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Il voulait « prendre » ma « virginité », témoigne une femme

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Radio-Canada Et Cbc

2024-12-19 11:15:30

Gilbert Rozon est poursuivi par neuf femmes au civil, au palais de justice de Montréal. Source : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Gilbert Rozon est poursuivi par neuf femmes au civil, au palais de justice de Montréal. Source : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Procès Rozon : un témoignage bouleversant sur des agressions présumées à l’adolescence…

« Je veux prendre ta virginité ». Au procès civil de Gilbert Rozon, Sophie Moreau, la fille du défunt humoriste Jean-Guy Moreau, a raconté avoir été agressée et harcelée sexuellement par l'ex-magnat de l'humour alors qu'elle était mineure, tout en évoquant le viol qu'aurait subi sa mère et sa sœur.

Les avocats en demande sont : Me Bruce Johnston, Me Anne-Julie Asselin et Me Jessica Lelièvre.

Les avocats de Gilbert Rozon sont : Me Mélanie Morin, Me Pascal Pelletier et Me Laurent Debrun.

Mme Moreau connaissait Gilbert Rozon depuis ses 10 ans. Celle qui est la fille du regretté imitateur et humoriste Jean-Guy Moreau – un très bon ami de M. Rozon, qui a d’ailleurs contribué à mettre sur pied le festival Juste pour rire – a confié qu’elle avait une confiance absolue en lui, à l’époque.

« On avait une très bonne relation, j’avais l’impression qu’il m’avait prise sous son aile et qu’il m’incluait. J’avais complètement confiance en lui parce que je le connaissais depuis plusieurs années », a-t-elle raconté au huitième jour du procès civil de Gilbert Rozon.

Sophie Moreau allègue avoir été agressée et harcelée sexuellement en 1988 et en 1989, alors qu’elle était âgée de 15 et de 16 ans. Elle dit souffrir encore aujourd’hui d’un grave préjudice et réclame 1,25 million de dollars à l’ex-producteur de 70 ans.

C’est au secondaire, à l'âge de 15 ans, qu’elle a commencé à travailler pour le festival d'humour durant l’été. Le premier incident serait survenu pendant cette période. M. Rozon l’aurait amenée voir un spectacle à la Place des Arts et l’aurait attirée dans une salle des machines pour l’enlacer et lui demander de l’embrasser.

Elle aurait alors répondu « non », en le regardant d’un drôle d'air, après quoi il se serait retiré et se serait mis à rire « comme si de rien n’était ». Sophie Moreau a souligné à la juge qu’elle ne comprenait pas comment un adulte – son patron et de surcroît l’ami de son père – pouvait faire une telle chose.

Une autre femme les aurait aperçus en coulisses quelque temps plus tard et aurait chuchoté à l’oreille de Mme Moreau de « fai(re) attention ».

Selon son témoignage, il n’y aurait pas eu d’autres incidents comme celui-là cet été-là. Or, dès son retour dans l'équipe du festival l’été suivant, Mme Moreau a confié que les incidents se sont multipliés.

Avances et attouchements

À un certain moment, Gilbert Rozon lui aurait mis une main sur une fesse dans les bureaux de Juste pour rire. Elle lui aurait alors signifié clairement qu’elle n’aimait pas ça.

Me Bruce Johnston, Me Anne-Julie Asselin et Me Jessica Lelièvre. Source : Trudel Johnston & Lespérance
Me Bruce Johnston, Me Anne-Julie Asselin et Me Jessica Lelièvre. Source : Trudel Johnston & Lespérance

Elle a aussi raconté que les soirs de gala au Théâtre St-Denis, il se plaçait derrière elle dans l’arrière-scène, où « il faisait noir », afin de l’enlacer par-derrière et de poser ses mains sur son ventre. Il lui chuchotait alors à l’oreille : « Viens, je vais t'embrasser. Je veux prendre ta virginité, je vais y aller doucement ».

Ce stratagème se serait répété à quatre ou cinq reprises.

