Affaire Ward-Gabriel : La Cour suprême n'a pas à intervenir, dit Jérémy Gabriel
Radio -Canada
2020-03-03 10:45:00
« La décision majoritaire de la Cour d'appel ne comporte aucune erreur susceptible de donner ouverture à une révision », estime l'avocate de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), Stéphanie Fournier, qui représente Jérémy Gabriel.
Le plus haut tribunal du Québec a pondu une analyse « contextuelle, nuancée et motivée » qui conclut « que la liberté d'expression ne permet pas de tenir n'importe quel propos, même sous le couvert de l'humour », écrit Me Fournier.
La CDPDJ a fourni ses arguments écrits à la Cour suprême le 28 février pour la convaincre de ne pas se saisir du dossier qui l'oppose à l'humoriste Mike Ward, ce qui maintiendrait sa condamnation.
Une décision basée sur la jurisprudence
Le 28 novembre dernier, dans un jugement partagé de deux juges contre une, la Cour d'appel a conclu que Mike Ward était allé « trop loin » dans ses blagues et a maintenu sa condamnation pour propos discriminatoires envers Jérémy Gabriel. Il doit lui verser 35 000 $ en dommages punitifs et moraux.
« (L’époque) où l’on exploitait le handicap de certaines personnes pour divertir la population est révolue », ont écrit les magistrats.
La CDPDJ estime que la Cour d'appel et le Tribunal des droits de la personne, qui avait jugé l'affaire en première instance, se sont correctement basés sur la jurisprudence pour rendre leur décision. « Ils ne fondent pas leur analyse sur l'intention qui animait Mike Ward en tenant de tels propos controversés, mais analysent plutôt l'effet de ses paroles sur Jérémy Gabriel », soutient Me Fournier.
Un enjeu de portée nationale, selon Mike Ward
Les avocats de Mike Ward estiment au contraire que la Cour suprême doit prendre position sur l'enjeu d'intérêt national de la liberté artistique. L'humoriste soutient qu'avec son numéro, il voulait faire réfléchir aux « vaches sacrées » de la société.
« En ces jours de rectitude politique, qui sont difficiles pour la liberté d'expression, il est essentiel d'établir qu'un discours impopulaire, ou peut-être répugnant, n'est pas équivalent à de la discrimination », écrivaient les avocats de l'humoriste, dans leurs arguments soumis en janvier dernier à la Cour suprême.
Ils feront parvenir une réplique à la position de la CDPDJ avant la fin de la semaine, affirme Julius Grey.
« Je pense que la Cour suprême pourrait nous aider à déchiffrer ce qui nous paraît un peu chaotique, explique Me Grey, et j'espère qu'elle va dire quelque chose de très important en faveur de la liberté d'expression. »
Le plus haut tribunal du pays annoncera au cours des prochains mois si elle accepte d'entendre l'affaire, qui est issue d'un numéro de Mike Ward présenté pour la première fois il y a dix ans.