Un avocat devra payer son dû… à un cabinet!
Didier Bert
2025-01-14 15:00:53
La Cour supérieure du Québec a condamné un ancien policier devenu avocat à payer 130 101 $, plus les intérêts, au cabinet qui lui avait fourni des services durant trois années.
Le défendeur, Me Alfredo Muñoz, précise qu’il « prépare l’appel » du jugement. Le Bouclier Juridique, une entité sous laquelle il opérait, est condamné solidairement à payer le montant dû.
Me Muñoz, un ancien sergent du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), avait fait appel au cabinet Salvatore Avocats, situé à Blainville, alors qu'il venait de vendre les actifs de l’entreprise SOS Ticket. Cette société offre des services pour faire annuler les contraventions.
Initialement, le mandat du cabinet est d’envoyer une mise en demeure à l’acquéreur de SOS Ticket afin d'obtenir le paiement relatif à la vente.
Par la suite, Alfredo Muñoz perd son emploi et fait face à des constats d’infraction du Barreau du Québec, qui l’accuse de pratique illégale du droit. Parallèlement, il entame des études de droit et « croit que plusieurs concepts qu’il apprend en salle de classe s’appliquent à son cas. Autrement dit, ce qui s’annonçait être une simple action sur compte prend la forme d’un recours à géométrie variable », écrit la juge Danielle Turcotte dans la décision de la Cour supérieure.
Depuis, Alfredo Muñoz a mené à bien ses études puisqu’il est désormais membre du Barreau de l’Ontario, et membre du Barreau du Québec à titre de conseiller juridique canadien. Il pratique au sein de son propre cabinet, Lex Facto, spécialisé en droit Criminel, immigration, et enquêtes indépendantes.
Par amitié, Me Lucie Salvatore accepte de ne facturer que les déboursés encourus au fur et à mesure de l'évolution du mandat.
Durant la période où elle conseille le défendeur, Me Lucie Salvatore s’assure que son client soit au courant des travaux en cours et en discute régulièrement avec lui.
Mais au bout de trois ans, les honoraires se sont accumulés et le total atteint plus de 100 000 $.
Au début de l'année 2022, l'avocate entend être payée et propose à son client de signer une reconnaissance de dette, ce qu'il accepte. La convention d'honoraires qui avait été perdue est à nouveau signée, et le client promet de régler sa dette en vendant sa propriété.
« Ce qu’il écrit à l’époque démontre qu’il n’entretenait aucun doute sur ce qu’il devait payer. Il savait très bien que rien n’était conditionnel au résultat à venir, comme il le soutient maintenant. De plus, il ne conteste nullement ce qui lui est réclamé. Il tente de gagner du temps et de continuer de profiter de la bonté de Me Salvatore », détaille la juge Turcotte dans sa décision. « Mais tout tombe à l’eau, une fois la reconnaissance de dette prête pour signature. Il fait reposer sur les épaules de sa conjointe le fait qu’il ne puisse donner suite à sa promesse d’offrir une garantie. »
En juillet 2022, le cabinet Salvatore Avocats lui envoie une mise en demeure de payer la somme de 130 101 $. « Il promet de le faire mais ne s’exécute pas », relate la décision. Le cabinet renouvelle sa demande de paiement en septembre, et introduit un recours en octobre 2022.
Le défendeur effectue alors un paiement de 500 $.
Des explications « farfelues »
Pour sa défense, Alfredo Muñoz, qui n’était pas représenté, plaide qu'il a manqué d'informations quant à l'ampleur des honoraires encourus. « Il serait pris de court par le montant qu’il considère élevé », écrit la juge Turcotte. « M. Muñoz soutient ne pas avoir été adéquatement informé des honoraires qui s’accumulaient durant les trois années où il a requis les services du cabinet. »
Mais la juge n'en croit pas un mot. « La preuve du contraire est accablante », assène-t-elle, en rappelant que le défendeur a signé un mandat en bonne et due forme. Et même si le document est perdu, il est identique à un autre mandat signé en mars 2022 sur lequel tous les détails pertinents aux honoraires facturables sont énumérés.
« Aux yeux du Tribunal, le défendeur a, par ses agissements, reconnu devoir ce qui lui est réclamé de sorte que sa défense relative au manque d’information est irrecevable », indique le jugement.
La juge Danielle Turcotte blâme le défendeur: « ses explications sont farfelues et il n’a cessé de s’empêtrer dans des invraisemblances. Ses moyens de défense sont dilatoires et totalement infondés. »
La Cour supérieure condamne Alfredo Munoz à payer son dû, soit 130 101 $, plus les intérêts. « Je suis satisfaite du jugement, justice a été rendue », nous a indiqué Me Lucie Salvatore. Quant à M.Muñoz, il entend faire appel de la décision.
Salvatore Avocats était représenté par ses avocates Me Jessica Marcelli et Me Lucie Salvatore. Le Bouclier Juridique était conseillé par Me Gleb Shalabanov.