La Cour suprême américaine invalide l’arrêt Roe c. Wade
Radio -Canada
2022-06-28 07:00:00
« La Constitution américaine ne garantit pas le droit à l’avortement », peut-on lire dans cette décision rédigée par le juge Samuel Alito au nom de la majorité conservatrice.
Selon le magistrat, la reconnaissance de ce droit par la Cour suprême il y a presque 50 ans était une décision « totalement erronée ».
La Cour suprême avait à se pencher sur un texte de loi du Mississippi qui interdit l'avortement après 15 semaines de grossesse.
Or, la Cour suprême a fait plus que confirmer la légalité de la loi du Mississippi : elle a carrément annulé le droit constitutionnel à l'avortement reconnu en 1973 et réitéré en 1992 dans l'arrêt Casey c. Planned Parenthood.
Cette décision de la Cour suprême a pour effet de rétablir la situation qui était en vigueur avant Roe. Ainsi, il incombera maintenant aux États de légiférer afin d'interdire, de limiter ou d'autoriser l'avortement sur leur territoire.
Il est attendu qu'environ la moitié des États interdisent cette intervention médicale dans la foulée de la décision de la Cour suprême.
Déjà, le Missouri, la Louisiane et le Texas ont annoncé la suspension de presque tous les avortements sur leurs territoires. Ces États, à l'instar d'une dizaine d'autres, s'étaient dotés de lois-gâchettes qui prévoyaient l'annulation presque immédiate de l'avortement dans l'éventualité d'un renversement de Roe.
Le procureur général de la Louisiane, Jeff Landry, a salué cette volte-face de la Cour suprême.
« Aujourd'hui, avec des millions de personnes en Louisiane et en Amérique, je me réjouis avec ma maman décédée et avec les enfants à naître qui sont avec elle au paradis! »
« C’est un jour monumental pour le caractère sacré de la vie, a déclaré le procureur général du Missouri, Eric Schmitt, dans un tweet. Il a ratifié un texte qui met véritablement fin à l’avortement dans cet État conservateur.
Mike Pence, qui a servi comme vice-président dans l'administration Trump, s'est dit ému qu'« aujourd'hui, la vie ait gagné » et a appelé à une interdiction nationale de l'avortement.
D’autres militants pro-vie ont comme objectif avoué de retourner devant la Cour suprême pour faire garantir aux fœtus les mêmes droits qu’une personne. L’avortement deviendrait ainsi un meurtre.
« Nous sommes prêts à passer à l’offensive pour défendre la vie dans chaque organe législatif, dans chaque législature d’État et à la Maison-Blanche », a affirmé la présidente du groupe Susan B. Anthony List, Marjorie Dannenfelser.
« Tout au long de l’histoire, beaucoup de groupes ont été injustement privés de leur statut de "personnes" par la société comme par la loi », a pour sa part indiqué l'organisme March for Life. « L’avortement n’est pas différent », a-t-il ajouté.
De l'autre côté du spectre politique, la Californie, l'Oregon et l'État de Washington se sont engagés à défendre le droit à l'avortement.
Les nominations de Donald Trump déterminantes
La décision de la Cour suprême, dont une ébauche avait filtré en mai dernier, représente une victoire pour la droite conservatrice américaine, investie dans la lutte contre l'avortement depuis des décennies.
Elle marquera également un des héritages les plus marquants du président Donald Trump, qui a juré de nommer des juges qui annuleraient l'arrêt Roe c. Wade. Les trois juges qu'il a nommés souscrivent à la décision majoritaire, un jugement qui ne représente rien de moins que la « volonté de Dieu », selon Donald Trump.
Le juge en chef de la Cour suprême, John Roberts, a voté avec la majorité mais a affirmé dans une décision concordante qu'il aurait suivi une voie plus « mesurée » sans aller jusqu'à l'annulation pure et simple de l'arrêt Roe c. Wade.
« La décision de la Cour suprême d'annuler Roe et Casey est un sérieux choc pour le système juridique, quelle que soit votre opinion sur ces questions », a-t-il écrit.
Certains groupes opposés à l’avortement militent pour que son interdiction soit inscrite dans la Constitution américaine. Or, un des juges conservateurs de la Cour suprême, Brett Kavanaugh, a rejeté cette idée. Pour lui, « la Constitution ne proscrit ni ne légalise l’avortement », a-t-il écrit.
Il a ajouté que la décision de renverser Roe c. Wade n’interdit pas aux femmes qui vivent dans un État qui restreint ou qui interdit l’avortement de se rendre dans un autre État pour avorter. Il a aussi indiqué que la décision de la Cour suprême ne permettra pas de punir rétroactivement les avortements.
Les trois juges de l'aile libérale de la Cour suprême ont exprimé leur dissidence.
Écrivant pour la minorité, le juge Stephen Breyer affirme que cette décision aura pour conséquence « de restreindre les droits des femmes et leur statut de citoyennes libres et égales ».
« Un triste jour pour l'Amérique »
Le président Joe Biden a qualifié la décision de la Cour suprême d'annuler le droit à l'avortement d'« erreur tragique » qui résulte d'une « idéologie extrémiste ».
« La santé et la vie des femmes de ce pays sont maintenant en danger » a martelé le président dans une allocution solennelle. Il a déploré « un jour triste pour la Cour suprême et pour l'Amérique », qui ramène le pays « 150 ans en arrière ».
Joe Biden appelle maintenant à élire des candidats démocrates aux élections de mi-mandat de novembre prochain de manière à rétablir le droit à l'avortement grâce à l'adoption d'un texte de loi.
Cet appel fait écho à celui de la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, pour qui il est clair que « les droits des femmes et de tous les Américains seront en jeu en novembre prochain ».
L'ancien président démocrate Barack Obama, qui a nommé deux des juges dissidents, a accusé la Cour suprême « d'avoir attaqué les libertés fondamentales de millions d'Américaines ».
De leur côté, certaines organisations de planification familiale aux États-Unis ont promis de poursuivre la lutte et de « se battre » pour rétablir le droit à l’avortement. Et elles veulent le préserver le plus possible au niveau local.
Pirlouit
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