« Je sens son corps au complet sur moi. Je ne me sens pas bien, je n’aime pas ça. Je me sens dégueulasse. Je suis dans l’incompréhension et le dégoût », a témoigné la dame aujourd'hui âgée de 51 ans, qui précise n'avoir embrassé qu'un seul garçon avant ce moment.

Mme Moreau a précisé que les avances, les attouchements et les agressions sexuelles de la part de Gilbert Rozon ont pris fin lorsque ce dernier a commencé à s’intéresser à sa sœur, Véronique Moreau, alors âgée de 17 ans. Cette dernière témoignera à son tour au procès, vendredi, des multiples agressions qu'elle aurait subies alors qu'elle était en couple avec lui.

Sophie Moreau a toutefois raconté lors de son témoignage de ce matin, qu'en 1994, alors que sa sœur n’était plus en couple avec M. Rozon et qu'elle habitait à Paris, il aurait drogué et violé cette dernière.

« Il regardait ma sœur avec un regard qu’il avait déjà posé sur moi, mais je n’ai rien su avant six mois, lorsqu'elle m’a annoncé qu’elle avait un amoureux et que c’était Gilbert Rozon ».

Les deux filles, puis la mère

Sophie Moreau a aussi raconté à la juge les circonstances durant lesquelles elle a appris le viol présumé de sa mère, Suzanne Deniger, en décembre 2017.

Alors qu’elle avait tout raconté à ses parents en 2005, 12 ans plus tard, c’est au tour de sa mère – décédée en 2022 – d’enfin se confier à sa famille. Elle aurait, elle aussi, été violée par M. Rozon.

« On est le 27 décembre, je vais m’en souvenir toute ma vie. (Ma mère) se ferme et me dit ‘’moi aussi’’. ‘’Toi aussi quoi?’’ ‘’Moi aussi #metoo‘’ », mentionne Sophie Moreau.

« J’avais toujours eu le sentiment que ma mère avait donné carte blanche à partir du moment où il est devenu l’amant de ma sœur. Il est souvent venu à la maison à Noël. On a un peu crié tout le monde. ‘’Comment tu ne l’as pas dit avant?’’ (J’étais prise entre) la surprise et la colère », a-t-elle indiqué.

Sophie Moreau a expliqué que M. Rozon aurait raccompagné sa mère chez elle en état d’ébriété après un souper au restaurant à la fin des années 1990. Il l’aurait alors violée.

Me Mélanie Morin, Me Pascal Pelletier et Me Laurent Debrun. Sources : Morin Pelletier Avocats et Spiegel Sohmer
Me Mélanie Morin, Me Pascal Pelletier et Me Laurent Debrun. Sources : Morin Pelletier Avocats et Spiegel Sohmer

En quittant, il lui aurait dit : « de toute façon, tu ne pourras rien dire. Personne ne va te croire, je suis en couple avec Véro ».

Sophie Moreau était la sixième femme à poursuivre M. Rozon au civil pour des allégations de crimes sexuels et la seule victime présumée qui aurait été mineure au moment des faits. Le procès de Gilbert Rozon s’est ouvert la semaine dernière au palais de justice de Montréal, malgré sa tentative de le faire reporter.

Au total, neuf présumées victimes ont amorcé cette ultime tentative pour obtenir réparation dans le cadre d’un procès civil commun devant la juge Chantal Tremblay, de la Cour supérieure.

Julie Snyder, qui ne fait pas partie des demanderesses bien qu’elle ait dit publiquement à plusieurs reprises qu’elle a été agressée sexuellement, elle aussi, par l’homme d’affaires, témoignera pour sa part jeudi.

Les demanderesses souhaitent notamment faire entendre la preuve de faits similaires. En droit, ce genre de preuve peut être admissible afin de démontrer que l'accusé a mis en place un système pour manipuler la ou les victimes.

Julie Snyder est par ailleurs poursuivie en diffamation par l’ex-patron de Juste pour rire, tout comme Patricia Tulasne, à qui il reproche « un abus de droit » et demande des dommages et intérêts pour « troubles et inconvénients, atteinte à la réputation et dommages moraux ».

Quarante-trois jours d’audiences sont prévus pour ce procès, qui doit se poursuivre jusqu’au 28 mars prochain.

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