier Société d'énergie Foster Wheeler Ltée c. Ville de Montréal. Nous représentions la Ville de Montréal en défense dans le cadre d’une action en dommages intentée suite à la résiliation d’un dossier de construction. Le dossier a duré quinze ans et nous a amenés à analyser quatre projets comparables aux États-Unis. Nous avons été en audition en Cour suprême à titre d’incident suite aux interrogatoires préalables de nos clients, avons fait jurisprudence en soulevant des objections sur le secret professionnel et avons eu six auditions en Cour d’appel.
Malgré les tentatives de règlement, nous avons été à procès…un procès de 377 jours, un des plus longs de l’histoire du Québec! Nous avions une très belle équipe. Le résultat fut excellent pour la Ville de Montréal, pour qui nous avons obtenu gain de cause et à qui nous avons épargné 120 millions de dollars.
Faire un procès d’une aussi longue durée est tout un défi, évidemment, mais aussi très formateur : cela permet d’aller au fond des choses et d’approfondir un dossier comme jamais. C’est aussi un défi puisque, en étant quatre jours par semaine et trois semaines sur quatre à la cour pendant le procès, il devient impossible de gérer d’autres dossiers en même temps, tout le temps restant devant être consacré à la préparation. Mon deuxième plus grand défi a ainsi été de rebâtir ma pratique après le procès qui est revenue à son niveau d’avant en l’espace de 6-10 mois.
3. Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?
Si j’avais une baguette magique, je ferais en sorte qu’on se concentre encore davantage sur la recherche de l’excellence. Dans le marché mature et très compétitif que nous connaissons, l’emphase est incessamment mise sur le développement des affaires auprès des jeunes.
Pourtant, ce qui compte d’abord et avant tout est la recherche de l’excellence, laquelle est en soi très exigeante au quotidien, tant à court qu’à long terme. Sans négliger l’importance de bâtir son réseau, je crois que c’est plutôt sur cet aspect que l’on devrait insister davantage.
Tout le monde a évidemment bien compris qu’il faut savoir vendre ses services. Or, ce qui démarque l’avocat, qui constitue le meilleur outil marketing de tous et qui fait que les clients recourent à ses services plutôt qu’à ceux d’un autre, c’est l’excellence dans le travail. Quatre-vingt pourcent de nos mandats résultent généralement des clients que nous avons déjà et qui reviennent nous voir. Il faut donc s’enlever de la tête que la seule façon d’avoir du succès est d’en générer de nouveaux, même si c’est évidemment un grand atout. Certains avocats ont, en effet, un cheminement remarquable même s’ils ne sont pas des ‘développeurs nés’, puisqu’ils sont experts dans leur domaine et qu’ils continuent chaque jour à se perfectionner.
4. La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?
A mon avis, les choses ont peu changé et continueront probablement à se maintenir de la sorte.
Notre profession est, effectivement, parfois incomprise du grand public : cela fait un peu partie de ce que nous sommes et de la nature même de ce que nous faisons. L’incompréhension du public fait parfois déteindre sur l’avocat les pires défauts du client. Pensons à l’affaire Turcotte : même si les avocats font un travail remarquable, il est difficile pour le citoyen de comprendre comment un avocat peut défendre cette cause.
Cela dit, les clients bien servis portent à leur avocat un grand respect et leur démontrent beaucoup de gratitude individuellement. La même chose se produit en entreprise lorsque les dirigeants voient combien leurs avocats se dévouent à leur cause. Cela n’empêchera évidemment personne de faire de mauvaises blagues sur les avocats en général de temps à autre (!), et ne changera pas la perception générale du public envers les avocats.
5. Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière et voulant réussir en pratique privée, comme vous?
Il faut d’abord choisir la profession pour la profession elle-même plutôt que ses artifices, à savoir le succès financier, la réputation, etc. Tout cela est secondaire et ne rend pas heureux.
Il est primordial de pratiquer dans un domaine que l’on adore. Une fois ce choix fait, l’objectif doit être d’être excellent et de s’améliorer tous les jours. En faisant cela, on s’assure d’être en demande.
Finalement, il est important de s’impliquer dans des choses que l’on aime en dehors du travail, qu’il s’agisse d’aide à des OSBL, d’implications auprès du Barreau, d’enseignement, etc. Non seulement cela apporte beaucoup de satisfaction, mais cela nous permet comme avantage collatéral de rencontrer des gens.
• Le livre qu’il lit actuellement : Le Crépuscule d'une idole (auteur: Michel Onfray)
• Il a aimé…la série télévisée américaine Breaking Bad (réalisateur: Vince Gilligan).
• Sa chanson fétiche – «Quand les hommes vivront d'amour».
• Le dicton qui le frappe (dans le contexte du droit) : ‘La majestueuse égalité des lois interdit au riche comme au pauvre de coucher sous les ponts, de mendier dans les rues et de voler du pain.’ (Anatole France)
• Son péché mignon – C’est qu’il a la dent sucrée et un petit faible pour la tarte au citron meringuée!
• Son restaurant préféré – Le Tri Express (Avenue Laurier)
• Il aimerait visiter…la Chine.
• Il admire…l’auteur, mathématicien et philosophe Martin Gardner, un grand défenseur de la science et de la raison.
• S’il n’était pas avocat, il serait…dessinateur de bandes dessinées!
Pendant plusieurs années, il a enseigné le droit de la preuve civile à la faculté de droit de l’Université de Montréal, ainsi que la responsabilité civile et les techniques de plaidoirie à l’École du Barreau. Ses écrits ont été largement diffusés dans le monde juridique et cités avec approbation par les tribunaux. Il a, notamment, participé à la rédaction d’articles et de livres portant sur les recours collectifs, le droit de la preuve et le droit du commerce électronique. Sous sa direction, LexisNexis Canada publiera un livre sur les objections à la preuve en droit civil d’ici la fin de l’année.
Ancien président du Jeune Barreau de Montréal, il a participé activement à la direction du Barreau du Québec, du Barreau de Montréal et de la division Québec de l’Association du Barreau canadien. Il a présidé le comité du Barreau du Québec sur le secret professionnel et la technologie et a siégé sur plusieurs comités du Barreau.
Me Marseille est reconnu comme un plaideur de premier plan au Canada, notamment dans les publications suivantes : The Best Lawyers in Canada, The Canadian Legal Lexpert Directory, Benchmark Canada: The Definitive Guide to Canada’s Leading Litigation Firms and Attorneys. Il a été désigné membre à vie du Jeune Barreau de Montréal pour sa contribution exceptionnelle à l’atteinte de ses objectifs. Il s’implique bénévolement au sein d’organismes à but non lucratif destinés à la promotion de l’éducation et de l’activité physique chez les jeunes. Il est membre du barreau depuis 1987.