Quand une journaliste se réinvente en enquêtrice pour la défense

Sonia Semere
2025-03-28 14:15:25

Claudia Berthiaume, désormais enquêtrice accréditée par le Bureau de la sécurité privée, a passé dix ans à suivre des causes criminelles pour le Journal de Montréal avant de se réinventer en enquêtrice autonome.
Sa mission? Offrir son expertise aux avocats pour résoudre des enquêtes et comprendre en profondeur toutes les facettes d’une situation.
Celle qui se décrit sur LinkedIn, avec un brin d’humour, « comme le Cisco de Mickey Haller (le défenseur Lincoln), mais sans la barbe ni la moto » a jasé avec Droit-inc.
Vous avez travaillé pendant dix ans pour le Journal de Montréal. Quelle est la réalité d’un journaliste judiciaire ?
Dans notre équipe, on était cinq ou six à couvrir les différents dossiers judiciaires. Chacun de nous avait ses propres dossiers et agendas de causes à suivre. Le travail consistait aussi à vérifier la veille ce qui se passait, à valider avec les acteurs clés — enquêteurs, avocats, etc. — pour savoir si l’audience allait bien avoir lieu le lendemain matin. Cela nous permettait de décider si ça valait la peine de se déplacer ou non.
L’idée était d’aller dans le palais où une cause semblait la plus digne d’intérêt, et là, on se préparait à couvrir ce qui s’annonçait comme un événement pertinent.
Y a-t-il des affaires en particulier qui vous ont profondément marqué?
Le triple meurtre à Trois-Rivières a été une affaire particulièrement marquante pour moi, ça se déroulait dans ma ville d’origine, c’était une situation assez particulière.
Mais au-delà de cet aspect, ce qui m’a vraiment marqué, c’est que le crime a été commis pratiquement en direct, lors d’un appel 911. Lorsque l'enregistrement a été diffusé en cour, c’était très brutal d’entendre cette scène choquante en temps réel…
Vous venez de vous reconvertir en enquêtrice auprès de la défense. Comment est arrivée cette opportunité?
Après dix ans de journalisme, je me suis vraiment remise en question. Je voulais savoir ce que je voulais faire, ce que j'aimais vraiment, et surtout où je pouvais être utile. Une avocate criminaliste m’a suggéré de suivre un certificat en enquête et renseignement à l’Université de Montréal. Le timing m’a semblé parfait, alors je me suis lancée.
Ce programme comprenait des cours de droit, mais aussi des cours sur le renseignement criminel, sur la façon de monter une enquête, et sur les diverses stratégies utilisées dans ce domaine.
Aujourd'hui, comment contribuez-vous aux enquêtes? En quoi votre expertise peut-elle réellement faire la différence dans le travail des avocats?
Avant même d’avoir complété mon certificat d’enquête, je les aidais déjà en rédigeant divers documents juridiques. Je rédigeais des requêtes, que ce soit des requêtes en vertu de la Charte, des requêtes Jordan ou tout autre type de requête dont ils avaient besoin.
Avec mon permis d’enquêteur, je peux maintenant effectuer des tâches plus ciblées : je vérifie des alibis, j’interroge des témoins que la police n’aurait pas interrogés, ou encore des tiers que la défense souhaite inclure dans son argumentation.
Cela peut aller jusqu’à des missions comme la filature ou des vérifications de fond approfondies sur des témoins, pour que l’avocat puisse utiliser ces informations de manière stratégique lors d’un contre-interrogatoire, par exemple.
Comment votre expérience en tant que journaliste judiciaire façonne-t-elle votre approche?
C’est certain que pendant mon certificat, j’ai pu m’appuyer sur beaucoup de connaissances que j'avais déjà acquises sur le terrain, contrairement à quelqu’un qui n’avait pas encore d’expérience professionnelle.
Cette expérience m'a beaucoup aidée, surtout parce que j’ai eu l’occasion de travailler avec de nombreux avocats pendant mes dix ans de journalisme. Ça m’a permis de comprendre leurs besoins et d’établir des relations solides avec eux.
Finalement, avec mon rôle d'enquêtrice, mon objectif est vraiment de repérer les failles dans l’enquête de la police, de voir ce qui n’a pas été fait correctement ou ce qui aurait pu être fait différemment.