Canada Goose: les dessous d’une transaction à 330 M$
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Jean-Francois Parent
2017-04-20 14:15:00
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« Nous étions déjà les conseillers de l'entreprise lors de l'acquisition par Bain Capital », explique Robert Carelli, associé et chef du groupe des valeurs mobilières au bureau de Montréal de Stikeman Elliott.
Le fonds privé américain a pris une position majoritaire dans le capital de Canada Goose en 2013.
Ayant déjà un pied dans la porte de Canada Goose, doté d'une solide expertise dans les PAPE, le cabinet a été perçu comme le conseiller naturel de l'entreprise pour l'aider à lancer l'aventure boursière.
Premier au classement des palmarès d'opérations de financement sur les marchés et de fusions et acquisitions de Bloomberg, Chambers, Financial Post et autres Merger Market, Stikeman avançait donc en territoire connu.
Des deux côtés de la frontière
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Premier grand défi de la transaction : « Bien coordonner toutes les activités des deux côtés de la frontière », avec notamment les new-yorkais de Ropes & Gray, ajoute Robert Carelli, qui a piloté le PAPE de Canada Goose pour Stikeman avec David Tardif, avocat sociétaire du cabinet.
Si les avocats ne participent pas directement aux négociations entre les preneurs fermes, les émetteurs et les syndicats bancaires, ce sont quand même eux qui rédigent et révisent l'essentiel de la documentation sur laquelle l'émission de titres s'appuie.
« Il s'agit de bien délimiter les objectifs du PAPE, ce qui détermine la façon dont on structure la transaction », poursuit Me Carelli.
Dans ce cas précis, Bain Capital voulait « monétiser son investissement » dans Canada Goose, laquelle avait besoin de réduire sa dette pour financer sa croissance.
Selon le prospectus soumis aux autorités boursières canadiennes, « la Société compte affecter le produit net rapporté par le placement d’actions nouvelles au remboursement d'une partie de sa dette », peut-on y lire. Avec des revenus de 290 millions $, la société affichait une dette de 278,1 millions $ au moment du PAPE. Le produit de l'émission boursière a ramené la dette à 178 millions $.
Les objectifs établis, il faut plancher sur la mécanique de l'émission. Pour Canada Goose, « il fallait déterminer la catégorie d'action », ajoute Robert Carelli, selon qui le Canada est friand de parts à double capital social, soit les actions à vote multiple et les actions subalterne.
Un gros travail en amont
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Outre les prospectus et les documents d'information aux actionnaires, exigeant une spécialisation en valeurs mobilières, la mise en place d'une équipe spécialisée en conformité réglementaire est une expertise nichée, nécessitant des spécialistes comme ceux de Stikeman.
« Il faut avoir les ressources juridiques internes », soit une équipe de juristes apte à répondre aux exigences des régulateurs. Les états financiers, les périodes de « black-out » boursier avant la publications des résultats financiers, la responsabilité des dirigeants d'émetteurs, autant de choses avec lesquelles le conseiller juridique d'entreprise privée n'est pas familier.
La préparation d'un premier appel à l'épargne est « un processus qui dure facilement de trois à quatre mois ». Le défi pour les avocats externes consiste à cartographier toutes les étapes du processus y de guider le client dans l'aventure. « Il y a beaucoup de travail en amont d'un PAPE », poursuit Me Carelli.
Et la fourrure ?
Enfin, l'entrée en bourse signifie davantage de transparence... et des flancs beaucoup plus vulnérables à la critique.
Canada Goose est la cible de récriminations de la part des militants pour les droits des animaux, qui reprochent à la société son utilisation de fourrure de coyote et de duvet dans ses produits.
Des militants américains ont d'ailleurs manifesté contre la société lors de son inscription au parquet new-yorkais, en mars dernier. « Ce n'est pas dans notre mandat de discuter de ces questions », dit Robert Carelli. Il fait cependant valoir que la critique des investisseurs n'est pas un phénomène nouveau sur les marchés boursiers, ou pour Stikeman, qui a conseillé d'autres entreprises qui ont dû essuyer des critique. « Nous avons travaillé sur la privatisation d'Air Canada, qui avait suscité beaucoup de grogne sur les marchés », rappelle Me Carelli.
Au final, agir auprès d'un client qui fait un PAPE repose sur le temps, et la préparation.