Le Canada de retour en cour contre des survivants du pensionnat de Sainte-Anne
Radio-Canada Et Cbc
2025-01-23 13:30:04
Des avocats du gouvernement fédéral demandent à un tribunal de rejeter la requête d'un groupe de survivants du pensionnat de Sainte-Anne, dans le Nord de l'Ontario. Les requérants veulent tenir le Canada responsable de la dissimulation de preuves d'abus généralisés dans ce pensionnat.
Cette saga juridique vieille de 10 ans se poursuit cette semaine devant la Cour supérieure de l'Ontario, à Toronto, où d'anciens élèves de l'école catholique de Fort Albany – connue sous le nom de pensionnat de Sainte-Anne – ont répliqué au gouvernement.
Le gouvernement canadien, qui a ouvert l'audience lundi, argue que la demande a été déposée après la date limite fixée pour ce type de demande et qu'elle vise à rouvrir des questions déjà tranchées.
Cependant, l'ancien chef de la Première Nation de Fort Albany, Edmund Metatawabin, qui mène ce combat auprès des survivants, a déclaré que son groupe est habitué à de telles tactiques et qu'il continuera à faire pression sur le gouvernement.
12 000 dossiers d'enquêtes policières
Cette affaire porte sur la mise en œuvre de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens de 2006. Le règlement du recours collectif offrait aux survivants une compensation financière et un processus d'évaluation indépendant (PEI) pour entendre et juger les demandes individuelles concernant des abus.
Toutefois, lorsque les demandes du PEI ont commencé, « elles ont été entendues sous sous un prétexte trompeur », a déclaré Fay Brunning, l'avocate du groupe de survivants du pensionnat de Sainte-Anne, devant le tribunal mardi.
De 2006 à 2014, le Canada a déclaré qu'il ne disposait d'aucun document sur les abus sexuels commis au pensionnat de Sainte-Anne, qui a été en fonction de 1906 à 1976. Cependant, en réalité, le ministère de la Justice possédait quelque 12 000 dossiers d'enquêtes policières et autres documents de procès criminels et de poursuites civiles.
Totalisant 47 000 pages, ces documents non divulgués contenaient des allégations et des preuves d'agressions, de viols, d'humiliations sexuelles, de punitions infligées au moyen d'une chaise électrique de fortune ou d'un fouet ainsi que d'enfants malades contraints de manger leur propre vomi.
« Ils ont été la proie des pédophiles et des agresseurs qui dirigeaient le pensionnat de Sainte-Anne », peut-on lire dans l'argumentation écrite par les avocats Fay Brunning et Michael Swinwood.
De son côté, l'Assemblée des Premières Nations (APN), qui est une partie prenante de l'accord de règlement, s'est dite « profondément préoccupé(e) par les tentatives du Canada de bloquer cette affaire cruciale pour des raisons techniques ».
Enquêtes et accusations
Entre 1992 et 1997, la police provinciale de l'Ontario a mené une vaste enquête criminelle sur les abus présumés commis au pensionnat de Sainte-Anne. Elle a interrogé plus de 700 témoins, recueilli 900 déclarations sous serment et saisi plus de 7000 documents auprès d'entités ecclésiastiques. La police a fini par inculper sept anciens responsables du pensionnat et a obtenu cinq condamnations.
Au début des années 2000, la lutte s'est déplacée vers les tribunaux civils, où 152 survivants ont intenté 61 actions en justice en désignant 180 agresseurs présumés. En 2014, M. Metatawabin et le groupe de survivants ont obtenu une décision de justice qui a confirmé que le Canada avait manqué à ses obligations en ne divulguant pas les documents de ces enquêtes.
Le tribunal ne s'est toutefois pas prononcé sur la question de savoir si Ottawa avait agi de mauvaise foi.