Les frères Péladeau font appel
Radio -Canada
2020-05-04 10:15:00
Jeudi, après 20 ans de litige avec ses frères, dont le président et chef de direction de Québecor, Pierre Karl Péladeau, la Cour supérieure a tranché en faveur d'Anne-Marie Péladeau.
Le tribunal espère de tout cœur que le présent jugement sera le dernier acte d’une saga familiale et judiciaire qui fut aussi longue que malheureuse et coûteuse, a écrit le juge Gérard Dugré.
Les Placements Péladeau, qui appartiennent à ses frères, doivent lui verser plus de 36 millions de dollars, en plus des frais de cour et d'expertise et des intérêts, a ordonné le juge.
« C’est la liberté de ne plus devoir rien demander. J’ai 55 ans et je vais commencer à vivre », a réagi Anne-Marie Péladeau, en entrevue à Radio-Canada.
Par voie de communiqué, les frères Péladeau estiment que la décision rendue jeudi est clairement entachée d’erreurs importantes et que dans les circonstances, ils n’ont d’autres choix que porter ce jugement en appel.
Mais le jugement est exécutoire nonobstant appel. Les frères Péladeau ont donc 60 jours pour remettre l’argent à Anne-Marie.
Elle ne pourra cependant pas jouir tout de suite du montant en entier, puisque ses biens sont gérés par un conseil de tutelle depuis 1993 en raison de ses importants problèmes de dépendance.
Un litige vieux de 20 ans
Le litige a pris naissance en l'an 2000, quand les frères ont racheté les parts de leur sœur dans l'entreprise familiale pour plus de 50 millions de dollars. Cet argent devait être transféré dans une fiducie, à raison de versements annuels.
Une clause de l'entente, qui stipulait que ces versements devaient avoir lieu seulement si Québecor versait des dividendes de plus de 4,2 millions de dollars aux Placements Péladeau, a laissé place à interprétation.
Le juge Dugré qualifie cette clause d'ambiguë, voire d'absurde.
Il implique littéralement qu’Anne-Marie pourrait devoir attendre une éternité avant de recevoir paiement du prix de vente qui lui est dû, écrit le magistrat dans son jugement de 80 pages.
« À la date du procès en avril 2019, les biens vendus à PPI Placements Péladeau Inc., et dont cette dernière jouit depuis octobre 2000, avaient une valeur approximative de 900 millions de dollars, mais Anne-Marie n’a alors reçu que 16 484 672 $ sur le prix de vente convenu de 55 millions », mentionne un Extrait de la décision du juge Gérard Dugré, de la Cour supérieure du Québec.
Considérant que les compagnies détenues par les frères Péladeau sont des personnes morales dont l'existence est perpétuelle, le juge estime qu'Anne-Marie pourrait devoir attendre une éternité avant de « peut-être » recevoir son dû.
Vulnérable
Le magistrat a notamment retenu que la fille du fondateur de Québecor est vulnérable et qu'elle a le droit de recevoir le paiement complet du prix de vente dès maintenant.
Il considère aussi que ses frères ont amplement la capacité financière de la payer.
Anne-Marie est malade et elle a le droit de recevoir de son vivant le prix de vente des biens qu’elle a vendus en l’an 2000, écrit le juge.
Il ajoute que l'anxiété et l'angoisse causées par l’attente du paiement constituent un préjudice très sérieux qui sera exacerbé par le fait de porter la présente affaire en appel.
« Chaque jour qui passe sans paiement du prix lui cause un préjudice sérieux, voire irréparable », mentionne le jugement.
« On reconnaît enfin que les gens qui sont aux prises avec des problèmes de toxicomanie ne choisissent pas de devenir toxicomanes, souligne l'avocat Philippe Trudel. C’est une condition qui se traite. Souvent, ces gens-là, on les traite en paria, alors qu’on devrait plutôt leur donner de l’attention et des soins. »
Appel à la réconciliation
Le magistrat termine son jugement en souhaitant que les enfants de Pierre Péladeau retrouvent une certaine paix familiale.
Le présent procès aura permis à tous de comprendre qu’Anne-Marie souffre d’une maladie particulièrement pernicieuse. Or, personne ne choisit d’être malade, et cela, son regretté père l’avait bien compris. Pierre Karl le comprend maintenant. Le moment est donc venu de déposer les armes et de mettre un terme à cette affaire, conclut le juge Dugré.
« Se battre contre PKP, c’est quelque chose, ce que je trouve plate c’est qu’on aurait pu régler ça à l’amiable, affirme pour sa part Anne-Marie Péladeau. J’ai de la peine, parce que je sais que ce n’est pas cet événement-là qui va nous regrouper en famille. Ça fait longtemps qu’il n’y en a pas de famille chez les Péladeau. »
« Je referai plus jamais la rue de ma vie? C’est le plus beau cadeau de ma vie », conclut-elle.