C’était la journée mondiale de la propriété intellectuelle
Emilie Laperrière
2022-04-27 13:15:00
L’avocat Jean-Sébastien Dupont de Smart & Biggar, qui approche le litige en propriété intellectuelle sous l’angle des affaires, a accepté de répondre à nos questions.
Droit-Inc. : Quels sont les principaux enjeux liés à la propriété intellectuelle cette année?
Jean-Sébastien Dupont : Certains sont liés à la situation politique actuelle. Les questions de propriété intellectuelle sont évidemment bien secondaires dans la crise humanitaire en Ukraine, mais il reste qu’il y a beaucoup d’entreprises qui se sont, avec raison, retirées de la Russie.
La question qui se pose, c’est ce qui arrive avec la propriété intellectuelle dans ce cas. On ne sait pas si ces entreprises vont éventuellement retourner en Russie, mais dans l’intervalle, qu’est-ce qui se passe si des entreprises locales s’approprient la propriété intellectuelle? On perd par exemple des droits sur les marques de commerce si elles ne sont pas employées pendant un certain temps.
Dans un autre registre, la pandémie continue d’affecter certains clients, notamment en ce qui a trait à la chaîne d’approvisionnement. Encore aujourd’hui, des entreprises sont à déplacer l’endroit où ils vendent et fabriquent leurs produits. Elles les rapatrient de la Chine aux États-Unis, par exemple.
Comme les droits de propriété intellectuelle sont nationaux, si on déplace la production d’un pays à l’autre, il peut y avoir un impact sur les marques de commerce ou sur les brevets, qui ont un horizon de 20 ans. On peut avoir des obstacles concernant ce qui peut être protégé ou non. Ça demande de l’adaptation.
Sinon, en matière de droit d’auteur, il y a toute la question du piratage en ligne. La technologie évolue sans cesse et les pirates adaptent leurs méthodes plus rapidement que le droit n’évolue. Au Canada, la loi sur le droit d’auteur n’est pas mise à jour chaque année. C’est un défi au jour le jour et il faut être créatif comme avocat. Il faut pousser les tribunaux à s’adapter plus vite que le législateur.
L’intelligence artificielle est-elle devenue un enjeu important en matière de droit d’auteur?
Oui. Je fais surtout du litige, je suis donc plus à la fin du processus. En termes de litige, je n’ai pas eu à faire face à ce genre de situation. C’est sûr que ça va arriver dans les prochaines années.
Il y a par exemple l’aspect des œuvres générées à 100 % par ordinateur. Qui est l’auteur dans cette situation : l’intelligence artificielle ou celui qui a créé le logiciel qui a ensuite créé l’œuvre? Pour l’instant, il n’y a pas de réponse. Ça va venir.
Quelles sont les principales tendances au Québec en matière de propriété intellectuelle? Les entreprises ont-elles plus conscience de la nécessité de protéger leurs innovations?
C’est toujours un combat! Le Québec importe encore beaucoup plus qu’on exporte les propriétés intellectuelles. Heureusement, ça évolue dans la bonne direction. Chaque année, ça augmente un peu.
Le gouvernement pousse beaucoup dans ce sens. Au Québec, il y a une nouvelle mesure fiscale qui est en vigueur depuis la fin de l’année fiscale l’année dernière. Elle permet de diminuer de façon considérable le taux d’imposition des entreprises sous certaines conditions. C’est intéressant, ça fait le pont entre l’innovation, la propriété intellectuelle, le droit et la fiscalité.
Est-ce que la propriété intellectuelle demeure un domaine majoritairement masculin?
On part de loin, mais il y a eu beaucoup de progrès dans les dernières années. Je suis très impliqué dans le recrutement des étudiants et on le voit. Dans les études en droit, les femmes sont devenues majoritaires. En génie aussi, on voit de plus en plus de femmes.
Chez Smart & Biggar, les trois offres de stage en propriété intellectuelle ont été offertes à trois femmes cette année. Les femmes sont non seulement plus présentes en droit, mais aussi en propriété intellectuelle. C’est génial.