Action collective autorisée contre le Bureau de la traduction
Mathieu Galarneau
2020-03-10 15:00:00
L’entreprise est représentée en cour par Me Louis Fortier, avocat et traducteur agréé, également président de l’Association canadienne des juristes-traducteurs (ACJT) depuis 2011.
Le Procureur général du Canada, qui représente le Bureau de la traduction, est défendu par Mes Linda Mercier, Andréane Joanette-Laflamme et Marjolaine Breton.
« C'est majeur, ça va donner espoir à bien des juristes-traducteurs et des traducteurs généraux qui ont été lésés dans leurs droits », estime Me Fortier en entrevue avec Droit-inc.
Au coeur du litige se trouve la façon dont le Bureau de la traduction rémunère ses sous-traitants. Le BT utilise une mémoire de traduction afin de traduire de façon automatique certains segments dans les textes, qui peuvent être des articles de loi ou encore des politiques publiques, par exemple.
Ces segments sont tout de même envoyés aux traducteurs sous-traitants qui doivent évaluer s’ils sont adéquats ou non, et les corriger le cas échéant. Cependant, ces segments de texte ne sont pas comptabilisés dans le nombre de mots à traduire par les sous-traitants, et donc ils ne sont pas payés pour vérifier la concordance de ces traductions automatiques.
« Pour vous donner un exemple, quand ils ont traduit un jugement de la Cour fédérale, il y avait une page d'information où on donnait les coordonnées des avocats et il y avait une rubrique où "date of hearing" avait été traduit par "date de l'ouïe". C'est ridicule! », peste Me Fortier.
De plus, Quattro argue que ce travail permet au BT d’avoir un meilleur produit de sa mémoire de traduction. Au final, les sous-traitants doivent « travailler plus, dans un délai plus court, pour une rémunération réduite », estime Quattro.
Plus de 200 fournisseurs de services pourraient être potentiellement dédommagés par le BT si l’action est approuvée par un juge.
Un processus de sélection des candidats internes critiqué
Ce n’est pas le seul reproche que Louis Fortier et l’Association canadienne des juristes-traducteurs qu’il représente font au Bureau de la traduction.
En décembre dernier, une mise en demeure a été envoyé au BT arguant que le processus d’embauche des traducteurs juridiques au sein de l’organisme était non seulement illégal, mais possiblement inconstitutionnel.
Dans son affichage de poste, le BT demandait aux postulants de détenir un baccalauréat en traduction et un certificat en droit.
Se référant au Rapport du Comité permanent des langues officielles du Sénat intitulé Modernisation de la Loi sur les langues officielles : La perspective des institutions fédérales et les recommandations, publié en juin 2019, qui recommande l’utilisation de jurilinguistes pour la traduction des décisions des tribunaux fédéraux et la mise sur pied d’un système de révision des révisions traduites dans l’autre langue officielle, l’ACJT demandait à ce que les personnes détenant un baccalauréat en droit et un certificat en traduction soient considérés pour les postes au BT.
Le Bureau de la traduction a simplement répondu à la mise en demeure en affirmant n’avoir enfreint aucune loi dans son affichage de poste. « Le Bureau de la traduction n’embauche pas de jurilinguistes, qui font partie d’un autre groupe professionnel », conclut l’avocate-conseil Annick Ravary dans sa réponse.