Immigration Canada poursuivi pour ses longs délais de traitement
Radio -Canada
2022-03-18 13:15:00
« Notre objectif, c’est de faire bouger les choses. On parle de gens qui travaillent déjà ici, qui sont intégrés », clame sans détour Stéphanie Valois, présidente de l’Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration (AQAADI).
Cette dernière a écrit au ministre de l’Immigration Sean Fraser le 23 février. Mais en dehors d’un accusé de réception, aucune réponse n’a été fournie à ce jour par le gouvernement de Justin Trudeau. Une requête en mandamus, dont Radio-Canada a obtenu copie, a donc été déposée devant la Cour fédérale.
« Il y a des gens qui attendent depuis 2018 ou 2019. Malheureusement, on n’a plus le choix. Ces gens attendent depuis bien trop longtemps », explique Stéphanie Valois, présidente de l’AQAADI.
Des délais qui atteignent 40 mois
Selon le site du ministère fédéral de l’Immigration, les délais de traitement sont actuellement, en moyenne, de 28 mois pour les travailleurs qualifiés du Québec (TQQ), contre 6 mois pour les programmes similaires dans les autres provinces.
Or, même ces délais « injustes » sont souvent dépassés, déplorent ces experts en immigration.
« L’un de mes clients n’a aucune réponse depuis 40 mois. C’est par désespoir et dernier recours qu’on saisit la cour », soutient l’avocat Guillaume Cliche-Rivard.
« La porte est grande ouverte pour une discussion. On sait qu’Immigration Canada a la capacité de traiter ces dossiers, mais on sent un manque de volonté », constate Guillaume Cliche-Rivard, avocat en immigration.
Selon l’AQAADI, près de 25 000 dossiers provenant de travailleurs déjà sélectionnés par Québec seraient en attente d’une réponse du gouvernement fédéral. « Ça peut facilement toucher 50 000 personnes », détaille Stéphanie Valois, qui regrette des communications complexes avec le ministère de l’Immigration.
« Ces gens essaient de faire des suivis, d’avoir des réponses d’Immigration Canada, mais ils n’obtiennent rien, raconte-t-elle. Une partie du problème et du stress engendré, c’est cette incapacité pour les demandeurs de savoir quand leur dossier sera finalisé ou s'il le sera un jour. Ils ont leur vie en suspens. »
« Les dossiers ne sont plus traités par ordre d’arrivée, poursuit l’avocate. On voit des dossiers de 2020 se finaliser, mais pas ceux de 2018. C’est comme s’il y [existait] une loterie pour avoir la résidence permanente. »
Un échéancier « clair » et « raisonnable » réclamé
En affirmant représenter « l’intérêt public » et ces milliers de dossiers en attente, l’AQAADI demande au tribunal que soient traités en priorité les dossiers les plus anciens, d’ici trois à six mois, en fonction des seuils d’immigration fixés par le gouvernement du Québec.
« On demande aussi la mise en place d’un calendrier de traitement public, clair, ordonné, chronologique et raisonnable. Il faut s’assurer que ces demandes d’immigration soient traitées de façon équitable », reprend Guillaume Cliche-Rivard.
Invité à réagir, le cabinet du ministre Sean Fraser n’a pas répondu aux demandes de Radio-Canada.
Le ministre, arrivé en poste cet automne après les dernières élections fédérales, a cependant déjà fait part de son envie de « moderniser » le système d'immigration canadien.
Il s'agit de sa « priorité absolue », a-t-il déclaré à la fin de janvier, tout en ajoutant être conscient que « les délais de traitement ont été incroyablement frustrants pour de nombreuses personnes ».