Le cas des demandeurs d’asile haïtiens inquiète les avocats

Depuis le début de l’année, les douaniers assurent être submergés par le flot incessant de migrants venus des États-Unis. Effet Trump oblige, ces derniers se sentent menacés par les mesures anti-immigration du président américain et vont chercher un meilleur avenir au Canada.

De janvier à juin 2017, la Gendarmerie Royale du Canada (GRC) aurait intercepté 3350 personnes au Québec dont la plus grande partie serait passée par le rang Roxham, à Saint-Bernard-de-Lacolle, un passage irrégulier notoire.

Et depuis quelques temps, ce sont surtout des Haïtiens qui sont repérés par les services frontaliers. « Cet afflux est directement lié aux déclarations du président Donald Trump qui a annoncé vouloir mettre un terme au programme offert aux Haïtiens mis en place par Barack Obama après le tremblement de terre de 2010 », explique Me Stéphane Handfield, avocat spécialiste en immigration.

Ce permis, qu’il leur fallait renouveler chaque année, leur permettait de travailler. D’après l’avocat, 58 000 personnes pourraient ainsi être expulsés des États-Unis vers Haïti.

« On m’a rapporté que déjà aujourd’hui, des Haïtiens sont expulsés du pays alors même que leur demande d’asile n’a pas été étudiée. Cela est contraire à la Convention de Genève relative au statut des réfugiés », poursuit Me Handfield.


Sont-ils de « vrais » réfugiés?

Le problème que vont rencontrer ces migrants sera de prouver qu’il existe un réel danger pour leur vie s’ils retournent en Haïti : « la personne doit démontrer qu’elle a une crainte et qu’elle ne pourra pas bénéficier d’une protection dans son pays et que les possibilités de refuge à l’intérieur même de son pays d’origine ne sont pas possible », détaille Me Marie-Andrée Fogg, avocate de l’aide juridique Montréal-Laval, bureau immigration.

Pour Me Fogg, l’autre problème que rencontrent les demandeurs d’asile est lié aux délais. « Il y a trop de demandeurs d’asile pour le nombre de commissaires. Les dossiers sont donc remis à des dates ultérieures », explique-t-elle. En effet, une audience est généralement prévue dans les 30 à 60 jours. Un délai actuellement largement dépassé selon elle.

Ainsi, alors que les demandes d’asile sont généralement étudiées à la frontière, les migrants doivent désormais se rendre à Montréal, dans un bureau d’Immigration et citoyenneté Canada, pour obtenir cette date d’audience.

Par ailleurs, ces migrants haïtiens, s’ils viennent des États-Unis, auraient dû faire leur demande d’asile aux États-Unis d’après Me Fogg. En effet, l’entente de tiers pays sûr impose aux migrants de déposer leur demande d’asile dans le premier pays sûr où ils arrivent.

D’où l’intérêt de passer illégalement la frontière pour que cette entente soit ainsi caduque et que le Canada apparaisse comme le « premier » pays foulé par les demandeurs d’asile.

Me Handfield rappelle cependant que les États-Unis ne sont plus considérés comme un pays « sûr », d’après un rapport publié en février 2017 par le département de droit de l’immigration de l’Université d’Harvard.