Affaire DSK: l'ultime coup de théâtre

La Presse Canadienne
2013-08-23 08:30:00

"Lors d'à peu près toutes les entrevues avec les procureurs, et en dépit d'implorations lui demandant d'être sincère, elle n'a pas dit la vérité sur des questions de grande importance, et de moins grande importance", écrivent les avocats.
Plus tôt lundi, Mme Diallo et son avocat, Kenneth Thompson, avaient rencontré les représentants du bureau du procureur du district de Manhattan pour discuter de la décision de ne pas poursuivre les procédures. Me Thompson n'a pas élaboré sur ce qui s'était passé à l'intérieur de la pièce, ni révélé ce que sa cliente s'était fait dire. Il a plutôt récité une brève déclaration dans laquelle il a condamné la gestion du dossier par les procureurs.
"Le procureur Cyrus Vance a privé une femme de son droit à la justice dans une affaire de viol", a-t-il déclaré. "Non seulement a-t-il tourné le dos à une innocente victime, mais aussi aux preuves médico-légales, médicales et autres signes physiques dans ce dossier."
Me Thompson compte s'adresser à un juge pour qu'il émette une ordonnance visant à demander que le bureau du procureur soit disqualifié et ne puisse plus gérer le dossier. Mme Diallo a par ailleurs déposé une poursuite en cour civile, réclamant une compensation financière à Dominique Strauss-Kahn, à défaut de son incarcération. Selon les avocats du diplomate français, cette initiative a contribué à amenuiser la crédibilité de l'accusatrice.

"Nous avons maintenu dès le début de cette affaire que notre client est innocent", ont-ils rappelé. "Nous avons également maintenu qu'il existait de nombreuses raisons pour croire que l'accusatrice de M. Strauss-Kahn n'était pas crédible."
Les enjeux étaient grands pour Dominique Strauss-Kahn, qui a quitté ses fonctions de directeur du Fonds monétaire international, passé près d'une semaine derrière les barreaux et dépensé, possiblement, des centaines de milliers de dollars pour son assignation à résidence.
Les enjeux étaient tout aussi grands pour Cyrus Vance, qui devait s'occuper de l'affaire la plus importante depuis son entrée en fonction, 18 mois plus tôt.
Âgé de 62 ans, Dominique Strauss-Kahn a été arrêté après que Mme Diallo, elle-même âgée de 32 ans, ait déclaré avoir été pourchassée par le diplomate français, avant d'être contrainte à lui faire une fellation. Dominique Strauss-Kahn a nié les allégations, et ses avocats ont affirmé que tout ce qui a pu arriver n'avait pas été contraint par la force.
Comme bien des cas d'agression sexuelle, dans lesquels les personnes impliquées sont souvent les seuls témoins, l'affaire DSK tournait autour de la crédibilité de la présumée victime.
Lors des premiers jours, les procureurs insistaient sur le fait que Mme Diallo avait livré "une version convaincante et inébranlable" remplie de "très puissants détails" et étayée par des preuves médico-légales; le sperme de Dominique Strauss-Kahn avait été retracé sur l'uniforme de la femme de chambre. Le commissaire de police avait confié que de vétérans détectives considéraient la femme comme étant crédible.
Mais le 1er juillet, les procureurs ont raconté avoir appris que la femme de chambre leur avait raconté une série de mensonges troublants, incluant un compte-rendu persuasif, mais bidon, d'un viol collectif dont elle aurait été la victime en Guinée, son pays d'origine.
Elle a expliqué qu'elle avait repris une histoire qu'elle avait racontée pour embellir sa demande d'asile politique, en 2003. Lors d'entrevues, elle a déclaré avoir été violée dans sa terre natale, dans d'autres circonstances, et modifié les détails de cette histoire afin qu'elle et sa fille de 15 ans puissent vivre une vie plus fortunée aux États-Unis.
Mme Diallo a également donné des versions contradictoires des instants qui ont suivi sa rencontre avec Dominique Strauss-Kahn, disant au grand jury qu'elle a erré dans un corridor de l'hôtel alors qu'elle est plutôt retournée dans la chambre du diplomate français, puis dans une autre, avant de consulter ses patrons, ont appris les procureurs. Elle a plus tard affirmé que les divergences de versions n'étaient que des malentendus.
La présumée victime avait aussi fait allusion à la fortune de DSK lors de conversations téléphoniques enregistrées avec un ami prisonnier, et des dizaines de milliers de dollars ont été versés dans son compte bancaire sans qu'elle puisse en expliquer la provenance. Elle a plus tard déclaré qu'un prisonnier y avait déposé de l'argent sans l'aviser.
"La nature et le nombre de mensonges de l'accusatrice nous empêchent de donner crédit à sa version des faits hors de tout doute raisonnable, peu importe ce qui s'est véritablement passé lors de la rencontre entre la plaignante et le défendeur", ont déclaré les procureurs dans le document, qui doit être soumis en cour mardi.