Les Champions 2024 des M&A
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Didier Bert
2025-02-25 15:00:17
Quels sont les cabinets canadiens qui se hissent au sommet du marché des fusions et acquisitions? Droit-inc a parlé avec les champions de 2024…
L’année 2024 a été un très bon cru en matière de fusions et acquisitions, malgré un quatrième trimestre en recul.
En 2024, la valeur du marché mondial a connu une augmentation de 10 % par rapport à l'année précédente, en totalisant 3,2 billions $ US sur l'ensemble des 12 mois, selon le classement mondial LSEG Global Mergers & Acquisitions Review.
La valeur moyenne des transactions a augmenté, puisque le nombre d'opérations a connu une baisse de 14 % comparativement à l'année 2023. Les 50 200 transactions enregistrées en 2024 constituent le plus bas total depuis huit ans.
L’année 2024 s’est toutefois achevée sur une mauvaise note, avec un quatrième trimestre marqué d’une baisse de 5 % de la valeur totale des transactions.
Un marché canadien actif
La tendance est comparable au Canada, avec 2 658 transactions annoncées, en recul de 7 %… mais une valeur totale en forte hausse de 29 % à 111,5 milliards $ US.
Osler Hoskins & Harcourt se hisse à la première position canadienne dans la valeur des transactions annoncées. Le cabinet a conseillé des transactions d’une valeur totale de 50,5 milliards $ US pour 2024. En captant 20 % du marché canadien, Osler fait un bond dans le classement LSEG, puisque le cabinet était sixième un an plus tôt.
L’an passé, Osler a notamment conseillé son client américain BC Partners pour la vente de Garda, d’un montant de 13,5 milliards $ US. la vente de Garda. Au quatrième trimestre, le cabinet a conseillé Philip Fayer, le fondateur de Nuvei, dans la privatisation de l’entreprise pour une valeur de 6,3 milliards $ US.
Et le début d’année 2025 se présente bien pour Osler, qui conseille à la fois BC Partners et Apollo dans l’acquisition des services environnementaux de GFL d’une valeur de 8 milliards $ US.
« Tout le monde anticipait une bonne année 2025, avec des taux d'intérêt qui allaient dans la bonne direction, un dollar canadien devenu plus faible, et donc des cibles canadiennes qui devenaient moins dispendieuses », souligne Me Niko Veilleux, chef du groupe de pratique du droit des sociétés du bureau de Montréal chez Osler.
Cependant, la possibilité que l’administration Trump applique des tarifs douaniers aux importations canadiennes est venue tempérer le marché.
« Au Canada et aux États-Unis, on voit que le débat sur les tarifs, leur montant, la manière dont ils pourraient être appliqués, les les industries qui pourraient être touchées, crée une incertitude qui, soit ralentit l'exécution des transactions, soit pousse les conseils d'administration à réclamer davantage de visibilité sur la situation avant de se lancer », explique Me Veilleux, tout en s’attendant à ce que cette incertitude ne soit que temporaire.
C'est que plusieurs facteurs sont bien présents pour soutenir le marché. Avant que les taux d'intérêt commencent à être abaissés, des entreprises ont ralenti des acquisitions en raison du coût de l’argent, malgré la bonne qualité de leurs bilans, pointe Niko Veilleux. « Ces entreprises ont beaucoup d'argent désormais, tout comme les fonds d'investissement. Un grand nombre d'acteurs sont en position de déployer du capital », observe-t-il.
Niko Veilleux s’attend à des mouvements dans le secteur de la logistique, après la fermeture des entrepôts d'Amazon au Québec, comme dans le domaine de l’intelligence artificielle - « un sujet très chaud », dit-il -, les minéraux critiques, la transition énergétique, la santé et les biotechnologies.
Blakes se positionne en deuxième place avec 47,8 milliards $ US de transactions annoncées, précédant Stikeman Elliott qui a conseillé des transactions d’une valeur de 34,7 milliards $ US.
Incertitudes et opportunités
Le classement des transactions complétées place McCarthy Tétrault en première place (51,8 milliards $ US), devant Blakes (50,9 milliards $ US) et Stikeman Elliott (47,3 milliards $ US)
McCarthy Tétrault a conseillé la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) dans la privatisation de Héroux Devtek, cédée à la firme américaine Platinum Equity pour une transaction totale de 1,35 milliard $. Le cabinet a également conseillé Blue Wolf Capital Partners dans l’acquisition de Logistec (1,2 milliard), ainsi que la privatisation de son client Osisko pour 2,2 milliards $.
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Si l'année 2025 a commencé avec une économie canadienne au ralenti et des incertitudes en matière de tarifs douaniers, la baisse des taux d'intérêt devrait favoriser les transactions, estime Me Clemens Mayr, associé au sein du bureau de Montréal chez McCarthy Tétrault, et spécialiste des fusions et acquisitions.
« On voit beaucoup de transactions sur le marché privé, même si les choses prennent plus de temps à se matérialiser ces temps-ci, observe Me Mayr. On dirait que tout le monde est prudemment optimiste. »
L'avocat se montre confiant pour les grandes entreprises des secteurs habitués aux guerres tarifaires, comme l'acier, l'aluminium et le bois d’œuvre. Mais il s'inquiète pour les PME qui ne sont pas habituées à ce genre de batailles et qui n'ont pas les ressources financières requises pour faire face aux tarifs. « Cela va créer des opportunités de consolidation d'entreprises en difficulté », pointe-t-il.
Au nombre de transactions annoncées, Fasken confirme sa première place en 2024, comme c'était le cas en 2023. Le cabinet a conseillé 230 transactions l’an passé.
« Fasken a toujours eu un positionnement multi-sectoriel, couvrant une vaste gamme de joueurs sur le marché, y compris dans la moyenne et la très grande entreprise », souligne Me Henrick Simard, associé au sein du groupe droit des sociétés et droit commercial au bureau de Québec chez Fasken.
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Le cabinet a conseillé des transactions majeures, telles que la privatisation de Nuvei, pour leur cliente Novacap, mais aussi la vente de son client Héroux-Devtek, ainsi que la cession de son client Logistec à Blue Wolf Capital Partners.
Malgré un début d'année 2024 plus lent que les années précédentes, le marché a commencé à dégeler avec la baisse des taux d’intérêt, observe Carl Bélanger, associé et leader de marché du groupe Droit des affaires et droit des sociétés au bureau de Montréal de Fasken. « L’année 2024 a fini de façon robuste avec de nombreux nouveaux mandats qui vont se concrétiser cette année. »
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En ce début 2025, tous les investisseurs sont sur la ligne de départ. « Les grands groupes industriels sont sur le marché, de même que les fonds de capital-investissement », observe Me Bélanger.
Les incertitudes sur les possibles tarifs douaniers américains ont peu d'impacts pour l’instant. « Aujourd'hui, c'est tellement l'inconnu que les gens poursuivent les transactions car ils ne savent pas quelle est la menace réelle, quitte à réévaluer les choses d’ici à la clôture, mais les transactions n’avortent pas. On continue à recevoir de nouveaux mandats », poursuit-il.
Ce climat d'incertitude en est aussi en d'opportunités pour certains joueurs. « Les entreprises qui sont capables de rassurer les parties prenantes en démontrant leur plan de contingence sont encore plus intéressantes comparativement à celles qui n'ont rien prévu », pointe Me Simard. « Les interrogations sont légitimes et fondées, mais cela n'a pas stoppé le marché. »
Osler préserve sa deuxième place au nombre de transactions annoncées (145), devant Stikeman Elliott (116) qui gagne une position. Le podium est identique en matière de transactions complétées.