Allégations de violences en Tanzanie : victoire pour la minière Barrick Gold
Radio-canada Et Cbc
2024-12-02 13:15:03
La minière canadienne Barrick Gold était poursuivie par une vingtaine d’Autochtones de Tanzanie, les Kurias.
Un juge ontarien a donné raison à la minière canadienne Barrick Gold, qui demandait l’abandon des poursuites à son encontre concernant des allégations de violation des droits de la personne dans une de ses installations en Tanzanie. La minière estimait que la justice canadienne n’était pas compétente pour trancher cette question.
Cette décision a été rendue à peine plus d’un mois après l’audience qui s’était déroulée à Toronto. Le juge Edward Morgan a en effet décidé que toute action en justice contre Barrick devait être déposée en Tanzanie.
« Les preuves dont je dispose établissent que le barreau et le système judiciaire tanzaniens sont capables de mener un procès équitable, efficace et juste. Entre l'Ontario et la Tanzanie, c'est la Tanzanie qui est sans aucun doute l'endroit le plus approprié pour juger les questions soulevées dans cette plainte », peut-on lire dans sa décision rendue mardi.
Les avocats canadiens qui représentent plus de 20 demandeurs tanzaniens estimaient que Barrick Gold, en tant qu’entreprise enregistrée à Toronto et société mère de sa filiale tanzanienne, devait plutôt répondre au Canada des allégations de violation des droits de la personne la concernant.
Ces allégations concernent les Kurias, un peuple autochtone du nord de la Tanzanie. La poursuite de 2022 indique que Barrick Gold serait liée à des allégations de violences commises envers ces Autochtones tanzaniens près de sa mine d’or de North Mara.
Les avocats évoquaient en effet la mort d’au moins 77 personnes aux alentours et à l’intérieur de la mine lors d’affrontements avec la police tanzanienne. Ils expliquaient les liens qu’entretiennent la police et la minière pour justifier leur action en justice contre Barrick.
« Ce type de contrat de sécurité avec la police locale semble être un arrangement standard dans l'industrie des ressources », a indiqué le juge Morgan dans sa décision.
La minière, de son côté, estimait que puisque les faits reprochés se sont produits uniquement en Tanzanie et concernent des citoyens tanzaniens, c’est vers les tribunaux de ce pays d’Afrique de l’Est que les victimes alléguées devaient se tourner.
« Les avocats de Barrick n'ont eu aucun mal à établir que la grande majorité des preuves et des témoins nécessaires au procès viendront de Tanzanie et que les témoins qui sont des représentants de Barrick viendront de Tanzanie ou de son équipe régionale en Afrique du Sud et non de l'Ontario », a fait valoir le juge.
Lors de l'audience de trois jours, les avocats de la défense avaient alors avancé que la justice tanzanienne ne permettait pas aux plaignants de bénéficier d’un procès équitable.
« Si cette cause n’est pas entendue en Ontario, elle ne le sera pas du tout », avait lancé Joe Fiorante, un des avocats des plaignants.
« Il n'y a toujours pas de possibilité réaliste de justice en Tanzanie. Bien qu'il y ait eu des dizaines de meurtres à la mine de North Mara au cours des deux dernières décennies, aucun procès n'a été intenté contre Barrick en Tanzanie à propos de ces décès », a précisé Cory Wanless, un des autres avocats des plaignants, à Espaces autochtones.
Le juge a toutefois été réceptif aux arguments de la défense qui tentait, grâce à cette audience, d’éviter un procès au Canada. Il a notamment retenu un des arguments de Barrick selon lequel le système tanzanien est un héritage du système juridique colonial basé sur la common law anglaise.
Déceptions du côté des plaignants et des militants
Par écrit, Catherine Coumans, chargée de ce dossier pour le chien de garde de l’industrie minière au Canada, l'organisme MiningWatch, a fait part de sa très vive déception.
Barrick Gold a déjà été poursuivie pour des faits similaires en Grande-Bretagne. La minière avait alors réglé ce dossier hors cour.
Anneke Van Woundenberg, directrice de l’organisme britannique RAID, souligne qu’au Royaume-Uni, « il existe désormais un précédent juridique clair en matière de responsabilité de la société mère. Cela signifie qu'une entreprise basée au Royaume-Uni peut être tenue légalement responsable des actions préjudiciables ou des violations des droits de la personne commises par ses filiales à l'étranger ».
Elle constate qu'au Canada, en revanche, « la responsabilité des sociétés mères est encore en développement et n’est pas aussi clairement définie ».
Cory Wanless, un des avocats des plaignants, a lui aussi fait part de sa déception. « Nous sommes en profond désaccord avec le jugement du tribunal. Nous avons été particulièrement surpris et déçus par la conclusion du tribunal », a-t-il indiqué.
Les avocats des Kurias disposent de 30 jours pour faire appel de cette décision. « Nous attendons les instructions de nos clients, mais nous nous attendons à faire appel », a mentionné M. Wanless.
Les avocats de Barrick Gold n’avaient pas répondu à nos demandes de commentaires au moment de publier ces lignes.