Les juges ne veulent pas de formation sur les agressions sexuelles
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Delphine Jung
2017-04-12 14:01:00

Le directeur exécutif du Conseil canadien de la magistrature (CCM), Norman Sabourin, estime que « le Parlement ne peut contraindre la magistrature à un comportement particulier sans compromettre leur indépendance », a rapporté Le Devoir.
Ce qui expliquerait la volonté de Rona Ambrose de proposer une formation aux futurs juges, et non aux juges déjà en poste.
Il a aussi rappelé que l’administration de la justice est une compétence provinciale et non fédérale.
Dans sa proposition de loi, la chef de file des conservateurs voudrait contraindre les juges aspirants à suivre une formation sur les agressions sexuelles et ses stéréotypes. L’idée a été portée devant le Parlement après qu’un magistrat albertin, Robin Camp, a demandé à une victime pourquoi elle n’avait pas serré les cuisses face à son agresseur présumé.
Les juges devraient aussi motiver par écrit leurs décisions en matière d’agression sexuelle. Le Conseil canadien de la magistrature devrait compiler le nombre de juges qui ont suivi cette formation et le nombre d’affaires d’agressions sexuelles entendues par des juges qui ne l’ont pas suivie.
Problème, pour Marc Giroux, sous-commissaire à la magistrature fédérale : « Notre bureau reçoit plus de 500 candidatures par année en moyenne. Et cette année, nous en avons reçu 700 en moins de six mois. Si la formation devait être prodiguée pendant le processus de sélection, à un si grand nombre de candidats, nous nous demandons si la formation serait adéquate et exhaustive », rapporte Le Devoir.
M. Giroux et M. Sabourin proposent plutôt que les aspirants juges signent un engagement à suivre une formation une fois qu’ils siègent.
Une promesse toutefois symbolique, puisque l’Association du Barreau canadien a rappelé, dans un rapport rendu hier, qu’il « existe déjà de nombreux programmes de formation pour les juges ». En plus, « le budget fédéral de 2017 a augmenté les crédits affectés aux formations de sensibilisation aux disparités entre les sexes et aux réalités culturelles destinées aux juges », toujours selon ce rapport.
L’ABC, tout en soulignant « l’intention louable », a elle aussi mis en avant le danger qu’une telle loi représenterait pour l’indépendance de la magistrature, « un des piliers de notre système judiciaire et de notre démocratie ».