De réfugié exemplaire à terroriste!
Delphine Jung
2017-02-08 13:30:00
Anas Modamani était plein de bonnes intentions lorsqu’il a publié sur Facebook un égo-portrait de son joli minois, en compagnie de la chancelière allemande Angela Merkel.
Celle-ci visitait un centre pour réfugiés, à Berlin, en septembre 2015.
Le photo, devenue célèbre, est ressortie depuis à toutes les sauces, à tout le moins dès qu’il y a un attentat. Il a notamment été accusé à tort d’être l’un des terroristes de Bruxelles, puis l’auteur de l’attentat suicide à Ansbach, et enfin, d’avoir agressé un itinérant à Berlin.
Le jeune homme a mis en avant les préjudices que lui a causés le détournement de ce cliché.
De nombreux photomontages ont été réalisés à partir de ce cliché et utilisés par les groupes anti immigration, et c’est bien ce qui l’embête.
Son avocat, Me Chan-jo Jun a expliqué que ces photos révèlent de la « diffamation » et de la « violation du droit à l’image », dans une entrevue à l’AFP.
Facebook a-t-il une responsabilité éditoriale?
Interrogée par Droit-Inc sur le dossier, Me Julie Gauthier, spécialisée en droit des technologies et de l’information, explique qu’invoquer le droit à l’image risque d’être compliqué : « Elle a été prise lors d’un rassemblement public et qui plus est, avec une personnalité publique. Et si je comprends bien, c’est lui-même qui a pris cette photo ».
Pierre Trudel, professeur de droit à l’Université de Montréal, ne comprend pas trop non plus où cette requête peut mener. « Cette injonction vise à transformer Facebook en entreprise qui a une responsabilité éditoriale, or ce n’est pas le cas », a-t-il dit.
Pour l’expert, le réseau social n’est qu’une plateforme de mise en ligne de photos et ne peut être tenu comme responsable pour les images qui y circulent, « sinon il devrait faire de la censure très active ».
La cause « n’irait pas bien loin au Canada », même s’il reconnaît que la situation peut être frustrante pour ce jeune homme. « Il devrait plutôt s’en prendre aux gens qui ont détourné son image ».
De son côté, Facebook estime avoir fait le nécessaire en supprimant rapidement l’accès au contenu signalé.
Pour le jeune homme, il s’agira de « fournir des preuves de requêtes répétées, et de prouver si Facebook disposait des moyens technologiques pour faire cesser la diffusion des photomotages », a expliqué Me Gauthier.
« Je vois mal ce que la compagnie peut faire de plus… », a conclue M. Trudel.